Exposition Territoire du crayon de Robert Walser
Présentation de l'exposition
Exposition Territoire du crayon de Robert Walser
FONDATION MARTIN BODMER, Cologny-Genève
Du 1er septembre au 29 octobre 2006
du mardi au dimanche, de 14h à 18h Fermé le lundi
Vernissage le vendredi 1er septembre à 18h30
Cinq cent vingt-six feuillets couverts d'une écriture minuscule au crayon ont été retrouvés dans les archives de Robert Walser (1878-1956). Déchiffrés pendant vingt ans puis publiés en partie, ils ont révélé un pan bouleversant du travail du grand écrivain suisse : le domaine prodigieux d'une uvre aboutie dès sa gestation - proses, poème, roman, scènes dialoguées -, cueillie à fleur d'improvisation.
Pourquoi cet atelier miniature ? Pourquoi ces supports disparates ? Pourquoi le choix du crayon? Pourquoi une graphie aux limites de l'illisible ? Sans prétendre élucider des secrets dont nul sans doute n'aura jamais toutes les clefs, cette exposition et les publications qui l'accompagnent abordent ce territoire magique d'une façon entièrement nouvelle.
Le visiteur est invité ici à découvrir quelques-uns des feuillets dans leur matérialité et dans le mouvement même de leur élaboration.
L'exposition comprendra une soixantaine de microgrammes. Certains seront reproduits en traduction française. Une brochure d'accompagnement présentera brièvement l'oeuvre et la vie de l'écrivain qui seront illustrés par quelques microgrammes et photographies. Textes de Charles Méla et de Marion Graf.
Commissaires d'exposition :
Elisabeth Macheret, vice-directrice du Musée Martin Bodmer
Marlyse Pietri, directrice des Editions Zoé
Rencontres autour de l'exposition Robert Walser :
2 septembre |
11h |
Fondation Martin Bodmer, Salle Walser
L'écriture cachée de Robert Walser
table ronde présidée par Marion Graf |
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25 septembre |
18h |
Studio de la Comédie de Genève - collaboration Comédie de Genève et Fondation Martin Bodmer - Quand je mange de la crème fouettée , d'après Robert Walser
réalisation Anne-Marie Delbart et Claude Thébert |
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29 octobre |
16h |
Fondation Martin Bodmer, Salle Walser
Lecture de microgrammes de Robert Walser par Jacques Roman |
Adresse et contact : Route du Guignard 19-21 CH-1223 Cologny, Genève - Tél : 022 707 44 33
Revue de presse
Le Culturactif vous propose ci-dessous une revue de presse, incluant en particulier l'intégralité d'un long article consacré par Le Courrier à cette exposition, sous la plume d'Anne Pitteloud.
Nous vous invitons également à revenir à la page que nous avions consacrée au moment de sa parution en 2004 au livre Robert Walser, l'écriture miniature (Zoé), qui fait office de catalogue ou de volume d'accompagnement à l'exposition de la Fondation Bodmer.
Article d'Anne Pitteloud, pour Le Courrier
Continent minuscule A l'occasion des 50 ans de la mort de Robert Walser (1878-1956), la Fondation Bodmer expose ses microgrammes. Leur décryptage a pris vingt ans, leur traduction met en lumière la modernité de l'auteur biennois.
«Flocons de neige et feuilles se ressemblent», écrit Robert Walser dans «Esquisse de prose», l'un des huit textes microscopiques juxtaposés sur le microgramme 119. A la Fondation Bodmer de Cologny, la scénographie de l'exposition «Territoire du crayon» lui donne raison. Dans la pénombre flottent des morceaux de papier, taches blanches fragiles et légères. En s'approchant des vitrines, on distingue sur les feuillets suspendus une étrange écriture au crayon, indéchiffrable. Régulière et minuscule, elle semble tracer les frontières d'un univers secret. Fasciné, ému, le visiteur qui pénètre dans ce «territoire du crayon» a la sensation d'entrer dans un monde très intime, où les énigmatiques morceaux de papier respirent de toute leur mystérieuse présence, à la fois matérielle et spirituelle.
Visibles à la Fondation Bodmer jusqu'à fin octobre, les soixante manuscrits micrographiés font partie d'un ensemble plus vaste de 526 feuillets, rédigés entre 1924 et 1933: les «années bernoises» de Robert Walser, sa dernière période d'écriture, la plus féconde. Sur des supports variés - cartes de visite, enveloppes, lettres, etc. -, la calligraphie minuscule, impeccablement alignée, forme des blocs de textes réguliers qui imitent les colonnes des journaux. C'est d'ailleurs surtout dans la presse que Walser publie à cette époque. Poèmes, courtes proses ou scènes dialoguées, il puise dans ses microgrammes ceux qu'il juge dignes d'être rendus publics, les recopie au net - et à une taille normale - à la plume, et les envoie aux journaux.
Crayon contre plume
Walser s'est exprimé au sujet de ce qu'il nomme «la méthode du crayon» dans certains microgrammes et dans une lettre à Max Rychner, rédacteur de la revue Neue Schweizer Rundschau. Parlant de lui-même à la troisième personne, il lui explique qu'arriva un moment où «il se trouva pris d'une effroyable aversion pour la plume». Pour se «libérer de ce dégoût de la plume, il se mit à crayonner, à esquisser, à batifoler»: écrire au crayon ressuscita le «plaisir d'écrire». Walser parle encore de «véritable faillite de la main» dont la méthode du crayon l'a libéré. «Une impuissance, une crampe, un étouffement sont toujours quelque chose de physique et de mental à la fois.» Dans le microgramme «Esquisse au crayon», il remarque que le crayon lui permet de travailler «de manière plus rêveuse, plus calme, plus lente, plus contemplative, je croyais pouvoir, littéralement, guérir grâce à la méthode de travail que j'ai décrite». Jamais, en revanche, Robert Walser ne mentionne l'aspect miniature de son écriture.
Pas de l'art brut
Quand Carl Seelig - ami de Walser pendant ses années d'internement psychiatrique à Herisau, et son tuteur depuis 1944 -, découvre l'existence des microgrammes, il pense qu'il s'agit d'une «écriture secrète». Walser vient de mourir et Seelig ordonne de détruire les feuillets, suivant un prétendu désir du poète. Mais l'avocat qui gère la succession ne se conforme pas à ces dernières volontés. Jochen Greven, qui étudie Walser, apporte bientôt la preuve de leur lisibilité. Dans les années 1970, il édite les premiers microgrammes: un roman entier, Le Brigand, et les scènes de Félix.
Au moins les deux tiers de l'oeuvre de Walser trouveraient leur origine dans le «territoire du crayon». Dans les années 1970, la moitié des microgrammes est de fait déjà connue, qui a été publiée dans divers journaux, revues et recueils du vivant de Walser. Deux germanistes sont mandatés pour déchiffrer l'autre moitié: armés de loupes, Bernhard Echte et Walter Morlang passeront vingt ans à déchiffrer les inédits. Ils paraissent en allemand en six volumes, dont une partie a été traduite en français dans Le Territoire du crayon aux éditions Zoé.
«Il n'existe pas de ligne de partage claire entre publiés et inédits», précise sa traductrice Marion Graf. «Walser aurait sûrement publié plus de textes au crayon s'il avait pu.» Contrairement aux idées reçues, ces textes n'ont rien à voir avec l'art brut. «Ils sont même complètement opposés à l'art brut», explique Peter Utz, spécialiste de Walser. Dans son livre Robert Walser. Danser dans les marges, il montre comment le poète est à la fois à l'écart de la société et complètement dans son temps. «Il lisait beaucoup les journaux, publiait en feuilleton, était un grand lecteur doté d'une mémoire folle», raconte Peter Utz. «Il était donc très au courant de ce qui se passait dans le monde. Les microgrammes contiennent des allusions à des textes, à des pièces de théâtre qu'il avait vues, etc.» Walser ne sort donc pas du cadre culturel, conclut-il, bien au contraire.
Pour le chercheur, les microgrammes sont le résultat d'une attitude cohérente de l'auteur: «Walser était calligraphe, il avait une belle écriture qui lui servait aussi dans ses emplois de commis, dans les assurances, etc. Quand il ne devait pas écrire pour quelqu'un, la taille de ses caractères était de plus en plus petite. Qu'elle devienne minuscule était un pas de plus dans cette direction, de façon radicale.» Et de noter que, chez tous les écrivains, il existe une nette séparation entre le versant privé, où l'auteur est son seul lecteur et veut le rester, et le versant destiné à la publication. «Walser a tiré les conséquences de ces deux aspects. Ce que la méthode du crayon avait de thérapeutique, c'est qu'elle lui permettait de continuer à écrire. Il était très prolifique pendant ces années. L'écriture miniature a été un moyen de persévérer.»
Auteur paradoxal
En écrivant de plus en plus petit, Robert Walser «se donne un cadre et le transgresse de façon très rationnelle et contrôlée», ajoute Peter Utz. Car l'auteur est paradoxal, tout entier «dans une dialectique entre la contrainte extrême et le fait de se laisser aller au sein de cette contrainte», analyse le spécialiste. La forme extérieure donne les limites: les bouts de papier sont de plus en plus petits, utilisés recto verso et parfois découpés encore pour être plus à l'étroit. «Ses premiers poèmes ont été rédigés sur de longues bandes de papier: il avait besoin de cette forme qui l'obligeait à aligner ses vers», raconte Marion Graf. Dans ce «plan de jeu que Walser définit lui-même, il peut ensuite se laisser aller, son esprit vagabonde librement», selon Peter Utz. Ses textes au crayon, Walser les écrit d'un geste, d'un souffle. «Ecrire est aussi un geste méditatif, note Marion Graf. Walser raconte qu'en promenade, il était toujours de bonne humeur. Les textes portent la marque de cette légèreté, de cette attitude de grande disponibilité à ce qui l'entoure, de cette allégresse. Si Walser était parfois emporté, ce n'est pas dans cet état d'esprit qu'il écrivait, mais dans celui du promeneur.»
Grande modernité
Dans les microgrammes, qu'il n'est pas obligé de publier, Walser développe «un nouveau style, plus libre et radical», explique la traductrice. Il est conscient de sa modernité. «Il n'a même pas essayé de publier Le Brigand, sentant sans doute qu'aucun éditeur n'en prendrait le risque.» Peter Utz s'étonne d'ailleurs que les journaux des années 1920 aient publié ses textes.
L'un des élément qui participe à sa modernité est son autoréflexivité. «Il y a une sorte de mise en scène de l'acte d'écriture», analyse Peter Utz. Car la méthode du crayon demande une immense concentration. «Walser s'observe en train d'écrire. Il dit ce qu'il fait tout en le faisant. Dans les microgrammes, l'acte d'écrire prend le dessus et devient son propre sujet.» Enfin, Walser a inventé une manière d'intégrer l'oralité dans la langue allemande, jouant aussi sur l'humour que peut créer ce décalage. «L'écriture du Territoire du crayon est très avant-gardiste, avec beaucoup d'expressions en dialecte», explique Marion Graf. Un mélange des registres de langage qui inscrit Walser dans la lignée d'un Joyce, d'un Ramuz ou d'un Céline.
Anne Pitteloud
Le Courrier
http://www.lecourrier.ch/
9.09.2006
Au coeur des mots
[...] La beauté troublante et fragile de ces papiers est merveilleusement mise en valeur par le dispositif léger imaginé par Mario Botta.
Elisabeth Macheret, commissaire de l'exposition, a eu la délicatesse de laisser flotter les microgrammes sans les écraser par un discours explicatif. On trouve les renseignements nécessaires dans l'excellente brochure qui accompagne l'exposition. Les vitrines latérales montrent les éditions originales que Martin Bodmer avait acquises à leur sortie. Leurs couvertures sont souvent dessinées par Karl, le frère de Robert, scénographe qui menait une belle carrière à Berlin, et qui a peint les grands panneaux dans la salle dite «Walser» de la Fondation. Les microgrammes, eux, appartiennent aux Archives Robert Walser à Zurich.
Pour donner un contrepoint contemporain à ces mystérieux manuscrits, Elisabeth Macheret a fait appel à Neros, artiste américain qui vit à Genève. Il a créé des Histories, sur un support modeste - des palettes de bois brut - ces «palimpsestes» inscrivent des textes codés qui ressemblent à du braille le long d'images aux contours flous: visages, planètes, paysages superposés, hommages à l'écrivain.
Isabelle Rüf
Le Temps
http://www.letemps.ch
2.09.2006
Dans le fragile "territoire du crayon"
Pour encore un peu de temps, la forme, le support, toute la matérialité des manuscrits d'un écrivain nous renseignent concrètement, physiquement sur son oeuvre, et aussi sur sa personne. Mais parfois, ce mode d'approche va au-delà d'une simple curiosité pour produire un véritable effet de saisissement. Il peut même arriver que l'on soit bouleversé. C'est exactement ce que l'on ressent en entrant dans la salle noire, avec des vitrines éclairées par de minces faisceaux lumineux, du musée de la Fondation Bodmer à Genève qui expose quelques-uns des fameux "microgrammes" de Robert Walser.
[...]
Remarquablement agencée et présentée, l'exposition de la Bodmer [...] donne de Walser une image poignante. Le paradoxe assumé entre l'extrême pauvreté volontaire et la prodigalité sans frein d'une écriture qui semble accompagner, orner et comme amplifier la vie, est manifeste dans ces fragiles feuillets, hommage à une littérature débarrassée de ses prestiges.
Le Monde
http://www.lemonde.fr
07.09.2006
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