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Entretien avec Erica Pedretti
par Patricia Zurcher
La Neuveville - octobre 1999

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L'entretien en français a été publié dans la Revue du Service de Presse Suisse : "Feuxcroisés 2"
Nous avons demandé à Patricia Zurcher de nous présenter une version en allemand.

français - allemand

français

P. Z. - Erica Pedretti, vous êtes à la fois écrivain et sculpteur; comment choisissez-vous l’art dans lequel vous allez tenter de faire passer un contenu?

E. P. - J’ignore si c’est moi qui choisis un art ou si c’est cet art qui me choisit... Souvent, et surtout dans mon travail de sculpteur, le but n’est pas tellement de faire passer des contenus, je n’aime pas l’art littéraire. Les différents “objets volants” que j’ai réalisés disent certainement quelque chose, mais on ne peut pas le mettre en mots, sinon, je ne les ferais sans doute pas, j’opterais pour l’écriture. Mais la sculpture est mon premier moyen d’expression; ce n’est que bien plus tard que j’ai commencé à écrire et à publier des livres. Et même lorsque j’écris, mon point de départ n’est pas forcément un élément concret que je voudrais transmettre. Dans le fond, l’écriture possède pour moi une toute autre fonction. C’est durant le processus d’écriture que quelque chose se développe, ce qui ne signifie pas que j’écris sans but ou sans intention. Mais j’essaie tout de même de ne pas trop coller aux contenus. Pendant que j’écris, et du fait même que j’écris, la langue prend un cours qui conduit avec beaucoup plus de précision aux choses que je voulais exprimer, sans que je l’aie planifié avant. Pour ce qui est de la sculpture, j’ai généralement une vague idée en tête et ce n’est qu’indirectement que quelqu’un pourra peut-être en conclure quelque chose. Ce n’est qu’après coup que je remarque que j’ai peut-être exprimé quelque chose de très important pour moi.

P. Z. - L’écriture vous permet-elle d’échapper temporairement à la sculpture et vice-versa ou menez-vous ces deux activités de front?

E. P. - Non, je ne me concentre toujours que sur une seule activité. C’est aussi une question de temps, les deux exigent que l’on s’y plonge vraiment, que l’on se concentre. Cela m’agace parfois, quand je réalise un gros travail et que je me coupe soudain de l’écriture une année durant. Et quand j’écris, il y a toujours des moments où tout se complique, mes projets ne sont jamais simples, et ce que je fais, je veux que ce soit bon, que ce soit juste, que le rythme soit juste, que la langue soit juste, et quant cela se corse, je vois soudain se pointer des échappatoires, ce qui signifie pour moi qu’il vaut mieux que je m’arrête d’écrire temporairement et que je réalise l’autre projet.

P. Z. - Dans “Valerie oder das unerzogene Auge” et dans d’autres textes aussi, vous parlez de l’art. L’écriture vous sert-elle aussi à prolonger les réflexion que font naître votre activité de sculpteur?

E. P. - Dans “Valerie...”, je m’en prends à une certaine mentalité d’artiste que je déteste, le fait que l’on se serve de l’art pour justifier un certain égocentrisme et que l’on soit prêt à tout pour l’art. Personnellement, je suis convaincue que l’art exige un maximum de concentration, et qu’il est bon de s’isoler et de se protéger un peu quand on travaille à quelque chose, mais jamais je ne le ferais dans les conditions que je décris dans ce livre. Alors que son amie est mourante et attend sans doute autre chose de lui, le peintre l’oublie pour sa peinture et ne perçoit plus d’elle que son apparence extérieure, il ne l’assiste pas. Pour moi, une telle attitude serait impensable. Mais dans le fond, je n’aime pas écrire sur l’art. “Sur l’art”, cela signifie déjà une traduction, et celle-ci ne rejoint jamais l’original.

P. Z. - La problématique de l’écriture apparaît aussi dans vos textes; les passages où elle apparaît vous servent-ils aussi à créer une certaine distance par rapport à ce que vous décrivez?

E. P. - Oui. “Engste Heimat” par exemple, je l’ai écrit en bonne partie dans ma caravane, et l’on y retrouve ce que j’ai vu depuis ma fenêtre, ce qui a passé devant au moment où j’écrivais. J’essaie toujours d’intégrer dans l’histoire ce qui se passe pendant que j’écris, parfois en l’attribuant aux protagonistes. Dans “Engste Heimat”, il y a aussi la narratrice qui raconte et qui envoie Anna, son alter ego, en Tchécoslovaquie; je montre ainsi qu’il ne s’agit pas d’une biographie, qu’il s’agit vraiment d’une fiction, donc que quelqu’un est assis là et travaille à quelque chose qui deviendra cette histoire, même si cette même histoire contient beaucoup d’éléments biographiques. Et puis, il y a ces moments aussi où l’on se demande pourquoi l’on se replonge dans des choses aussi tristes qui, Dieu merci, sont passées pour moi, alors que l’on se trouve dans un endroit où tout est si beau...

P. Z. - Vous préférez visiblement un style fragmentaire aux récits lisses et linéaires. Ce style vous est-il dicté par ce que vous racontez?

E. P. - Oui, sans doute, et peut-être aussi par mon propre chaos. Quand j’ai commencé à écrire, j’avais des modèles. J’admirais Dostoievski, Dickens, qui avaient un rythme si continu, et c’est ainsi que j’ai commencé à écrire “Harmloses, bitte”, mes souvenirs de la fin de la guerre, lorsque j’étais encore un enfant ou à moitié enfant, et puis je me suis aperçue que cela conférait à ce récit quelque chose d’anecdotique, de lisse, qui n’avait plus rien en commun avec mes souvenirs, bien que cette version contenait plus de faits que la version définitive. J’y ai alors travaillé jusqu’à ce que ce récit corresponde, de par sa forme, à une certaine atmosphère de peur, dans laquelle j’ai inséré l’espoir et les belles choses qui se sont produites aussi. J’y ai ajouté aussi la comparaison avec l’Engadine, donc le fait que l’on jouisse de quelque chose d’incroyablement beau et que soudain l’on se rappelle, de par l’enfance que l’on a vécue, que tout cela est fragile, que tout pourrait être détruit, comme cela a été détruit ailleurs et continue d’être détruit. Seule cette forme me permettait de dire cela. Et depuis, rien n’a changé à ce niveau-là: lorsqu’un texte devient trop lisse, c’est que quelque chose ne va pas, c’est que j’ai écrit une histoire de manuel scolaire.

P. Z. - Comment votre style a-t-il évolué depuis “Harmloses, bitte” jusqu’à votre dernier livre?

E. P. - Au début de “Harmloses, bitte”, je dis que les drames qui se sont déroulés devraient être tus, parce qu’il est impossible de les raconter sans les fausser. J’en était convaincue alors et j’en avais fait l’expérience. J’avais remarqué que je ne me croyais plus moi-même quand j’en faisais de jolis récits. Entretemps, j’ai acquis un peu plus d’expérience dans ce domaine et une plus grande distance aussi, et peut-être que je fais un peu plus confiance à la langue et qu’il m’est possible de trouver un style un peu plus cohérent. Le rythme de la langue me paraît aussi important que le contenu, le genre des phrases, le genre des mots, la longueur des phrases ou des mots... Lorsque j’écris, j’essaie d’entendre mes phrases, et si le rythme n’est pas bon, c’est que quelque chose ne joue pas. Apparemment, chacun de nous a ses propres rythmes et il faut qu’ils soient justes.

P. Z. - Quel rôle les citations jouent-elles dans vos textes?

E. P. - Un très grand rôle. J’ai passé une année chez mes grands-parents, je les adorais et ils m’adoraient. Tous les jours, avant d’aller à l’école, j’allais me promener avec mon grand-père, et à huit ou neuf ans, je l’entendais réciter “Faust” dans son entier, et c’est parce que j’aimais tellement mon grand-père que ce qu’il citait devenait pour moi aussi vivant que ce qui nous entourait. Dans le fond, c’est aussi le début de mon amour de la littérature, et c’est pour cela aussi que j’ai confiance en elle, dans ses capacités de transmettre des choses. C’est l’une des rares valeurs de mon enfance qui est demeurée intacte, toutes les autres se sont mises à vaciller un jour ou l’autre.

P. Z. - Mais pour que la littérature puisse transmettre quelque chose, une certaine distance est nécessaire?

E. P. - Oui, certainement. C’est une question que je me pose encore. D’un côté, je suis convaincue que la plupart des livres qui me passionnent sont fait d’un matériau qui a passionné aussi leur auteur. Je ne crois pas que l’on puisse simplement choisir un sujet et en parler de façon passionnante, si ce sujet ne nous concerne pas à titre privé. D’un autre côté, quand on est plongé dans quelque chose, quand on est personnellement touché, je ne crois pas qu’il soit très facile d’en parler et de trouver une forme qui ne soit pas sentimentale ou de mauvais goût. Mettre en forme quelque chose que l’on est en train de vivre me paraît presque impossible.

P. Z. - Mais comment peut-on se distancer de souvenirs tels que ceux que vous décrivez?

E. P. - Il y a une certaine distance. Et beaucoup de ces souvenirs étaient bien refoulés. Ce n’est pas un hasard si les souvenirs les plus douloureux n’apparaissent dans la littérature que cinquante ans après les événements décrits. Pour moi, tout cela appartient désormais au passé. Ce qui me fait mal et me révolte, c’est que les choses se répètent ainsi. Que même dans des pays qui ont déjà vécu tout cela une fois, comme la Yougoslavie à présent, une guerre éclate pour la seconde fois dans une vie d’homme, alors que la plupart des gens savent pertinemment ce que cela signifie. Ce ne sont pas de jeunes aventuriers qui ne savent pas où ils mettent les pieds...

C’est peut-être aussi l’une des raisons pour lesquelles on écrit ces choses-là. Si tout cela était terminé une fois pour toutes, on n’y penserait plus, peut-être pourrait-on alors ne plus y penser, et qu’il n’y aurait plus besoin d’écrire des livres à ce sujet, je ne sais pas.

P. Z. - Dans “Engste Heimat”, vous émettez des doutes quant à la réussite du personnage de Gregor, vous doutez qu’il soit possible de représenter de façon fidèle une personne qui continue à vivre dans votre mémoire. Cela signifie-t-il que pour vous, seuls les personnages créés de toute pièce peuvent devenir de vrais personnages?

E. P. - Non, j’ai voulu exprimer tout d’abord ma crainte qu’un souvenir encore vivant pour moi ne se transforme en histoire, donc ma crainte de perdre quelque chose aussitôt que je l’écris. J’essaie d’en faire quelque chose de vivant, j’essaie de faire d’une personne qui vit dans mon souvenir, bien qu’hélas elle ne soit plus, un personnage vivant, mais cela devient quand même un personnage qu’il s’agit ensuite de compléter et qui se met à vivre sa propre vie. Je n’avais pas envie que cet homme qui m’était si cher devienne par ma plume un personnage qui ne soit plus lui. Mais cela ne signifie pas forcément qu’un personnage fictif ne peut pas devenir vivant, il peut même devenir très vivant, mais je ne veux pas qu’il recouvre entièrement une personne qui m’est proche ou qu’il la remplace.

P. Z. - Dans “Engste Heimat”, il est question aussi du concept assez délicat de la “patrie”. Quelle est votre définition de la patrie?

E. P. - Honnêtement, je ne me suis jamais servie de ce mot et je continue à l’éviter. Dans ce titre, je l’ai cité avec un certain cynisme, en l’assemblant avec le mot “engste” que l’on peut lire ou entendre différemment (N.d.T. “Ängste”). Mais je ne nie pas que l’on soit marqué par une région, et ces prés et ces collines, ces paysages dans lesquels je vois en plus le Goethe de mon grand-père lorsque j’y suis, n’existent nulle part ailleurs. Bien sûr qu’il existe un sentiment qui renvoie à ce concept, mais ne croyez pas que j’aie le mal du pays. Bien au contraire, je suis contente d’être là où je suis. Et pourtant, chaque fois, j’accepte les invitations qui me viennent de là-bas; sans doute y a-t-il quand même quelque chose qui me pousse à y retourner.

P. Z. - Dans vos livres, il est souvent question des mécanismes de la mémoire. Avez-vous l’impression, avec les années, de mieux comprendre et maîtriser ces mécanismes?

E. P. - Je n’en sais rien. Dans mon dernier livre, j’ai tenté de reconstituer une mémoire en ruines, une mémoire que j’ai pu observer longuement, celle d’une vieille tante qui m’était chère, et ce jusqu’aux dernières phrases complètement décousues, qui sont hélas presque authentiques. Ce qui m’a fascinée, c’est ce que la langue fait avec quelqu’un, le fait qu’un être silencieux sa vie durant se mette à parler aussitôt que son contrôle sur soi abaisse ses barrières, et que cet être se mette à dire alors ce que jamais de sa vie il n’aurait dit... Quand soudain la langue commence à se mouvoir et à parler toute seule, c’était comme si langue s’était mise à parler à travers elle...

P. Z. - Dans ce dernier livre, vous avez suivi le processus de la remémorisation jusqu’à la mort de la narratrice qui se souvient. La mémoire restera-t-elle un sujet important de vos livres à venir ou la considérez-vous comme un sujet clos désormais?

E. P. - En réalité, je ne sais pas si elle est morte, certaines personnes mettent du temps à s’en aller... Mais j’ai l’intention de parler encore du troisième enfant de cette famille. Dans “Engste Heimat”, c’est Gregor qui est plus au moins au centre du récit, et dans mon dernier livre, c’est Sophie. Mais il y a encore la petite soeur, Fanny. Ce sont des caractères totalement différents avec pourtant quelques points communs, des personnalités qui posent aussi un regard très différent sur leur passé et qui ont maîtrisé ou pas maîtrisé leur vie de manière très différente. Et maintenant, je voudrais décrire Fanny, ce qui me permettrait de livrer trois regards différents sur trois vies totalement différentes, mais provenant d’une même souche. J’ignore si j’y parviendrai. Je voudrais aussi que la forme du récit soit à nouveau totalement différente de celle des deux autres livres.

Entretien et adaptation française: Patricia Zurcher

 

allemand

P. Z. - Erica Pedretti, Sie sind zugleich Schriftstellerin und Bildhauerin; wie wählen Sie jeweils das Medium aus, in dem Sie etwas mitteilen werden?

E. P. - Ich weiss nicht, ob ich das Medium auswähle oder das Medium mich auswählt. Es handelt sich, vor allem in der bildnerischen Arbeit, nicht so sehr darum, Inhalte mitzuteilen. Ich mag keine literarische Kunst, also mache ich sie auch nicht. Die “Fliegenden Objekte”, von denen ich verschiedene gemacht habe, teilen sicher etwas mit, aber das ist nicht so verbal zu übersetzen, sonst würde ich es vielleicht gar nicht machen, sondern nur schreiben. Aber es ist an sich meine erste Ausdrucksform. Bücher zu schreiben und vor allem zu publizieren, habe ich erst viel später angefangen. Das Schreiben hat für mich eigentlich eine ganz andere Funktion: Während des Prozesses des Schreibens entwickelt sich etwas, was nicht heisst, dass ich nicht irgendwo ein Ziel habe oder etwas vorhabe, aber ich versuche doch sehr stark nicht so an den Inhalten zu kleben, sondern beim Schreiben, durchs Schreiben, nimmt die Sprache einen Verlauf, der viel genauer, manchmal auf überraschende Weise auf die Dinge bringt, die man eigentlich zum Ausdruck bringen möchte, ohne dass ich es vorher genau so geplant hätte. Bei der bildenden Kunst schwäbt mir etwas vor und erst indirekt kann jemand vielleicht daraus auf Zustände schliessen.

P. Z. - Dient Ihnen das Schreiben auch dazu, Ihre bildhauerische Aktivität für eine Zeitlang beiseite zu lassen oder laufen beide Aktivitäten parallel?

E. P. - Nein, sie laufen abwechslungsweise, immer, und das ist auch eine Zeitfrage; man muss sich in beides vertiefen, also sich auf etwas konzentrieren. Ich habe noch nie beides parallel gemacht. Manchmal ist es für mich auch ärgerlich, wenn ich eine grosse Arbeit mache und dann falle ich plötzlich ein Jahr lang aus meinem Schreiben. Vor allem, das Schreiben wird ja immer wieder schwierig und dann kommen eben die Ausweichsmöglichkeiten, das heisst, besser man lässt dann das Schreiben sein und macht die andere Arbeit bis sie fertig ist.

P. Z. - In Valerie oder das unerzogene Auge, aber auch in anderen Texten, schreiben Sie über Kunst. Erlaubt Ihnen das Schreiben auch, die Überlegungen, die Ihnen Ihre Kunst inspiriert, weiterzuführen?

E. P. - Bei Valerie handelt es sich vielleicht auch um einen Angriff auf eine bestimmte Künstlermentalität, die mir zuwider ist, also dass man die Kunst als Ausrede für eine bestimmte Egozentrik benützt und damit buchstäblich über Leichen geht. Aber an sich möchte ich nicht über das Malen schreiben, also über Kunst schreiben. Es fällt mir sehr schwer. Es handelt sich dabei immer um eine Übersetzung und die bleibt immer hinter dem Original zurück. Ich fühle da nur Ungenügen an meinem Text und komme nicht weiter.

P. Z. - Die Problematik des Schreibens kommt auch in Ihren Texten vor; dienen Ihnen die Stellen, die davon handeln, auch dazu, eine gewisse Distanz zum Beschriebenen herzustellen?

E. P. - Ja, also Engste Heimat zum Beispiel habe ich in grossen Teilen in meinem Wohnwagen geschrieben und es kommt darin vor, was ich da sehe, was hier vorbeigeht. Ich versuche in diesem Buch und in den meisten anderen auch das, was während des Schreibens passiert, in die Geschichte einzubringen, manchmal indem ich es den Protagonisten unterjubele. In Engste Heimat gibt es die Erzählerin, die erzählt und ihr Alter ego in die Tchekoslovakei schickt, um zu zeigen, dass es sich nicht um eine Biographie handelt, dass es sich wirklich um Fiktion handelt, dass also jemand dasitzt und an etwas arbeitet, das dann diese Geschichte wird, und dass man das nicht rein biographisch liest, obwohl sehr viel biographisches Material verarbeitet ist.

P. Z. - Sie mögen anscheinend lieber Fragmente als schöne, glatte Erzählungen. Ist dieser Stil durch das Erzählte bedingt?

E. P. - Ja, wahrscheinlich schon, vielleicht auch durch mein eigenes Chaos. Als ich anfing zu schreiben, habe ich Dostoievski, Dickens bewundert, so kontinuerlich schreiben zu können und habe auch so angefangen. Mit Harmloses bitte, die Erinnerungen an das Kriegsende, als ich noch ein Kind war oder ein halbes Kind, habe ich aber gemerkt, dass diese Erzählung so etwas anekdotisches bekommen hat, so etwas glattes, das mit meinen Erinnerungen überhaupt nichts mehr zu tun hatte, obwohl mehr Fakten da waren als in der endgültigen Fassung. Ich habe dann solange daran gearbeitet, bis es von der Form her dem Erzählten entsprochen hat, nämlich einer bestimmten Atmosphäre der Erwartungsangst, der Angst. Ich konnte es nur in dieser Form mitteilen. Und das stimmt eigentlich seither immer: Wenn es allzu glatt wird, dann stimmt es nicht, dann ist für mich irgendetwas verlogenes, es gibt dann Schulbuchgeschichten.

P. Z. - Was hat sich in Ihrem Stil seitdem verändert?

E. P. - Am Anfang von Harmloses bitte steht “unwahrscheinlich, falsch und stillos wie alle Geschichten, die nicht erfunden sind, die auf jeden Fall verschwiegen werden müssen, weil es unmöglich ist, sie wahr wiederzugeben.” Es war meine Überzeugung und auch meine Erfahrung. Ich habe gemerkt, dass ich es mir selber nicht mehr glaube, wenn ich das so schön schreibe. Inzwischen habe ich ein bisschen mehr Erfahrung mit dem Schreiben und grössere Distanz. Vielleicht vertraue ich jetzt der Sprache etwas mehr und es ist mir auch möglich, eine zusammenhängendere Sprache zu finden. Der Rhytmus der Sprache scheint mir da genauso wichtig wie der Inhalt, die Art der Sätze, die Art der Wörter, die Satzlänge, die Wortlängen. Es scheint mir genauso wichtig oder fast so wichtig am Ende wie der Inhalt. Beim Schreiben versuche ich, meine Sätze zu hören und wenn sie nicht im richtigen Rhytmus sind, dann geht es nicht, dann stimmt es einfach nicht. Offensichtlich hat jeder Mensch sein ganz eigenes Tempo und seine eigenen Rhytmen und das muss stimmen.

P. Z. - Welche Rolle spielen Zitate in Ihren Texten?

E. P. - Eigentlich eine sehr grosse Rolle. Ich habe ein Jahr lang bei meinen Grosseltern verbracht und ging täglich mit dem Grossvater noch vor der Schule spazieren. Ich habe mit acht, neun Jahren den ganzen Faust rezitiert gehört und weil ich den Grossvater geliebt habe, war für mich der Spaziergang ebenso lebendig wie das Zitierte. Eigentlich ist das auch der Anfang meiner Liebe zur Literatur; sie ist eines der wenigen Werte meiner Kindheit, die gleich geblieben sind. Die anderen sind alle ins Wackeln gekommen.

P. Z. - Um es der Literatur zu ermöglichen, etwas zu übermitteln, braucht es aber auch eine gewisse Distanz zum Erzählten?

E. P. - Ja, sicher. Das ist etwas, was ich mich immer noch frage. Einerseits glaube ich, dass die meisten Bücher, die mich wirklich fesseln, wahrscheinlich aus Material gemacht sind, die den Autor auch sehr gefesselt haben. Ich glaube nicht, dass man sich einfach irgendein Thema vornehmen kann und dann interessant darüber schreiben kann, wenn man nicht selbst etwas mit diesem Thema zu tun hat. Irgendwo muss mir die Sache sehr nahe gehen. Und gleichzeitig kann man sich natürlich so Notizen machen, aber wenn man ganz in der Sache drin ist, davon selbst betroffen ist, dann glaube ich, dass es nicht sehr leicht ist, das so zu gestalten, dass es nicht sentimental oder kitschig wird. Das zu gestalten, während man es erlebt, ist fast unmöglich.

P. Z. - Distanz zu Erinnerungen wie die Ihrigen, ist das überhaupt möglich?

E. P. - Es ist Distanz. Und viele dieser Dinge waren sehr gut verdrängt. Es ist kein Zufall, dass die ganz schrecklichen Dinge fünfzig Jahre nachdem sie passiert sind erst geschrieben werden. Für mich sind das jetzt “tempi passati”. Was mich unglücklich macht und entsetzt, ist, dass sich die Sachen so wiederhohlen. Dass selbst in Ländern, die das schon einmal erlebt haben, wie jetzt in Jugoslavien, nochmal in einem Menschenleben ein Krieg ausbricht, wo doch eigentlich die meisten Menschen wissen, was das bedeutet.

Was mich unglücklich macht und entsetzt, ist, dass sich die Sachen so wiederhohlen. Dass selbst in Ländern, die das schon einmal erlebt haben, wie jetzt in Jugoslavien, nochmal in einem Menschenleben ein Krieg ausbricht, wo doch eigentlich die meisten Menschen wissen, was das bedeutet.

P. Z. - In Ihren Büchern ist sehr viel von den Mechanismen der Erinnerung die Rede. Haben Sie das Gefühl, Sie sind diesen Mechanismen irgendwie näher gekommen und verstehen sie besser?

E. P. - Das weiss ich nicht. Ich versuche ja in meinem letzten Buch ein ruiniertes Gedächtnis zu rekonstruieren, mit dem ich sehr viel Erfahrungen gemacht habe, mit einer alten Tante, und dies bis zu den letzten zerfasernden Sätzen, die leider fast authentisch sind. Was mich dabei fasziniert hat, ist das, was Sprache mit einem Menschen macht, also dass ein ausgesprochen stiller und ruhiger Mensch, sobald seine Selbstkontrolle nachlässt, dann zu reden anfängt und auch das sagt, was er sein Leben lang nie gesagt hätte. Das hat mich fasziniert, also wenn dann plötzlich die Sprache sich regt und dann von alleine redet.

Ich versuche ja in meinem letzten Buch ein ruiniertes Gedächtnis zu rekonstruieren

Entretien et adaptation française: Patricia Zurcher

 

Page créée le 01.10.99
Dernière mise à jour le 01.10.99

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