Il pleut
sur mon coeur comme il pleut sur la neige, de grosses
caries grises se creusent dans la denture des champs,
rigoles ravinent ma joue, temps à la morve, aux
flaques, aux meurtrissures...
- chagrin,
simple course, s'il vous plaît, deuxième
classe.
- C'est vraiment là que vous voulez aller, petite
Madame ? Ce n'est pas une gare, à peine une halte.
Pas même de quoi boire une vodka ! Et, dites,
pleurer n'est pas de mise sur la banquise : vos larmes
gèlent, la morve durcit, le corps caille sans
répit, le crampon est d'usage de midi à
minuit.
- Ah oui?... Bon, alors un chagrin aller et retour,
je vous prie.
***
Il y
a de la fable dans l'air de ces pages. Puis là,
ce mouvement qui file en comptines. Ici ? C'est la phrase
du conte qui emmène les temps de l'amour. De
cet amour-là qui est fugue. Jusqu'au vertige.
Dans
l'alerte portée de ces chapitres qui sont autant
de variations (treize fois dites, comme pour en prononcer
l'irrévocable destin), méfiez-vous. C'est
un bonheur grave qui passe. Vous l'entendez qui rôde
et se glisse, drôle et imprévu. Vous le
voyez qui grimpe en tons légers. Voilà
qu'il s'élance. Qu'il enchante. Tenez : vous
le suivez là qui cavale en rythmes courtois.
Et voici
qu'il se rapproche. Se tait, happé. Dans l'aigu
de l'absence surgit ce tragique, contenu. Le chant du
livre emporte son ombre. Le temps d'une merveille.
Jean-Dominique
Humbert
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