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Mémoire Editoriale - Cahier n°2

Sommaire - Naissance de l'ACR

WEBER-PERRET, GENESE DE L'ALLIANCE CULTURELLE ROMANDE

par Simon Roth

Pendant la guerre, la Suisse romande suit attentivement les événements de France. Ses revues et ses maisons d'édition, mettant à profit ces circonstances particulières, connaissent un essor étonnant et reflètent les dissensions françaises. A travers ce prisme toute une génération marquée de l'empreinte du conflit mondial se découvre, qui anime le milieu littéraire romand de l'après-guerre.

Myrian Weber-Perret fait lui aussi ses premiers pas dans ce contexte. Amoureux des lettres comme on peut l'être à vingt ans, il fonde une revue, édite des recueils, écrit des articles, prononce des conférences, participant ainsi à l'effervescence de ces années où poésie et politique se mêlent. Il côtoie également deux grands aînés, Edmond Jaloux et Gonzague de Reynold, qui influencent ses goûts et ses jugements.

Fruit de nombreuses expériences littéraires, l'Alliance Culturelle Romande, l'ambitieux projet de Weber-Perret, se concrétise en 1962. Elle se définit, dans ces années soixante, comme une réaction aux difficultés rencontrées par les artistes et écrivains suisses romands de l'après-guerre. " Certains pensaient que nous allions nous effacer comme neige au soleil. Pendant toutes ces années nous avons vu la Suisse romande prendre conscience de son patrimoine, de ses valeurs culturelles. Nous n'avons pas la prétention, et de loin, d'avoir été les seuls à mener ce bon combat. Nous pensons toutefois que nous avons apporté notre pierre à l'édifice. "


  Sommaire
Introduction

Ecrire et publier dans la Suisse des années sombres

Weber-Perret et sa génération

Les inspirateurs

La mise en place de l'Alliance Culturelle Romande

Conclusion

Inventaire des Cahiers de l'Alliance Culturelle Romande

«Mémoire Editoriale»

Notices biographiques et littéraires

Sources

Bibliographie

Crédit photographique

 

  Naissance de l'ACR

Édition

Un cahier de la fondation Mémoire éditoriale retrace la création de l'association romande qui n'était pas insensible à l'influence intellectuelle d'une droite française pure et antiparlementaire.

Comment est née l'Alliance culturelle romande

Destinée à mettre en valeur les archives de l'édition romande, la fondation Mémoire éditoriale publie son deuxième cahier, consacré à l'Alliance culturelle romande (1962-1992). Dirigée par Myrian Weber-Perret (1922-1985), cette association a organisé des rencontres entre acteurs culturels romands et publié des cahiers thématiques sous la forme d'une revue annuelle sur papier glacé: soucieuse de consensus, elle constitue un témoignage majeur de l'histoire culturelle romande, bien que sa pesante officialité n'ait pas toujours été propice à la prospection artistique.

Fils d'un commerçant alémanique, Myrian Weber, tenté un moment par la théologie, sera professeur à l'École internationale de Genève jusqu'à sa retraite. Le jeune homme anime dès 1941, avec deux amis, la revue Pages à laquelle collaborent Ramuz et Roud ainsi que des poètes français que la censure de leur pays a fait taire. Dès fin 1942, Weber-Perret prend en main la rubrique poétique de Vie, Art, Cité et consacre à l'été 1943 un numéro anthologique à la poésie romande.

En retraçant les influences intellectuelles du fondateur, tout se passe comme si l'historien Simon Roth, fasciné par les figures littéraires de Jaloux et Reynold, s'étaient excessivement ému de destinées individuelles, quitte à ne pas peindre frontalement - sans rien en cacher toutefois - un milieu à la cohérence particulièrement significative en cet après-guerre: celle d'une droite dure, antiparlementariste, antisocialiste, antiexistentialiste.

Le maître à penser littéraire de Weber-Perret n'est autre que l'écrivain et académicien français Edmond Jaloux. Lié à l'Action française, monarchiste, antisémite, il s'est réfugié à Lutry en juillet 1940 où il passe la guerre, donnant des articles favorables à Pétain au Mois suisse, revue de la collaboration "franco-allemande", mais aussi au Journal de Genève grâce à Jacques Chenevière. Inscrit comme Morand sur la "liste noire" à la Libération et radié des cercles parisiens, Jaloux conserve une aura importante en Suisse romande, où les nostalgies maurrassiennes ont l'étrange faculté de se prolonger après l'heure. Curieux de littérature romande, le critique français inspire à son admirateur Weber-Perret l'idée de rassembler les auteurs romands, d'où naîtra l'Alliance culturelle romande.

Le second mentor affiché est Reynold, le très catholique châtelain de Cressier, admirateur du dictateur Salazar, et farouche défenseur d'un État chrétien monarchique. Discrédité après guerre, Reynold est défendu par Weber-Perret qui lui ouvre les colonnes de Vie, Art, Cité. Il deviendra président d'honneur de l'Alliance.

Durant les années cinquante, Weber-Perret prend déjà des contacts en vue de créer une revue orientée à droite, avec des écrivains comme Maurice Zermatten ou Jacques Mercanton. Il publie également Écrivains romands 1900-1950 (1951), destiné à redonner aux auteurs le sens de leur identité et de leur solidarité. Mais la revue de gauche Rencontre attaque Weber-Perret, auquel elle reproche le patronage douteux de Reynold et de Jaloux.

Baptisée pourtant sur les mêmes fonts, l'Alliance naît en 1962 dans la foulée d'autres institutions de la francophonie. Au congrès qui la ratifie prennent la parole deux fédéralistes convaincus, très distincts par l'idéologie: Denis de Rougemont et Gonzague de Reynold. Weber-Perret mènera cette lourde barque jusqu'à sa mort en 1985, sa femme lui succèdera jusqu'en 1987, date à laquelle Présences prend le relais, avant le sabordage de l'association en 1992.

Jérôme Meizoz

SIMON ROTH, Weber-Perret, Genèse de l'Alliance culturelle romande, Mémoire éditoriale, 174 p.
(3, rue Saint-Pierre, 1003 Lausanne)


4 mars 2000

 

Page créée le 20.11.99
Dernière mise à jour le 20.06.02

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