Les origines du monde
A travers la répétition
d'un geste toujours différent
De petits
textes ramassés accompagnent aussi les lavis tout au
long de leur déroulement. Voici quelques-unes des images,
quelques-uns des poèmes
Descendre
plus avant
fermerait l'il
du silence
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Respire
depuis toujours
resserre dans du noir
ce qui divise
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Une ligne laisse voir
ce qui retient
ce n'est pas elle
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Que l'indécidable
soit vraiment troué
surprend
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Jusqu'à l'épaisseur s'ouvre
jusqu'à quelque chose
qui n'est pas noir
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La vie se dépose
dans une image
elles bougent
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Entre la parole
et le geste du temps
blanchit
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Tenir écartée la paroi
voir la falaise
ouvrir les yeux
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Elles écartèlent
lignes de lumière
elles incarnent
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Cent lavis d'Alain Bouvier accompagnés
de textes de Françoise Delorme
La césure originelle, ou considérée
comme telle dans ce travail chronologique constitué
de cent lavis noir et blanc, se scinde encore à l'intérieur
d'elle-même, car elle bouge. Elle s'altère d'un
lavis à l'autre. Elle devient quelque chose d'autre
et dénie toute possibilité d'immobilité,
d'unité même. ce qui en elle perdure, c'est cependant
sa nature de faille. Contrairement à la dure matière
- rochers, falaises - qui lui fait face et s'oppose à
elle, lui donne forme peut-être, elle ne s'érode
pas, elle ne disparaît pas, ne peut pas disparaître.
Elle est la " permanence du changement " mise en
uvre. Le mot " uvre " d'ailleurs renvoie
aussi bien à l'acte d'ouvrir qu'à l'effet de
cet acte, au mouvement et à la fixité contradictoires
peut-être constitutifs l'un de l'autre
Le motif de la faille multiplié
par cent esquisse le début d'une infinité temporelle.
En devenant plusieurs, le singulier devient pluriel. Les cent
failles diffèrent radicalement, séparées
les unes des autres : il y a aussi une faille entre chaque
tableau.
Le premier vide dans lequel se détachent un ou cent
lavis se retrouve en écho ou en source à l'intérieur
de chaque lavis. Cet écho résonne longtemps.
Mais c'est une faille, une division qui se dédouble
à l'infini. Passage autant que rupture, ce qui rompt
relie.
Je pense sans cesse " Tour de
vent construite en rareté ". Ce vers obsédant
vient, revient. Gongora l'écrivit en un siècle
dans lequel les représentations et le monde étaient
aussi fort perturbés, dans lequel le chaos du monde
laissait chacun si perplexe. Vide et plein très déstabilisés,
presque interchangeables, continuité et discontinuité
Tour de vent construite en rareté. Comment décider
où souffle l'air, où pèse la pierre ?
Où est le refuge ? Où est le danger ? Comment
Savoir ?
Et aussi, tenace comme un motif, deux
vers de Liliane Giraudon :" Et par répétition/
je ne vois que la lumière ". Ils trouent l'obscurité,
font éclater la pierre. Ils nomment cette flamme fragile
qui tient bon dans la mémoire, évidemment mobile,
source qu'il faut savoir contenir, dont il faut accepter le
tarissement pour soi. la mort. l'éblouissement. Tâche
bien difficile que celle de brûler.
Françoise Delorme
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Page créée le 28.02.03
Dernière mise à jour le 03.03.03
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