Plus le Scribe, encore une fois, est
immobile, plus il reçoit les rayons du monde visible
et ceux de l'invisible. A partir de quoi il peut dire ce qu'il
a à dire. Et il doit rester d'autant plus immobile
aujourd'hui que le monde a la bougeotte. Et il doit d'autant
rester dans le silence que le monde, à travers les
médias entre autres, bavarde ou vocifère. Et
plus chacun vit dans l'extériorité, et par conséquent
à côté de ce qu'il est réellement
(d'où mal être et névroses), plus lui
importe de descendre dans l'intériorité. Non
pour fuir le monde et la réalité. Juste le contraire
: pour faire face à l'abîme du non-sens, au désespoir
et alimenter, avec ce bois mort, la flamme. La douce flamme
de la confiance.
C'est parce qu'il est déchiré
que le Scribe en appelle obstinément à l'unité
et à la plénitude. Sur quoi, disons que le vrai,
l'unique voyage est celui qui mène du désespoir
à la confiance. Celle-ci étant d'autant plus
forte qu'elle assume précisément l'abîme
et regarde en face les horreurs de ce monde. L'homme de la
confiance est, de ce point de vue, le contraire de l'idéaliste
qui enjolive toutes choses pour se cacher les horreurs du
mal, du gouffre et la misère de notre condition.
George Haldas
Georges Haldas, Paroles du scribe, Editions
l'Age d'Homme, 2002.
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