Elle se préparait à tant de choses que toute spontanéité avait été évacuée. Il fallait du temps. Attendre. Patienter. Des préliminaires. Un parfum. Souvent de la musique. Des mots en demi-teinte. Alanguie, maladroite. Instruite de lecture. Gommé, l'instinct animal. Mais où était cette brutalité savoureuse à laquelle je m'étais habitué ? Je rêvais de désinvolture. De nonchalance à l'intérieur de laquelle les mots n'auraient pas eu leur place. Et puis, Nina n'était pas belle mais l'application qu'elle mettait pour tenter de le faire croire laissait supposer que, si elle apprenait la vérité, elle en mourrait peut-être. L'autre est une énigme qu'aucun calcul ne résoudra jamais. Chose à laquelle je n'estimais pas nécessaire de m'attarder.

N'avez vous jamais eu envie de tuer votre femme, Dok ?

Louise Anne Bouchard est née à Montréal. Photographe de formation, scénariste et dialoguiste. Les Sans-Soleil est son quatrième roman. Elle a reçu le Prix Contrepoint de la Littérature Française 1994 pour La Fureur. Elle vit aujourd'hui à Lucerne, en Suisse.

Louise Anne Bouchard, Les Sans-Soleil, Editions L'Age d'Homme, 2000

Quinzième tome de la florissante fresque intitulée Lettres à l'Imaginaire, Aux Quatre Vents confirme l'originalité de la démarche littéraire de Clavien.

En quête du permanent dans le courant des jours, du vrai sous le masque de l'hypocrisie et des conventions sociales, c'est à la redécouverte de notre quotidien que l'auteur nous convie.

Personnage à foison, portraits au naturel, scènes sur le vif, dialogues tendres, amicaux ou incisifs... voilà pour le fond. Quant à la plume, elle n'est qu'une vie, toute attention, rythme et poésie.

Embarquez pour une croisière sur les eaux de notre temps, vous découvrirez un homme, la société ambiante, tout un pays.

Germain Clavien: Fils de paysan, enfance à la campagne dans le Valais central, études aux collèges de Sion et St-Maurice, licence en lettres à Genève et Fribourg.

A l'étroit dans son pays, il bourlingue pendant plusieurs années à travers l'Europe, tour à tour ouvrier agricole, précepteur, enseignant, journaliste, avant de se fixer pendant 14 ans à Paris.

Trois couples cultivent le charme discret de la bourgeoisie en organisant à tour de rôle des dîners amicaux. Le soir d'un dimanche d'été radieux, Aurélie et Albert, personnages familiers de Julien Dunilac, accueillent leurs amis dans leur jardin, véritable balcon suspendu au-dessus de la ville.

En somme, une soirée banale entre gens du troisième âge, conscients de naviguer aux confins de la vie. Ils ont grandi et vieilli ensemble, et pourtant que savent-ils les uns des autres, tous proches de la fin du voyage ?

Banale ? Pas tant que ça ! La menace d'un orage perturbe la maîtresse de maison. De plus, le monde extérieur fait des brèches dans cet îlot de paix : l'invitation étendue à un couple de Hongrois habitant l'immeuble symbolise la forte présence de la population étrangère en Suisse. Le comportement bizarre de la femme crée un suspense : viendra-t-elle, ne viendra-t-elle pas ? Quant au mari, il débarque avec un poste de télévision qu'il installe au jardin. Dame, c'est la finale du Mondial de football, France-Brésil, irruption d'un phénomène de masse dans cette tranquille soirée de province.

Laissons au lecteur la surprise de découvrir la conclusion de ce roman. Julien Dunilac l'a conçue comme une fin caricaturale de la situation précaire de ses personnages.

Marin et Marcantonio Zen. Avec Z qui, selon Paul Morand, signe le dialecte vénitien. Ce Z qui dessine le cours du Canale Grande, du Palazzo Vendramin à la Salute. Marin et Marcantonio. Deux frères. Deux peintres. Que tout oppose dans la quête de la reconnaissance, des femmes, de la perfection.

A leur suite, on pénètre comme un chat - les derniers seigneurs de Venise - dans l'envers des décors décadents du Cannaregio, de San Polo, du Dorsoduro. On découvre un univers d'appartements à l'agonie, d'ateliers humides, de ruelles propices aux cauchemars et aux délires érotiques, de petits cafés inconnus où les artistes racontent l'âme de la lagune, la plume trempée dans l'encre noire d'un espresso.

Dehors, le temps ronge pierre et chairs. La mer profane encore et toujours les vestiges des couleurs originelles de la Sérénissime. Dedans, les familles se déchirent, les amis jettent le masque et les destins se figent sur la toile.

Histoire d'une acqua alta qui offre à chacun les reflets dangereux de miroirs éternels. Histoire d'un homme capable de tuer pour s'approprier une couleur unique et achever son impossible tableau ?