Est-ce la nostalgie d'un temps
plus désinvolte et plus humain qui lui fait retranscrire
avec tant de verve les expressions fleuries d'Ebbay
Ithmène, l'intraitable contempteur du pouvoir
et des "grands", rattrapé pourtant
par les mirages de la modernité :
"Son oeil ne vise ni à voir, encore moins
à prévoir, comme son rang l'y oblige pourtant,
mes frères et mes enfants, et je parle du Haut-Gouvernant,
Allah le dénantisse et de grogne le nourrisse,
l'écartèle et le martèle... Allah
le treuille et Rabbi l'endeuille..."
Et dans ces allitérations
et ces exagérations, dans ces coquecigrues et
ces malédictions, dans ce va-et-vient entre l'insoumission
canaille et l'obéissance rituelle à des
lois ancestrales - faites pour être contournées
comme chacun le sait -, voici qu'émerge des sables
et de la mer cette Tunisie rêvée dont le
soleil nous irradie, par la magie du verbe, comme si
nous y étions.
"Rafik Ben Salah est
un conteur pour qui la tradition orale a gardé
toute sa force, toute sa saveur, son pouvoir d'étonnement,
de mystère, de scandale... Ce qui est fascinant,
c'est la façon d'aller au drame, c'est l'habileté,
souvent la ruse, du conteur sûr de son effet,
et du plaisir inquiet, de l'anxiété, de
la peur de son auditeur captivé par sa parole
infaillible."
Jacques Chessex
Rafik Ben Salah a déjà
publié, à l'Age d'Homme, Le Harem en
péril (prix Lipp Genève 1999) et L'Oeil
du frère.
Récits
de Tunisie, Editions L'Age d'Homme, 2004
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