Jusqu'à la transparence
La neige n'a pas de racine
*
La froidure scintille,
Remplace les objets déconnus.
Penser en gestes, en couleurs,
Ne plus penser bientôt.
Appeler, mais dans l'oubli, personne ne se lève.
*
Des reliefs viennent narguer la mémoire
Dénoncer sa faiblesse
Reliefs de la vie, des êtres aimés.
Plus tard tout sera plat,
Autant dire qu'il fera nuit.
*
La neige n'a pas de racine
A pleine main la serrer
Puis desserrer les doigts
*
L'eau noire était cachée,
En vie sous la neige.
Pris par le froid, les vêtements
Enserrent peu à peu
Le corps dans un étau.
Apparaissent les branches les plus pointues,
Les plus noires.
(Sitôt tombée, déjà sale
Percée d'épines)
*
Viennent, affolées sous les yeux
Des images refoulées hors des paupières.
(Les souvenirs d'un autre, probablement)
***
Le corps sec
*
En quarantaine,
Le monde est loin
Aucune ombre,
Rien où les yeux puissent se poser.
S'installer à l'abris des paupières
Laisser venir les images,
Presser les yeux, laisser jaillir
Leur contenu intact, prêt à rassasier.
*
Silencieux, veines, curs
Cousus, paupières, narines.
Des paupières naîtront sur les oreilles
La peau soudera les doigts,
Deviendra os
Le monde entrevu sera jalousement gardé.
*
Chaque courant d'air
Chaque parole, chaque il ouvert.
(Tout peut changer au matin)
Un instant pour voir l'étendue oublieuse
Tout est là
Pourtant rien ne se laisse reconnaître.
*
Coule la cire
Dans les pavillons
Pour ne plus jamais
Soupçonner le vide.
L'instant est lourd, ensuite
Le monde reste sourd, en fuite
Le cur remplace l'écho
Auquel tout s'altère.
*
En ouvrant les mains, s'étirent et s'enfuient
Réveillés et mangés par la lumière,
Des fragments de peur et de bonheur incohérents.
*
Pauvres, faibles à garder les trésors,
Dispersés aux vents, jetés par les fenêtres,
Les yeux sont des papiers trop noircis,
Ou l'image est effacée à chaque battement de
paupière.
*
Le plafond est un piège.
Le tissu de la mémoire a de curieuses dimensions
L'aiguille a trop percé.
Les murs manquaient de consistance
Tout a disparu
*
Le bleu pâle des feuillages
Montait au ciel
Le feu prenait, dévorait en pure perte
Aucune feuille de l'été n'était épargnée.
(Ici rien à incendier)
Julien Burri
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Page créée le 24.12.02
Dernière mise à jour le
24.12.02
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