A l'image de cette Gare centrale d'Alexandrie
où les trains, en dépit de leur mouvance perpétuelle,
semblent régis par la seule horloge cosmique des lieux,
les personnages du roman seront soumis à la même
malédiction ancestrale : Hypatie ou la redoutable mémoire
des pierres. Ainsi, Eve, bien qu'ayant renoncé à
ses recherches sur la Belle Astronome, ne trouvera peut-être
la libération à laquelle elle aspire qu'en renonçant
à l'amour. ("Me perdre moi-même pour aller
à l'essentiel" est sa devise). De son côté
Julien, ce "poète acharné à sa propre
perte", comme il se définit lui-même, subira
lui aussi cette malédiction en perdant, par contrecoup,
la grâce qu'est pour lui l'écriture, condamné
à quitter cette ville dont on prétend qu'elle
offre tout aux amants, excepté le bonheur. Clio, elle,
inconsolable de la mort de son vieil amant Tonio, assassiné
au Ouadi Natroum, sera murée dans un silence inébranlable,
jusqu'au moment ultime et tant attendu : celui des "roses
de l'éternel matin". De même Leilah, la
clairvoyante, l'humble servante, irradiant de son amour inconditionnel
pour Nemrod, marchera sans faillir au paroxysme de son destin
et même au-delà. ("Aimer, dit-elle, c'est
tout donner sans rien attendre en retour"), mais, dominant
ces êtres qui gravitent autour de lui, Nemrod est l'axe
incandescent du récit ...
Possédée dès l'enfance
par la passion de la danse, Asa Lanova
se rend très jeune à Paris, où elle travaille
avec les plus grands maîtres russes. Vite engagée
comme soliste, elle quitte cependant la scène et se
réfugie dans la campagne vaudoise. C'est alors que
l'écriture s'impose à elle. Un premier roman
sera aussitôt publié à Paris. Asa Lanova
a vécu plusieurs années à Alexandrie.
C'est de cette vie que sont nés Le Blues d'Alexandrie
et Les Jardins de Shalalatt, son septième roman.
Asa Lanova, Les Jardins de Shalalatt
, roman, Ed. Bernard Campiche, 2001
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