Fille : dans ces quelques pages, serrées et vibrantes, une mère, Rahel Hutmacher , face à sa fille, en une sorte de huis clos. Mais huis clos qui est ouvert sur la nature, traversé par les vents et la neige, envahi par tout un bestiaire mouvant. Ce « monde » est, réellement et apparemment, celui du conte. Et Rahel Hutmacher ne se prive pas de jouer à la sorcière. Cependant, de même qu'une sorcière n'est pas que méchante, qu'elle détient des savoirs, pouvoirs et secrets transmissibles, de même, le conte « de fées », déjà dans la tradition, n'est pas qu'idyllique. Et, si Rahel Hutmacher s'entend merveilleusement à jouer du merveilleux, c'est pour nous faire entendre, comme par antiphrase, de quelles tensions, de quelles inquiétudes, voire de quelles violences la relation mère-fille, immémoriale et ultramoderne, est tissée, jusqu'au déchirement.
Dans cette prose, tout est bref : le livre entier (publié en allemand en 1983), chacun de ses chapitres qui sont autant de poèmes en prose, chaque phrase, chaque mot. Ce que le lecteur retiendra sans doute au terme, c'est un certain rythme, unique, inimitable, comme une respiration haletante d'attention et d'inquiétude. C'est donc à une enfilade de variations musicales sur quelques motifs désespérément obstinés que nous sommes invités.
Fille, Traduit de l’allemand (Suisse) par Fernand Cambon, José Corti, 2010, 142 pages.
Page créée le 16.11.10
Dernière mise à jour le
16.11.10
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