On frappa à la porte : trois
petits coups en sourdine.
- No es posible ! Es
inaudito ! - éclata le professeur exaspéré,
tout en explorant de ses gros orteils préhensiles la
zone invisible située sous le bureau art déco
: à la recherche de ses voyantes pantuflas
toreadoras.
Il traîna ainsi les pieds jusqu'à
la porte, tendit le cou, colla son oeil myope au judas qui
lui révéla, bien que déformées,
d'exubérantes rondeurs, des seins roses et débordants,
des masses adipeuses engainées à grand-peine
dans un corselet en gros-grain noir.
- Bonsoir, chéri ! dit-elle pâmée en battant
des cils et en papillonnant des yeux : petits, ronds et porcins.
- Encantado - dit Delgado à l'architecte, la porte
ouverte juste ce que le permettait la chaînette de sécurité.
L'espace d'un instant il fut troublé : peut-être
par d'imperceptibles effluves hormonaux; plus probablement
par l'âcre bouffée d'essences paludéennes
qui lui remonta les naseaux. Cependant, ce rose trop rose,
ce double menton, cette couenne exubérante et suante...
Effrayé, il lui claqua la porte au nez.
Le type d'en face, le grand braillard,
fut plus hospitalier. En effet l'éthologue eut à
peine le temps de voir disparaître dans la pénombre
talamique le pharaonique arrière-train.
Delgado: touriste anormal. Imperturbable,
ataraxique Castillan...
Ennio Maccagno, Croisière bestiale,
Editions Demoures, 2001.
Traduction de Monique Baccelli.
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