Alexandre Voisard : La poésie comme viatique

Si la fin d'année est une période de fête et de partage, elle est aussi l'occasion de faire les bilans et de préparer l'avenir. Avec l'espoir que demain sera meilleur qu'hier. Un pari de plus en plus difficile à relever dans une société où le pouvoir économique dicte sa loi et où le fossé ne cesse de se creuser entre possédants et possédés. Parler de poésie dans ce contexte peut sembler incongru. Et pourtant...

Pourtant, réfléchissons une seconde à cette définition qu'en donnait Mme de Staël dans De l'Allemagne: "La poésie doit être le miroir terrestre de la Divinité, et réfléchir, par les couleurs, les sons et les rythmes, toutes les beautés de l'univers."

N'est-ce pas quand l'horizon s'assombrit que le verbe devient nécessaire? Faisons une fois pour toutes un sort à ce cliché qui nous dépeint les poètes comme de doux rêveurs qui, tels des anges, donneraient l'impression de vivre dans un autre monde.

Comme le rappelle fort justement Alexandre Voisard, leur hypersensibilité les rend tout au contraire plus réceptifs: "Subissant lui-même sans relâche une mise en demeure du langage, qu'il ne saurait asservir mais dont la maîtrise est tout l'enjeu, le poète s'évertue à mettre en garde qui veut l'entendre: retourne les pierres, gratte le sable, méfie-toi du sens premier." Une déclaration de foi qui est aussi, comme dans toute l'œuvre du Jurassien, un appel à la vigilance. Avec son dernier recueil paru, Le Déjeu, il rassemble autant d'appels à quitter les terres stériles de la paresse intellectuelle pour celles parfumées de moisson "que nous saurions nous donner / si nous le voulions".

Les combats d'Alexandre l'Ajoulot

Alexandre Voisard a toujours eu la fidélité des origines. De sa mère campagnarde il a gardé ce goût des choses vraies, ce besoin de racines et de nature. De son père instituteur il a puisé la volonté de transmettre à d'autres son message et le goût de la langue française. Si cet Ajoulot, né en 1930, a vu son engagement politique en faveur du Jura récompensé par une nomination au poste de délégué à la culture du nouveau canton dès sa création en 1979, il s'était fait remarquer bien avant en tant que poète, puisque sa première œuvre date de 1954. Son titre, Ecrit sur un mur, résume bien la tonalité de l'ensemble de ses recueils.

Un appel à la résistance -ou pour le moins à la vigilance- qui n'a rien perdu de son actualité.

Le Déjeu, d'Alexandre Voisard, Bernard Campiche Editeur.

Henri-Charles Dahlem
Cooperation N° 52
24 décembre 1997

 

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