Nicolas Bouvier
Dans la vapeur blanche du soleil, Editions Zoé

Nicolas Bouvier / Dans la vapeur blanche du soleil

Pour la première fois une sélection de photographies de Nicolas Bouvier est rassemblée en un livre. Images essentielles qui font résonner les mots. Ici, le rapport entre poésie et photographie s’instaure et restaure un dialogue entre deux modes d’expression auxquels Nicolas Bouvier tenait particulièrement. Les images nous entraînent sur les routes de Yougoslavie, de Macédoine, de Turquie, d’Iran et d’Afghanistan, puis du Pakistan et à travers l’Inde pour s’arrêter à Ceylan. On croit le voyage fini, pas du tout. Nicolas Bouvier infatigable reprend son sac et nous emmène au Japon. A ses yeux, ce n’est qu’au pays du soleil levant que débute sa carrière de photographe. Il gagnera son billet de retour avec son appareil photo. Nous sommes en 1955, le voyage aura duré plus de quatre ans. Au retour, il range les négatifs dans une boite métallique remplie de grains de riz. Il n’exposera régulièrement que ses photographies du Japon.

En 1996, Nicolas Bouvier effectue une grande partie du choix des images pour l’exposition " Le vent des routes " qui lui est consacrée. Il sort d’un cartable poussiéreux les tirages originaux effectués au retour du voyage plus tard raconté dans L’usage du monde. Merveilles. Ce sont ces photographies que nous présentons ici ainsi qu’une sélection d’images en couleur prises au cours des vingt dernières années.

Dans la vapeur blanche du soleil, Editions Zoé

 

Préface de Pierre Starobinski

" Toutes les manières de voir le monde
sont bonnes, pourvu qu’on en revienne. "

[L’usage du monde]

Lire, lire à s’en faire péter les yeux, dévorer romans et nouvelles, atlas et biographies. Les premiers voyages de Nicolas Bouvier s’effectuent dans les bibliothèques. Il pressent que la fascination de l’ailleurs ne peut s’honorer qu’inscrite dans le " savoir ", que sans cet outil il ne pourra saisir le véritable sens du monde qui l’appelle. Il s’enrichit de l’expérience de ses frères en errance, se constitue une dette à vie auprès des Xénophon, Marco Polo, London, Conrad, Cendrars, Michaux et tant d’autres en faisant siennes leurs impressions du monde. D’instinct, il sait que la musique entre à coup sûr et bien plus directement dans cette zone du sensible interdite à l’écrit et au dit. Pour franchir cette impalpable limite, il étudiera le piano, hésitera à lui consacrer sa vie et fera pour finir le choix du déplacement dans l’espace, trop attiré par le monde et le genre humain.

En 1946 il a 17 ans, les frontières s’ouvrent. Il part, traverse l’Europe en cendres et va se perdre quelques mois en Laponie, au nord du cercle polaire. Dans ces étendues faites de peu, il rencontre la terre et ses horizons infinis. A son père qui le laisse faire et l’encourage, il promet un compte rendu du voyage. Pour cela, il emporte ses outils : carnet de notes et appareil photographique. Ces graphies seront à l’origine de l’œuvre.

De 1953 à 1956, il est sur la route qui le mène de Genève à Tokyo. Dans une société occidentale où tout va de plus en plus vite, il prend le temps : celui de l’Orient ; le temps de rencontrer les hommes, leur histoire, la nature des pays qu’ils habitent, leurs musiques et la couleur de leurs yeux. En les sondant, il se sonde ; en les découvrant, il se découvre. Et dans le temps qu’il s’offre, il se forge une écriture de liberté, de bonheur et d’une malicieuse érudition, une écriture qui ne cesse de voyager entre la mémoire, le présent et le carnet de notes, entre l’image prise au gré du voyage et l’image de soi, qui se nourrit de la poussière de la route et de celle des bibliothèques. Dans cet exercice de restitution, il ne reste que l’essentiel, lavé, purifié, débarrassé de l’inutile. Nicolas Bouvier nous donne à voir le monde qu’il a rencontré, simplement, en poète. Avec justesse, il nous rappelle le peu que nous sommes, tous différents, tous uniques et tellement fragiles.

Pour la première fois une sélection de photographies de Nicolas Bouvier est rassemblée en un livre. Images essentielles qui font résonner les mots. Ici, le rapport entre poésie et photographie s’instaure et restaure un dialogue entre deux modes d’expression auxquels il tenait particulièrement. Parmi les textes, un inédit : " En Topolino sur la route d’Agra ", seul témoignage écrit de la descente de l’Inde ; et deux petites nouvelles de jeunesse écrites en 1951 pour accompagner douze estampes de Thierry Vernet. Compagnon de route et ami de toute une vie, le peintre nous donne dans les quelques esquisses réunies la mesure d’une sensibilité complice, partagée, fraternelle.

Viendront d’autres voyages, quelques perles égrenées en poèmes dans Le dehors et le dedans, des saluts aux pérégrins de Suisse et d’ailleurs, le choix d’images qui à elles seules tiendront des albums. Ici, comme les axes d’une boussole, quatre thèmes principaux sont choisis en points cardinaux : le temps, l’espace, l’amour, la mort. Ce livre est un point de départ, une invitation au voyage dans l’œuvre de Nicolas Bouvier.

Pierre Starobinski

 

Poème

Morte saison

[…]

Désormais c’est dans un autre ailleurs
qui ne dit pas son nom
dans d’autres souffles et d’autres plaines
qu’il te faudra
plus léger que boule de chardon
disparaître en silence
en retrouvant le vent des routes

Genève, 25 octobre 1997
[Le dehors et le dedans]

 

Bibliographie de Nicolas Bouvier

préparée par Anne Turrettini

  • L’Usage du monde, Genève, Droz, 1963. Paris, Julliard, 1965. Genève, Edito-Service, 1970. Paris, La Découverte, 1985. Paris, Payot, 1992.

  • Japon, Lausanne, Rencontre, 1967.

  • Chronique japonaise, Lausanne, L’Age d’Homme, 1975. Paris, Payot, 1989. Lausanne, 24 Heures, 1990.

  • Vingt-cinq ans ensemble, histoire de la télévision suisse romande, Lausanne, Editions SSR, 1979.

  • Le Poisson-Scorpion, Vevey, Bertil Galland, 1981. Paris, Gallimard, 1981. Paris, Payot, 1990. Lausanne, 24 Heures, 1990. Paris, Gallimard, " Folio ", 1996.

  • Le dehors et le dedans, poèmes, Vevey, Bertil Galland, 1982. Genève, Zoé, 1986. Genève/Paris, Zoé/La Découverte, 1991. Genève, Zoé, 1997.

  • Les Boissonnas, une dynastie de photographes, Lausanne, Payot, 1983.

  • Journal d’Aran et d’autres lieux, Lausanne, Payot, 1990. Lausanne, 24 Heures, 1990.

  • L’Art populaire en Suisse, Disentis, Desertina Verlag, Pro Helvetia, 1991.

  • Routes et déroutes, entretiens avec Irène Lichtenstein-Fall, Genève, Métropolis, 1992.

  • Le Hibou et la Baleine, Zoé, Genève, 1993.

  • Les Chemins du Halla-San, Genève, Zoé (MiniZoé), 1994.

  • L’échappée belle, éloge de quelques pérégrins, Métropolis, Genève, 1996.

  • Comment va l’écriture ce matin ?, Genève, Slatkine, 1996.

  • La chambre rouge et autre texte, Genève, Métropolis, 1998.

  • Une orchidée qu’on appela vanille, Genève, Métropolis, 1998.

  • Entre errance et éternité. Regards sur les montagnes du monde, Genève, Zoé, 1998.

Sur Nicolas Bouvier

  • Adrien Pasquali, Nicolas Bouvier, un galet dans le torrent du monde, Genève, Zoé, 1996.