Dès qu'elle était éveillée,
elle allait les rejoindre. Il lui arrivait d'écrire
encore quelques lignes. Mais les lettres qu'elle traçait
étalent grossières en comparaison des signes
qu'ils inscrivaient à la surface du verre, déliés,
rapides, formés et aussitôt remplacés
par d'autres qui leur étaient superposés.
Elle aurait voulu, comme eux, d'une
encre qui s'efface, écrire une phrase dont se serait
nourrie une autre phrase.
Ou plutôt, délivrée
des mots, de leurs limites arbitraires et trop étroites
dans lesquelles la pensée se fige, se réduit,
répéter le même refus, le même désir.
À travers les états successifs d'une métamorphose
toujours inachevée, toujours imparfaite et recommencée,
leur prêter une forme inlassablement variée et
enrichie et leur donner enfin la force et le pouvoir de se
faire entendre.
Sylviane Chatelain
est née à Saint-Imier en 1950. Elle est mère
de quatre enfants. Son premier roman, La
Part d'Ombre (1988), s'est vu décerner le Prix
Hermann-Ganz 1989 de la Société suisse des écrivains
et le Prix 1989 de la Commission de littérature française
du Canton de Berne (traduit en allemand (1991): Schattenteil).
Son deuxième recueil de nouvelles, De
l'Autre Côté (1990), a obtenu le Prix
Schiller 1991. Un deuxième roman, Le
Manuscrit (1993 ; traduit en allemand: Das
Manuskript, 1998), a été salué
par la Critique.
Sylviane Chatelain, L'Etrangère,
Bernard Campiche Editeur, 1990.
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