L'épicière me dit : "Tu es une Wallace, pas vrai ?
- Oui," et dépliant mon poing, je dépose sur le comptoir ma liste roulée en boule. Les pièces de monnaie tintent.
"Tu as la tête de ta grand-mère." Elle me demande mon âge, ma classe, la matière que je préfère, si l'institutrice est méchante, le nom de mes soeurs, leur âge, comment va l'un de mes oncles et si la confiture de framboises peut remplacer la confiture de mûres.
Derrière le comptoir, je voyais juste une tête et des épaules qui montaient et descendaient pendant qu'elle réunissait les articles de la liste et qu'elle les alignait à la hauteur de mon visage. Elle avait une figure de vieille Blanche-Neige : des lèvres passées au rouge - mais flasques ; une peau blanche de poudre - toute ridée ; des cheveux noirs de teinture - raides.
La retour sur le vélo n'a pas du tout été drôle ; le sac en paille chargé de courses était comme un corps endormi, mobile mais récalcitrant, ne tenant pas en place, malcommode, venant cogner rythmiquement contre mon genou droit à chaque tour de pédale. Je m'arrêtais pour le déplacer, le pousser vers l'avant, mais il revenait en arrière en un rien de temps. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept coups de pédale rapides, et ma récompense était de pouvoir m'asseoir un moment sur la selle. Je continuais en roue libre ,mais je me mettais à zigzaguer dangereusement parce que je n'allais pas assez vite...

Traduction de Pierre Furlan