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Julien Burri

  Julien Burri
 

Julien Burri
vit et étudie à Lausanne, où il est né en 1980. Il est l'auteur de deux receuils de poèmes: La Punition (Paris, Caractères, 1997) et Journal à rebours (Vevey, L'Aire, 2000), ainsi que d'un court roman, Je mange un boeuf (L'Aire, 2001). Il a reçu en 1997 le "Prix intérnational jeunes auteurs" dans la catégorie "Théâtre" et en 1998 dans la catégorie "Poésie".

Les poèmes inédits présentés font partie d'un recueil à paraître cette année aux éditions de l'Aire (Jusqu'à la transparence). Julien Burri possède son propre site internet: www.julienburri.ch.

 

  Inédit
 

Jusqu'à la transparence

La neige n'a pas de racine

*



La froidure scintille,
Remplace les objets déconnus.
Penser en gestes, en couleurs,
Ne plus penser bientôt.

Appeler, mais dans l'oubli, personne ne se lève.

*



Des reliefs viennent narguer la mémoire
Dénoncer sa faiblesse
Reliefs de la vie, des êtres aimés.

Plus tard tout sera plat,
Autant dire qu'il fera nuit.

*



La neige n'a pas de racine
A pleine main la serrer
Puis desserrer les doigts

*



L'eau noire était cachée,
En vie sous la neige.
Pris par le froid, les vêtements
Enserrent peu à peu
Le corps dans un étau.

Apparaissent les branches les plus pointues,
Les plus noires.
(Sitôt tombée, déjà sale
Percée d'épines)

*



Viennent, affolées sous les yeux
Des images refoulées hors des paupières.
(Les souvenirs d'un autre, probablement)

***





Le corps sec

*



En quarantaine,
Le monde est loin
Aucune ombre,
Rien où les yeux puissent se poser.

S'installer à l'abris des paupières
Laisser venir les images,
Presser les yeux, laisser jaillir
Leur contenu intact, prêt à rassasier.

*



Silencieux, veines, cœurs
Cousus, paupières, narines.

Des paupières naîtront sur les oreilles
La peau soudera les doigts,
Deviendra os
Le monde entrevu sera jalousement gardé.

*



Chaque courant d'air
Chaque parole, chaque œil ouvert.
(Tout peut changer au matin)

Un instant pour voir l'étendue oublieuse
Tout est là
Pourtant rien ne se laisse reconnaître.

*



Coule la cire
Dans les pavillons
Pour ne plus jamais
Soupçonner le vide.

L'instant est lourd, ensuite
Le monde reste sourd, en fuite
Le cœur remplace l'écho

Auquel tout s'altère.

*



En ouvrant les mains, s'étirent et s'enfuient
Réveillés et mangés par la lumière,
Des fragments de peur et de bonheur incohérents.

*



Pauvres, faibles à garder les trésors,
Dispersés aux vents, jetés par les fenêtres,
Les yeux sont des papiers trop noircis,
Ou l'image est effacée à chaque battement de paupière.

*



Le plafond est un piège.
Le tissu de la mémoire a de curieuses dimensions
L'aiguille a trop percé.

Les murs manquaient de consistance
Tout a disparu

*



Le bleu pâle des feuillages
Montait au ciel
Le feu prenait, dévorait en pure perte
Aucune feuille de l'été n'était épargnée.

(Ici rien à incendier)


Julien Burri

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© Le Culturactif Suisse

Page créée le 24.12.02
Dernière mise à jour le 24.12.02

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