Depuis plusieurs années, de façon régulière, Jean-Luc Sarré nourrit des carnets de brèves notations, acérées, drolatiques ou percutantes sur le monde croisé au cours de ses déambulations ou vu de sa fenêtre. Ce sont quelques souvenirs de l'adolescence et du pays de l'autre rive de la Méditerranée, des humeurs immédiates en réaction aux événements que chaque matin lui dévoile dans leur humilité et parfois terrifiante banalité, des commentaires ou des réflexions que lui dictent ses lectures, des admirations aussi, souvent, des caprices en vue d'un poème futur, peut-être, enfin de nombreuses digressions à propos de tout et particulièrement du moindre qui ordinairement ne retient guère les poètes. Dans ces notes en prose (mais le reste-elle toujours ?), Sarré se révèle un observateur né, d'une précision à la fois exigeante et lâche, je veux dire qui sait conserver une certaine distance d'ironie et de désillusion vis-à-vis du spectacle et de celui qui s'en émeut. Il reste face à tout d'une lucidité âpre qui éclaire le mouvement de sa phrase.
Dans ce nouveau recueil, Comme si rien ne pressait - alors que, bien entendu, tout presse -, la langue fait des embardées, comme l'indiquait déjà le titre d'un recueil de poèmes paru à La Dogana en 1994, parce que ce n'est que sous cette forme que ce poète écrit : refusant sclérose, retours sur soi, tournant à des régimes qui changent inopinément d'une note à l'autre, tantôt impatients, assurés, tantôt atténués, hésitants, mais qui garantissent à la lecture un rythme de saccade, d'un temps vibrant. Jean-Luc Sarré, qui publie parallèlement un nouveau poème aux éditions Le Bruit du temps sous le titre de Autoportait au père absent , s'affirme une fois de plus ici comme l'héritier de ces mélancoliques attentifs qui, à la manière de Jules Renard ou Georges Perros, ont l'art de faire mouche, chaque jour, d'un coup de plume.
Jean-Luc Sarré, Comme si rien ne pressait, Editions La Dogana, 2010, 256 pages, ISBN 978-2-940055-63-0.
Page créée le 07.02.08
Dernière mise à jour le
28.01.11
|