Ils s'étaient mis à emballer
Venise dans du plastique. Tout partout: Dieu sait pourquoi!
Par amour de la vieille pierre peut-être, pour préserver
la Sérénissime des vents marins, des moisissures,
de la pollution, des touristes peut-être, des touristes
encore, d'une descente aux enfers.
Avec une substance nouvelle, semi-perméable,
laissant entrer les rayons ultraviolets et sortir l'humidité,
stérilisant la pierre en quelque sorte.
Sur leurs frontispices, les lions avaient
rugi, trouvant la nouvelle mascarade peu digne de leur crinière,
mais leur voix s'était vite perdue dans les méandres
polymérisés.
Pour une fois, la modernité
était là, brillante, unie, respectant d'une
certaine façon les ors et les stucs, moulant les perspectives,
isolant toutes choses de la pollution, des algues rampantes,
des doigts et des pieds. Mettant une sorte de masque gigantesque
et transparent entre Venise l'éternelle et le visiteur
en vadrouille...
Claude Luezior, Venise, Editions
Cabédita, 2000. Prix Voltaire 2000
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