Francis Giauque
Le poesie qui presentate sono tratte dalla raccolta Terre de dénuement, di Francis Giauque (1934-1965), pubblicate presso l'editore L'Aire di Vevey nel 1980. La traduzione, inedita, è di Dubravko Pusek.
Le poèmes présentés ci-dessous sont tirés de Terre de dénuement, de Francis Giauque (1934-1965), paru à l'Aire en 1980. La traduction inédite est de Dubravko Pusek
Inédit
pars
fais-toi ombre et silence
dans l'envahissement de la nuit
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parti
fatti ombra e silenzio
nell'invasione della notte
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comme un orage
à bout de souffle
l'angoisse s'apaise
au crépuscule
l'animal traqué
trouve enfin le repos
dans les méandres
de l'obscurité
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come una tempesta
all'estremità del soffio
l'angoscia si placa
al crepuscolo
l'animale braccato
trova finalmente la propria quiete
nei meandri
dell'oscurità
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ne plus se souvenir
avancer les yeux fermés
à l'abordage
d'une terre de dénuement
terre avare et noire
prise dans les mailles du silence
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non ricordarsi più
avanzare con gli occhi chiusi
all'arrembaggio
di una terra d'indigenza
terra avara e nera
presa nelle maglie del silenzio
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la nuit elle-même
s'est fermée
à l'apaisement
si violente
est la douleur
qu'on voudrait s'éblouir
au soleil de la mort
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la notte stessa
s'è fermata nella tregua
così violento
è il dolore
che uno vorrebbe essere abbagliato
dal sole della morte
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angoisse
douleur sans attache
dont je connais
le noir parfum
accroché aux haillons
du matin en larmes
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angoscia
dolore senza fermaglio
del quale conosco
il nero profumo
appeso agli sbrendoli
del mattino in lacrime
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derrière l'inaccessible
cathédrale d'ombre
que nos mains déchirées
ont façonnée jour après jour
l'aube s'est dépouillée
de son masque de lumière
et la nuit a progressé
comme une houle incertaine
sur nos vies mutilées
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dietro l'inaccessibile
cattedrale d'ombra
che le nostre mani dilaniate
hanno foggiato giorno dopo giorno
l'alba s'è spogliata
della sua maschera di luce
e la notte è fluttuata
come un mareggio incerto
sulle nostre vite mutilate
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inventer quelles syllabes torrides
pour réchauffer ce corps
qui ne parvient plus à se dissoudre
dans les rafales de l'angoisse
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quali torride sillabe inventare
per riscaldare questo corpo
che non riesce più a dissolversi
nelle raffiche dell'angoscia
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moisson de ronces
dans l'impitoyable
soleil de midi
refus de l'offrande
tombée de ses mains
comme un faisceau
de promesses étouffées
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mietitura di spine
nell'impietoso
sole del meriggio
rifiuto dell'offerta
caduta dalle sue mani
come un fascio
di promesse soffocate
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à la recherche
de ton visage
isolé dans le sang
de l'aurore écorchée
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alla ricerca
del tuo volto
isolato nel sangue
dell'aurora scorticata
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ensevelis hors du préau
où s'enflamment les lambeaux de l'été
nous n'aurons plus qu'un ciel de boue
pour imprégner nos visages captifs
de la lourde étreinte des profondeurs
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sepolto fuori dal portico
dove s'infiammano i brandelli dell'estate
noi non avremo più che un cielo di melma
per impregnare i nostri visi prigionieri
del soffocante abbraccio delle profondità
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faites que mon corps
ne s'affole pas
à l'instant précis
où s'abattra
le couperet de l'ombre
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Extrait de : Terre de dénuement, Ed. de l'Aire, Lausanne, 1980 |
fate che il mio corpo
non si sconvolga
nell'istante preciso
in cui s'abbatterà
la mannaia dell'ombra
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Traduzione di Dubravko Pusek |
Notices biographiques
Lorsque Francis Giauque se suicide, à l'âge de trente et un ans, il est l'auteur de deux minces recueils confidentiels; son oeuvre - poèmes, lettres, proses - paraîtra peu à peu grâce en particulier à son ami de toujours, Hughes Richard, et à Georges Haldas, le confident des dernières années; c'est lui qui préfacera Terre de dénuement (1968), où se trouve rassemblé l'essentiel de l'oeuvre posthume.
Giauque (1934-1965) est né à Prêles, au-dessus de La Neuveville, où son père est facteur et buraliste postal. La maison restera le refuge du poète, qui n'achèvera pas ses études et vivra de gagne pain passagers: libraire, correcteur de nuit, collaborateur d'une saison à La Baconnière, éphémère professeur de français à l'Ecole Berlitz de Valence... Aux alentours de sa vingtième année, la certitude d'une exclusion irrémédiable s'empare de lui; une lente asphyxie intérieure commence. Sentiment de culpabilité, alcool et drogues écraseront inexorablement le poète, révolté contre la société et la psychiatrie.
[...] Le thème unique de l'oeuvre est l'incommunicabilité, l'enlisement dans un "étau du silence" dont la seule issue, désirable, est la mort; les images traduiront le calvaire comme une claustration dans un univers dur et muet, impénétrable, d'une glaciale obscurité.
(Marion Graf, in R. Francillon (dir.), Histoire de la littérature en Suisse romande, vol. 3, Lausanne, Payot, 1998.)
Dubravko Pusek est né à Zagreb en 1956. Il vit depuis plus de trente-cinq ans à Lugano, où il travaille comme rédacteur culturel à la Radio suisse italienne. Il dirige en outre la petite maison d'édition I Laghi di Plitvice, qui publie des poètes italiens et des traductions de poètes croates. Il est également l'auteur d'une oeuvre poétique, avec 14 recueils publiés à ce jour. La revue Feuxcroisés lui a consacré un dossier dans sa cinquième livraison (2003).
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