Mokhor et autres pièces,
de René Zahnd, inaugure une nouvelle collection:
Théâtre en camPoche, avec l'appui de le Société
Suisse des Auteurs, se substitue à l'ancienne collection
Théâtre Suisse, généralement
considérée comme insatisfaisante dans le milieu
littéraire et théâtral. Saluée
avec enthousiasme par la presse, la nouvelle collection
frappe par sa prestance, de laquelle on déduit une
ambition importante. Elle publiera d'une part des volumes
consacrés à plusieurs pièces d'un seul
auteur jugé important, d'autre part des recueils
de pièces de plusieurs auteurs, notamment des plumes
à découvrir. Si l'on pouvait difficilement
imaginer directeur de collection plus compétent que
Philippe Morand, Théâtre en camPoche doit toutefois
encore faire ses preuves, comme le souligne l'éditeur
Bernard Campiche, et sera amenée à des choix
difficiles qu'il lui faudra assumer. Revue de presse et
interview de Philippe Morand, directeur de la collection,
par le Culturactif.
Extraits
de presse
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Grâce à
l'éditeur Bernard Campiche, le théâtre
romand s'offre enfin une collection ambitieuse
L'Urbigène
publie ces jours cinq pièces du Lausannois
René Zahnd, réunies en un volume
élégant et utile. D'autres auteurs
suivront dès le printemps, histoire de
permettre aux dramaturges suisses francophones
de sortir de l'ombre et de traverser les frontières.
[...]Mandaté
par la Société suisse des auteurs
(SSA), l'éditeur d'Orbe affiche une ambition
élevée: élargir le public
d'un genre littéraire qui se vend mal,
faire connaître surtout les auteurs romands
en Suisse et au-delà de nos frontières.
[...] Pour parvenir à
ses fins, l'éditeur s'est assuré
les services d'un dévoreur de littérature
théâtrale: le Jurassien Philippe
Morand. Metteur en scène et acteur, il
a dirigé pendant sept ans le Théâtre
de Poche de Genève, dont il a fait l'une
des places fortes de l'écriture d'aujourd'hui,
multipliant les collaborations avec la Belgique,
la France et le Québec. Cet athlète
de la lecture dirigera la collection.
Fini donc, le flou artistique.
Philippe Morand promet d'imprimer sa personnalité
à la collection: «Nous ferons des
choix avec Bernard Campiche, nous les assumerons.»
Coup de menton en forme de rupture. [...]
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Mokhor et autres pièces
devrait convaincre les futurs partenaires de Campiche. On
y découvre Mokhor, monologue fort, inspiré
de paysages africains, qui sera mis en scène au Poche
de Genève par Philippe Morand en janvier 2006. On
dispose aussi d'indications sur les dates de création
et les distributions des pièces de René Zahnd.
[...]
Alexandre Demidoff
13 décembre 2004
Le charme et la magie de Folle
jeunesse
CRÉATION Cette pièce
de René Zahnd illustre la nostalgie de l'innocence
et les idéaux bafoués.
[...]
Amorcée sur le ton d'un téléfilm genre
Hélène et les garçons, la pièce
bifurque bientôt avec l'apparition d'une jeune fille
découverte inanimée dans la neige, comme tombée
du ciel et dont la présence va ressusciter celle
de Gaspard, le frère de Geneviève, lui aussi
tombé, mais pour ne jamais se relever, et dont le
souvenir de la rébellion poétique a marqué
le petit groupe. C'est d'ailleurs en sa mémoire et
avec ses déguisements que les anciens camarades vont
se livrer à un jeu théâtral à
la fois naïf et profond où, brassant mythes
et images oniriques, ils revisitent l'âge d'or, la
perte originelle de l'unité, le don de la parole
et la conjuration du temps qui passe. Cette espèce
de jeu de rôle cérémoniel pourrait sembler
d'un kitsch « téléphoné »,
et pourtant on est bel et bien saisi par cette poussée
de magie, avant de retomber dans la platitude quotidienne,
prélude à une fin abrupte, à vrai dire
mal résolue par l'auteur.
En revanche, René Zahnd maîtrise
avec brio, sur un thème qu' on lui sent consubstantiel,
la polyphonie d'un dialogue d'une justesse et d'une vivacité
quasi sans faille [...].
(Paru à l'occasion de la
présentation de Folle jeunesse sur les planches du
théâtre Lausannois 2.21)
Jean-Louis Kuffer
Six questions
à Philippe Morand, directeur de la collection Campoche
Théâtre
La nouvelle collection Théâtre
en Campoche "remplace" en quelque sorte la collection
"Théâtre Suisse", dirigée
par une commission de la SSA chez l'Age d'Homme (et qui
connaissait des problèmes de visibilité et
diffusion). Il ne s'agit pas d'un simple changement d'étiquette
pour autant: vous êtes désormais le responsable
unique (avec l'éditeur) des choix éditoriaux
pour ce projet. En quoi comptez-vous reprendre l'ancienne
conception de cette collection? Dans quelle mesure votre
visée éditoriale s'en distingue-t-elle ?
Il est question ici d'un nouveau
projet éditorial. Ce sont la SSA d'une part et Bernard
Campiche d'autre part qui m'ont sollicité en tant
que directeur de collection. La conception de cette nouvelle
édition est donc très différente de
ce qui se faisait avant. Nous avons la possibilité
d'éditer ce qui nous paraît de valeur, sans
l'obligation de publier tout ce qui se joue ou se jouera
sur les scènes romandes. Il y aura forcément
un choix et donc, une ligne éditoriale forte et identifiable.
Cette nouvelle collection se différenciera de l'ancienne
pratique, en soignant les choix, la qualité de l'édition
et surtout la diffusion future des pièces éditées.
Tout le monde a remarqué
la prestance graphique du nouveau volume - on connaît
d'ailleurs le soin apporté par Bernard Campiche à
ses formats et à ses couvertures. Cet aspect visuel
atteste-il d'une volonté de placer ces livres non
seulement entre les mains des professionnels, mais aussi
sur les étalages et les vitrines des libraires? Croyez-vous
à la possibilité de créer un large
lectorat de littérature théâtrale en
Suisse romande, où une telle tradition n'existe guère?
Il ne faut pas rêver. La littérature
théâtrale chez nous comme chez nos voisins
francophones se vend difficilement. Le lectorat est restreint,
il s'adresse aux professionnels et aux quelques amateurs
farouches de théâtre. C'est précisément
la difficulté de cette entreprise. La "prestance
graphique" est donc encore plus importante que partout
ailleurs dans l'édition. Il importe de présenter
des livres qui donnent l'envie d'être consultés,
le désir d'être exposés, la volonté
d'être possédés. Enfin, par des choix
pertinents que ces livres soient aussi le reflet le meilleur
possible des écritures de chez nous.
Pour accéder à la
publication dans la Collection "Théâtre
Suisse", il était indispensable qu'une pièce
soit jouée. Cette règle, qui avait l'avantage
de l'objectivité dans un milieu où les chapelles,
alliances et mésalliances passent pour être
nombreuses, n'est pas maintenue avec la nouvelle collection.
Votre collection s'est-elle donnée un cahier des
charges précis, et si oui lequel?
La question, formulée ainsi,
a quelque chose d'un peu sournois. Avant, avec cette règle
(objective?) on a publié un peu tout et n'importe
quoi, pourvu que la pièce arrive à la scène.
Elle n'était pas épargnée par les copinages
possibles dès le choix de la production. Dans la
nouvelle démarche le risque est le même, mais
nous avons, Bernard Campiche et moi, décidés
d'assumer nos choix, de les fonder sur les seuls critères
de la qualité, et plus important encore, de la représentativité
des écritures de chez nous. Personne ne sera obligé
de partager nos décisions éditoriales, mais
j'espère sincèrement que personne non plus
ne pourra nous soupçonner d'alliance ou de mésalliance
avec quiconque. Le théâtre est aussi fait de
coups de foudre, d'enthousiasmes, d'esprit critique et d'instinct.
La vérité finale, dans ce domaine comme partout
ailleurs, n'existe pas. Oui, il y a un cahier des charges,
des contrats passés entre la SSA, Campiche et moi.
Il existe un règlement détaillé et
consultable sur le site de la SSA. Pour parler plus personnellement
encore, il ne m'intéresse pas de publier toutes les
pièces que j'aurais envie de monter moi-même
mais, au contraire, de donner à découvrir
au plus grand nombre des écritures fortes et personnelles,
représentatives et susceptibles de toucher d'autres
sensibilités que la mienne. La reconnaissance de
tous les meilleurs auteurs de chez nous est mon seul critère.
(Voir le No 75 du journal de la SSA, hiver 2004-2005)
La collection s'ouvre avec les
textes de René Zahnd (un auteur dont la fortune sur
scène est relativement récente, mais investi
d'un rôle institutionnel reconnu, en tant que directeur
adjoint du théâtre de Vidy-Lausanne E.T.E.).
N'aurait-il pas été plus judicieux d'ouvrir
votre collection avant tout à des auteurs majeurs
du théâtre romand (Morax, Viala) pour combler
une eventuelle lacune éditoriale, ou alors à
des auteurs franchement moins connus et moins introduits,
pour lesquels ce soutien serait donc plus décisif?
En ce sens, quels sont vos projets futurs?
Là encore, la question induit
un esprit qui n'est pas le nôtre. René Zahnd
est joué depuis plus de dix ans sur de nombreuses
scènes. Sur les cinq pièces éditées,
trois viennent d'être, sont ou seront réalisées
en scène dans les douze mois. Qu'il soit directeur
adjoint de Vidy ou non, n'entre aucunement dans ce choix.
Nous ne jugerons pas les pièces, ni les auteurs,
parce qu'ils seraient institutionnels ou pas. Ce serait
faire insulte à nous tous que de penser cela. La
collection se déclinera en "Enjeux" et
"Répertoire". (Voir le No 75 SSA). Là
encore, nous ferons des choix, nous éditerons les
auteurs confirmés de Suisse romande, selon nos possibilités
et notre vision du répertoire. Par exemple, nous
travaillons actuellement à la publication de toutes
les pièces de Jacques Probst. Est-ce un bon choix
? Selon nous, oui. Ce n'est pas moi qui dirai que Michel
Viala n'est pas représentatif. Notre "répertoire"
devra sur la durée être le reflet des toutes
ces écritures. Mais il faut aussi que chacun comprenne
que les enjeux économiques sont très importants
dans ce genre d'aventure.
La SSA, depuis des années,
subventionne des traductions d'auteurs de théâtre
suisse (avec deux bourses annuelles), publiées dans
une petite collection sous forme de brochures. Avez-vous
des projets de traductions, qui mettraient en valeur ce
travail accompli, mais peu visible (je pense notamment aux
pièces de Matthias Zschokke, traduites par Gilbert
Musy et Patricia Zürcher)? Ou la volonté de
proposer des traductions inédites du théâtre
des autres régions linguistiques du pays ?
Voyez le règlement, cela est
prévu. Ce n'est pas moi qui dirai que cela ne nous
intéresse pas. En tant que Directeur du Poche de
1996 à 2003, j'ai choisi et produit de nombreux textes
de Suisse allemande. Par exemple La Commissaire Chantante
de Zschokke traduit par Patricia avec une bourse (à
ma demande) de la SSA. Naturellement, dans la mesure de
nos possibilités économiques, ce travail fera
partie de notre projet éditorial.
Depuis une année les auteurs
dramatiques suisses ont créé leur organisation
(Ecrivains Associés de Théâtre de Suisse,
EAT-CH) avec l'intention explicite de faire jouer davantage
des pièces locales et contemporaines dans les théâtres
du pays. La nouvelle collection et les EAT ont-ils des projets
coimmuns, ou une forme de cordination? Y voyez-vous les
signes d'une renaissance de l'écriture dramatique
en suisse romande? Quel rôle spécifique peut
y jouer l'édition ?
Nous avons des contacts avec les
EAT-CH comme avec toutes les personnes qui s'intéressent
à l'écriture dramatique en Suisse romande.
Nos désirs et nos buts sont complémentaires.
Toutes les synergies que nous pourront créer seront
utiles et bénéfiques à tous. Selon
moi, l'écriture dramatique en Suisse romande avance
plutôt bien depuis une quinzaine d'années.
Il reste beaucoup à faire pour améliorer encore
la qualité, la production, la création et
la diffusion. De ce point de vue, "Théâtre
en camPoche" est un des maillons essentiels pour l'affirmation
et la reconnaissance des talents de chez nous.
Le Cultur@ctifSuisse (PL)
février 2005
Page créée le 10.02.05
Dernière mise à jour le 10.02.05
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