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Les Patoisants du Jorat

Le Francoprovençal.

Les linguistes, qui depuis longtemps faisaient la distinction entre langues d'oc et langues d'oïl se sont rendu compte au cours du dix-neuvième siècle, que nos patois ont des comportements qui les différencient des langues d'oïl, et que ces comportements sont communs aux patois de la Suisse romande, de la Savoie, de la Bresse, du sud de la Franche-Comté, du Lyonnais, du Forez, de la Maurienne, du Val d'Aoste et d¹une partie du Piémont italien, dans une sorte de triangle géographique.

En considération de leur implantation régionale, on groupa ces patois sous la dénomination de "francoprovençal".

Dans ce triangle, ont subsisté des habitudes perdues ailleurs. Par exemple, le vieux français du XIIIe siècle disait non pas manger, mais mangier; non pas chercher, mais cherchier. Cet "i" intermédiaire a disparu en français. Dans notre patois vaudois, il n'a pas seulement survécu, mais totalement dominé . Si bien que les verbes dont l¹infinitif est en "er" en français, sont subdivisés en deux sous-groupes, les verbes en "â" (aimer : amâ), et les verbes en "î" (manger : medzî).

Autre évolution également dans notre patois pour le participe passé féminin du latin: (amata : aimée). Et cet "amata" a été traité différemment au nord, au sud et en francoprovençal. Au sud, le "t" a évolué en "d", le "a" final en "o", et "amata" en "amado". Au nord, le premier "a" a évolué en "ai", le "t" a fondu et les deux derniers "a" ont fusionné en "é". Chez nous, les "a" initial et médian sont restés, le "t" a fondu, mais a laissé comme une traînée un "ye" et "amata" est devenu "amâïe". ce traitement a subsisté jusqu¹à nos jours dans le français régional populaire. Alors que les Français du nord ne font aucune différence de prononciation entre aimé et aimée, que les méridionaux la font en disant aimé-e, nous avons gardé l¹habitude, venue de notre patois, de glisser à l¹intérieur du mot "aimée", entre le "é" et le "e" un léger "y".

Et nous agissons de même en souhaitant "bonne journé(y)e" à nos proches. C¹est en de semblables détails que notre patois survit.

Pierre Guex

 

Page créée le 16.05.00
Dernière mise à jour le 20.06.02

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