L'âge du roman parlant

Durant l'entre-deux guerres, dans l'aire francophone, se met en place un roman parlant, véritable pendant littéraire du cinéma parlant. Cette innovation littéraire trop peu remarquée jusqu'ici, engage une voie capitale du roman au XXe siècle : le récit s'y fait passer pour un bouche-à-oreille immédiat et parvient à occulter la médiation de l'écrit, donc de la forme.Par le biais des nouvelles poétiques de l'oral, les romanciers, de Louis-Ferdinand Céline à Louis Aragon, de Jean Giono à Raymond Queneau, Blaise Cendrars, C.F. Ramuz ou Henry Poulaille, tiennent sur la langue littéraire un discours critique, contre l'étroitesse normative de la grammaire traditionnelle. Le récit oralisé va ainsi susciter, durant deux décennies, de vifs débats entre écrivains et critiques, mais aussi entre grammairiens (Thérive, Hermant), linguistes (Bally, Vendryès, Frei) et pédagogues (Freinet).

Dans cette enquête où poétique et sociologie interviennent de concert, défiant les cloisons ordinaires des disciplines, le roman parlant apparaît comme un formidable révélateur du lien entre les enjeux esthétiques et les positions littéraires, par-delà sociales et politiques, des écrivains.

L'âge du roman parlant 1919-1939. Ecrivains, critiques, linguistes et pédagogues en débat Genève, Librairie Droz, 2001, 512 p.
préface de Pierre Bourdieu.

Extrait de presse

A l'écoute du parler commun

Entre les deux guerres, de nombreux écrivains francophones, dont Ramuz, prennent la liberté d'écrire une langue parlée. La thèse brillante de Jérôme Meizoz montre pourquoi et comment ils l'ont fait.

Préfacé par Pierre bourdieu, avec qui l'auteur a étudié à Paris, l'ouvrage recense les tentatives menées entre deux guerres par de nombreux écrivains francophones pour transcrire la langue parlée dans leurs écrits. Largement enrichi de citations d'auteurs aussi différents que Ramuz, Cendras, Céline, Queneau, Poulaille, Aragon ou Giono, ce travail d'érudition n'est pas intimidant. C'est même un excellent outil pour ceux qui étudient, enseignent ou pratiquent la littérature moderne. Les professeurs de français, particulièrement, devraient y trouver des instruments pour montrer le bouleversement de la norme du "bien-écrire" qui s'est opéré dans ces années-là et a changé le rapport contemporain à la langue écrite.
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Isabelle Rüf

samedi 27.10.01

 

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