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On referme ce petit livre comblé (malgré sa minceur), émerveillé (en dépit du sujet dominant de la perte et de la mort). C'est que tout au long de ces pages frémissantes, la narratrice s'adresse à nous d'une voix proche. Elle semble nous prendre par la main pour nous faire glisser avec douceur et fermeté d'une récit à l'autre. Nous retrouvons la présence familière qui avait enchanté tous les lecteurs de Voyage, légère, lucide, ne se payant pas de mots.
Dans ce recueil, le parcours commence avec une photo floue, celle du précieux bracelet : un beau cadeau de mon beau fiancé. L'histoire se passe à Villeurbanne. La guerre est finie, il faut rentrer en Suisse, faire table rase de ce qui est déjà du passé. Un tri s'impose : ce qu'on jette, ce qu'on garde, ce qu'on donne. Pour une jeune femme, rien de plus facile ! Les objets, dira la narratrice plus tard, quand on était jeune on arrivait à les dominer. |
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C'est avec le temps que notre relation aux boucles d'oreille, lunettes et ciseaux se complique. Ils nous échappent, rejoignant nul ne sait quelles oubliettes. Pourquoi écrivez-vous ? demandait-on à Gide ; pour retrouver les bijoux perdus de ma mère, répondait-il. En faisant le compte de ce qui disparaît, un bracelet, les négatifs de vieilles photos, les bagues qui glissent des doigts amaigris de la mère, Diane nous les restitue. Les choses perdues sont de petits doubles prosaïques de la perte ultime, de l'inexorable fuite du temps. Racontant la mort d'un papillon, elle évoque la nôtre sans pathos ni complaisance. Pas timorée, Diane ! Elle ose regarder en face l'impensable.
Ce train nous emmène tous, chacun de nous, vers le terminus. Quoi de plus universel, de plus banal ? Et pourtant ! Pour soi, au coeur de l'évidence, il y a un petit noyeu dur : pas moi.
Ce qui nous comble, nous émerveille, c'est de rencontrer, au cours de cette lecture parfois sombre, tant d'humanité, de tendresse alors même que les lueurs sont dérisoires comme le regard de la lune cassée, ou fugitives comme les petites bougies dans leur soucoupe (le long de la table où Dieu est amour).
La voix sait aussi se faire enveloppante, consolante : montrant la nuit comme une main chaude et calme sur mon épaule, ou dans la dernière image, d'abord cruelle, la chrysalide qui se tord de souffrance, avant de (peut-être) déployer ses ailes pour s'envoler vers l'infini, vers les pairies bienheureuses.
Claire Krähenbühl
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Qui suis-je?
Unique comme chaque être vivant,
façonnée aussi par les autres,
je participe -minuscule et réelle-
à la vie ici et maintenant
Diane Perrot
Diane Perrot, Le bracelet, Editions Samizdat, 2007, 32 pages.
Page créée le 05.02.08
Dernière mise à jour le
05.02.08
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