"Un écrivain doit montrer l'espérance"Auteur du Jura bernois, Françoise Matthey remporte le Prix Schiller pour son dernier poème à la mémoire d'une amie tragiquement disparue
"Un écrivain n'a pas le droit de publier son mouchoir, il doit montrer l'espérance, la lumière". Si elle voit dans l'écriture une grâce qui lui est donnée, Françoise Matthey n'en fournit pas moins un immense travail sur ses textes. Ainsi de "Comme Ophélie prenait dans l'eau sa force", magnifique poème publié aux Editions Empreintes et pour lequel l'écrivain, qui vit à Vauffelin dans le Jura bernois, vient de se voir remettre un prix de la Fondation Schiller suisse.
A l'origine du livre, la mort d'une amie, qui laissera l'auteur durant des semaines dans un état de choc très grand. L'acceptation, la possibilité de pleurer, ne viendront que plus tard. Et avec elles, une immense souffrance. "Les mots avaient disparu. Une voix intérieure m'a soufflé de faire quelque chose de cette histoire. J'ai essayé, avec beaucoup de pudeur, et une lucidité aveugle". Et en l'espace de trois semaines, le poème est écrit. Mais de ce premier jet à la publication, il y a tout le travail de l'écrivain: il faut prendre de la distance, et être critique avec soi-même, dit encore Françoise Matthey, qui avoue: "J'écris beaucoup plus avec une gomme qu'avec un crayon". En signant cet ouvrage, Françoise Matthey entre de plain-pied dans le monde des grands poètes. Hughes Richard l'avait bien compris, lui qui le premier fit publier un de ses textes dans la revue "Intervalles", il y a de cela une dizaine d'années. En 1995, le canton de Berne reconnaissait également son talent en lui décernant un prix d'encouragement pour son récit "Le vivant, jusqu'à la pierre". Mais pour l'écrivain, la plus grande marque de reconnaissance vient de sa rencontre avec Henri Bauchau, qui signe la préface de son dernier poème. "Je lui ai envoyé mon manuscrit et il a immédiatement répondu positivement. La rencontre avec cet écrivain que j'admire beaucoup fut un grand bonheur", confie Françoise Matthey.
Pour le lecteur, le bonheur, c'est de se plonger sans retard dans ce livre, de se laisser emporter par les mots à la rencontre de la lumière. Car par le pouvoir de la poésie, le drame est transcendé, le malheur dépassé pour ouvrir à la sérénité, à l'espoir: "Sur la berge du fleuve / elle passe de son pas qui n'est déjà plus d'elle / le cur brûlant au chant de ce qui va s'ouvrir".