Revenir en Suisse lorsqu'on vient
de partager, un an durant, le quotidien d'Indiens des
forêts subarctiques : la disgrâce. Comment
affronter cet adieu à des êtres aimés
parmi lesquels on a connu la période la plus
faste de son existence ? "Autant crever !"
A cet instant, surgissant du
passé, Sophocle reparaît. Sophocle ? Cet
oncle vénéré qui, trois décennies
plus tôt, sauva une première fois la mise
à notre naufragé. Orages de douleurs ;
lyrisme échevelé ; dilemmes saignants...
sous l'assaut d'un théâtre excellant à
sonder les fondements de l'existence, l'infortuné
remonte vite en selle.
"Journal d'une résurrection",
Sophocle et les tristes
sires - qui mêle fric-frac au Vatican,
cavalcade dans Athènes, altercation avec Ulysse,
dérobades et fulminations causées par
un lapin - promet plus qu'une lecture neuve du Coloniate.
Plus qu'un dialogue avec ses thèmes cardinaux
trop rarement mis en exergue : noeuds de vipères
familiaux, orgueil masculin, force de caractère
des femmes, humanité des serviteurs, inconséquence
de la foule...
Trempé dans le creuset
de notre temps, ce livre d'une originalité totale
et qui déjoue maints trompe-l'oeil décervelants
se veut un joyeux plaidoyer pour la lecture des classiques...
ces bons génies en permanence prêts à
embraser notre goût d'exister. Ces alliés
de l'ombre bien plus vivants que tant de nos contemporains.
Jil Silberstein
est l'auteur d'une quinzaine d'ouvrages - poésie,
essais, chroniques. Il est aussi traducteur de Georg
Trakl, Czeslaw Milosz et Lawrence d'Arabie. Ses deux
derniers livres, consacrés à des communautés
amérindiennes du Québec-Labrador et de
Guyane française, sont parus chez Albin Michel.
Jil
Silberstein, Sophocle et les tristes sires, L'Age d'Homme,
122 pp.
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