On a été si heureux à
l'église et puis sous les platanes de l'esplanade quand
il fallait sourire au photographe. Que va-t-il rester ? La
vieillesse, le corps qui nous abandonne, cette lente descente
durant laquelle il faudra renoncer à maintes choses.
Et puis il faut renoncer tout court et rendre cette vie qu'on
nous a prêtée. Mais on sera si sec et si usé
que l'on n'aura même plus le courage de pleurer.
Et la mère sent monter en elle,
au milieu de la fête et du plaisir, une violente nausée
en même temps qu'une haine affreuse pour sa fille...
Remonte aussi en elle, en même
temps que cette bouffée de haine, le souvenir d'une
pensée ancienne, cachée si profondément
qu'elle lui semble presque étrangère. Se l'avouera-t-elle
? À la naissance de sa fille et plus tard, elle avait
secrètement espéré que celle-ci ne deviendrait
jamais une femme. Mais ce n'était pas tout : quand
sa fille arrivait en retard à la maison, à quinze
ans, à dix-huit ans, combien d'accidents n'avait-elle
pas imaginés ? Pourtant elle avait aimé sa fille.
Elle l'avait aimée, comme toutes les mères aiment
c'est-à-dire trop."
Claire
Genoux vit à Lausanne, où elle est née
en 1971. Elle obtient une licence en Lettres à l'Université
de Lausanne en 1997, l'année où paraît
Soleil ovale, son premier recueil de poèmes (Editions
Empreintes, Prix de la Sorge 1996). Saison du Corps (Editions
Empreintes, 1999), son deuxième livre, lui a valu le
Prix de poésie C. F. Ramuz en 1999. Poitrine d'Ecorce
est son premier livre en prose.
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