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Où se cache le poète vaudois? [ poeta valdensis celum ]

  Où se cache le poète vaudois? [ poeta valdensis celum ]
 

La littérature est une affaire sérieuse pour un pays,
elle est, au bout du compte, son visage.

Louis Aragon

J'en suis à me demander s'il ne s'agit pas d'une espèce éteinte ou en voie de l'être, dont les derniers spécimens, terrés dans leur tanière, en bloquent l'entrée au reste du monde. Peut-être les poètes forment-ils une société secrète qui se réunit dans les catacombes de Lausanne -s'il s'en trouve-, les deuxièmes dimanches du mois ou les soirs de pleine lune, se métamorphosant en bêtes hideuses et de la gueule desquels sortent des mots étranges, dans une langue inconnue? Dès le petit jour, retrouvent-ils leur forme humaine et retournent-ils à leurs vaines occupations, qui professeur d'université, qui avocate, qui ménagère, noircissant les pages d'un cahier à serrure jusqu'à la prochaine lune pleine?

La poésie implique l'ouverture, et le poète, animal social, veut clamer sa vision du monde sur la place. D'où je viens, les poèmes sont accrochés aux cordes à linge dans les parcs en été, et en hiver les bibliothèques les exposent comme des œuvres d'art. D'où je viens, le poète prend la parole à la Fête Nationale, il est non seulement écouté, mais respecté, et aimé.

Mon pays, ce n'est pas un pays, c'est un poème. Je viens du pays de Gilles Vigneault, de Gaston Miron, d'Anne Hébert, de Félix Leclerc, de Claude Beausoleil, d'Émile Nelligan, et bien d'autres encore.

Et je me demande, après une année de recherches qui tiennent de l'enquête anthropologique, que fait Lausanne de ses poètes? Pourquoi ce silence, pourquoi ce manque, pourquoi cette absence? La valeur d'une société ne se reconnaît-elle pas à la place qu'occupent ses poètes?

Jeune poète québécoise, j'habite la région depuis un an. Au Québec, il ne passait pas une semaine sans que je ne reçoive une invitation pour un lancement, une soirée littéraire, une conférence ou une lecture publique.

Depuis mon arrivée en Suisse, j'ai tenté de découvrir un groupe ou un endroit où les amoureux des mots se retrouvent. J'ai téléphoné un peu partout, visité les bibliothèques, épluché les journaux, envoyé des courriels dans lesquels j'expliquais ma recherche devenue désespérée de compatriotes. Toujours rien. Toujours ce silence et cette solitude.

Le Culturactif Suisse me donne aujourd'hui un espace, un droit de parole, un droit d'appel j'ose écrire, pour tenter encore de trouver des personnes, humaines de préférence, qui se laissent parfois bercer par les mots, et dont la plume vogue parfois sur le lac lémanesque d'un cahier ou sur les pentes neigeuses de feuilles éparses. D'autres bêtes qui comme moi ont envie d'un espace et d'une date, où leurs mots seraient écoutés et leur passion partagée.

À ces rencontres serait bienvenue toute personne qui écrit, que ce soit de la poésie ou de la prose, qu'elle ait été publiée ou non, qu'elle soit connue ou pas, mais pour qui l'écriture représente une part importante de sa vie.

Si vous entendez L'Appel, s'il vous plaît ne vous détournez pas. Je pourrais, une nuit d'hiver, aller me percher au sommet de la Cathédrale et hurler à la lune mon trop-plein de poèmes…

Chantal English
chantal.english@marmitamots.ca

 

Page créée le 03.03.03
Dernière mise à jour le 03.03.03

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