Je savais qu'un jour je l'écrirais,
mon histoire. Aux Etats-Unis, elle avait intéressé
quelques journalistes et l'un d'entre eux en avait fait le
récit dans le New Yorker Magazine. A la lecture, je
me rendais compte que les faits étaient là,
que les dates étaient précises (autant qu'on
pouvait s'en souvenir). J'avais travaillé avec la journaliste
pendant quelques semaines. Mais ce qui me paraissait essentiel
dans mon histoire ne l'était pas à ses yeux
et je ressentais une frustration. Pour elle, c'étaient
les faits qui importaient, l'attribution des événements
à une époque précise, informer de ce
qui s'était passé à une époque.
Pour moi, il s'agissait de bien autre chose. Je voulais parler
de mon vécu à travers cette histoire, rendre
compte de toutes ces émotions.
C'est dans la canicule d'été
que je me décide à retourner dans ce passé.
Il me faut pour cela forcer ma mémoire à restituer
ce qu'elle a enfoui.
Lily Kopitopoulos, Erda-Martine, Histoire
d'une vie, Ed. Bernard Campiche, 2001.
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