Alain Berset des Editions Heros-Limite
Alain Berset et Héros-Limite - Typographie et éditions
Alain Berset est le fondateur et l'âme d'une petite maison d'édition pas comme les autres sise à Genève. Nous lui avons demandé de nous raconter son atelier et de nous parler de ses projets. Vous pouvez retrouver Héros-Limite sur nos pages "éditeur".
Le nom Héros-Limite est emprunté au poète roumain Ghérasim Luca, mort à Paris en 1994. Donner le titre d'un de ses livres à la maison d'édition était une façon de lui rendre hommage.
Libraire de formation, je me suis beaucoup intéressé au livre illustré et à la poésie contemporaine, mais ce que je cherchais à commander en tant que libraire était souvent introuvable, épuisé ou n'était pas traduit. Le plus simple pour avoir accès à ces auteurs était donc de les éditer. Parmi eux figuraient John Cage, Eugen Gomringer ou encore Robert Lax.
C'est ainsi que j'ai monté un atelier typographique en m'inspirant de l'expérience de Guy Levi Mano, tant pour les auteurs qu'il a édités que pour la manière dont il l'a fait. La modestie et la pauvreté qui transparaissaient dans ses livres m'ont beaucoup touché. Bien qu'il publiât les surréalistes, Guy Levi Mano était avant tout influencé par l'esthétique et les mises en page du Moyen-Age. Si au départ l'atelier était un moyen d'acquérir mon indépendance, je me suis bientôt - et de façon inattendue - pris au jeux de l'imprimerie. La typo permet d'entrer dans la langue de plain-pied et de façon tangible: ici tout devient matière.
Les premiers livres édités étaient ceux d'Ulises Carrion. Né au Mexique, il étudie les lettres à Paris puis il s'établit à Amsterdam où il ouvre la première librairie-galerie exclusivement consacrée aux livres d'artiste. C'est un des seuls qui défendra une théorie et une politique du livre d'artiste. Il dit : "Le livre est une succession d'espaces. Chacun de ces espaces est perçu à un moment différent, un livre est aussi une succession d'instants. Un livre n'est pas seulement une boîte de mots.[...] Contrairement à l'idée reçue, un écrivain n'écrit pas des livres, mais des textes". Comme d'autres artistes dans les années soixante, il va s'emparer du livre comme support d'expression et comme support artistique. Il ne parle d'ailleurs jamais de livre d'artiste mais d'oeuvre-livre.
Entrer dans son univers a été particulièrement formateur. Il m'a rendu attentif aux livres que l'on dit anodins ou que l'on ne remarque pas : les ouvrages techniques et scientifiques, les codes de la route, les reliures de toutes sortes... des livres qui d'un point de vue graphique sont souvent extrêmement bien construits, car il sont réalisés sans aucun artifice.
Son travail de plasticien, à l'image d'un Robert Filiou ou d'un Marcel Broodthaers, est d'une grande densité poétique, mais Carrion y ajoute une approche facétieuse: il fabrique un livre avec trois crayons, quelques tampons, un bout de fil et des agrafes. Il fait penser à Philippe Garrel, dont le cinéma est réalisé de la façon la plus enfantine, avec tout et rien, construisant l'objet au fil du travail.
Il faut que les livres soient fabriqués dans l'effacement pour que l'idée qui régit la mise en page demeure invisible. Il s'agit de maintenir quelque chose de maladroit, un léger déséquilibre, afin de provoquer une tension ou plutôt une sorte de fraîcheur.
C'est aussi cela qui distingue le graphiste - au service de la marchandise - du typographe ou du metteur en page, qui construisent l'espace de la page et travaillent dans le retrait.
Alain Berset
Éditions Héros-Limite
Case postale 5825
1211 Genève 11
tél. 0041 (0)22 328 03 26
fax 0041 (0)22 781 36 26
editions@heros-limite.com
www.heros-limite.com
Prochaines parutions des Editions Héros-Limite
madam revue sonore 1
Vincent Barras & Jacques Demierre
gad gad vazo gadati, voicing through saussure
Parution : 20 mars 2004
Voiser à travers Saussure ? Les premières recherches de Ferdinand de Saussure, linguiste genevois de la fin du XIXe siècle, sur le système vocalique des langues indo-européennes, continuées ensuite vers une phonologie générale, le situent historiquement aux fondements de la linguistique contemporaine. Son influence dans le développement des sciences humaines fut capitale. Il existe aussi chez Saussure une dimension poétique qu'il reste à mettre à jour : la matière même de la voix, envisagée comme composante première de l'acte créatif (Saussure lui-même, dans ses recherches restées longtemps cachées - ses anagrammes - s'acharnait à trouver des correspondances sonores dans la poésie ancienne). gad gad vazo gadati, voicing through saussure reprend au mot le programme saussurien comme proposition poétique générale. Les sonorités des langues analysées dans le plus grand détail par le linguiste, sanskrit, perse ancien, gothique, lituanien, slavon, ancien français, latin, grec
ces sonorités théoriques, dont la décomposition devait aider à remonter jusqu'à la langue mère, sont retournées, agencées, recomposées en une trame poétique déployée dans ses dimensions les plus concrètes.
madam revue sonore 2
Adrien Kessler
Solo
Parution : 20 mars 2004
En quoi la forme de Solo échappe-t-elle presque entièrement à la musique ? Elle la pulvérise parce que c'est d'abord un drame. Tout est à son paroxysme. C'est une course pour courir, uniquement pour courir, et danser pour s'en sortir. Tout est réversible : tendu puis aérien, suspendu puis de nouveau à terre, acide et moite, égocentrique ou contemplatif. Enfance et vieillesse accompagnant la ligne mélodique des supplications.
" Il n'a de sol que ce qu'il faut à ses deux pieds, et de points d'appui que ce que peuvent couvrir ses deux mains ", et encore. Il s'agit plutôt d'un espace chancelant créé par la gamme des ritournelles et chansonnettes perspicaces, des niaiseries en nage. Tout est vain dans la noyade. Telle est la splendeur et la drôlerie du naufrage, de soi et du monde. Cet espace libère un lieu quasi habitable, un lieu fragile. Voilà la raison d'être de ce qui est musique : la formation d'une couche d'oxygène permettant un peu de vie. Pourtant, il faut faire des trous continuellement. Mais l'air ne fait qu'essouffler. Il y a à cela quelque chose de tragique. Se développe alors une rythmique qui n'est pas obsédante mais épuisante - enivrante aussi. C'est la phrase musicale qui est obsédante. Nerfs et cailloux, distinction pianistique, l'ensemble est d'une patine magnifiquement classique.
madam revue sonore est une revue sonore éditée par Raphaël Cuomo, Rudy Decelière, Sebastian Dicenaire et Maya White aux Editions Héros-Limite.
madam revue sonore se présente sous la forme d'un CD accompagné d'un livret.
Claude Tabarini
Le Pêcheur de haridelles
Le garnement qui aimait la cuisine rapide
Parution : le 7 mai 2004
Claude Tabarini n'a plus rien publié depuis bientôt dix ans. Pour un grand nombre de lecteurs sa voix est pourtant restée bien présente. Car à la suite de Louis-Albert Cingria, ce poète perpétue avec art le vers déambulatoire, si particulier à l'arc lémanique.
Né à Genève, Claude Tabarini partage sa vie entre l'écriture, la musique et la photographie. De la façon la plus simple, il pratique quotidiennement et à part entière l'exercice de la poésie.
Son écriture, " brindilles au vent ", est faite de choses vues et rencontrées dans la ville ou à la campagne. Ces instants et les images qu'elles suscitent sont restituées sans aucun artifice ou affectation. Le photographe dirait : aucun montage ou mise en scène, aucune intervention ni recadrage lors du tirage.
Du haïku au chorus de jazz, de la provocation dadaïste à la nature morte photographique, le principe est toujours le même : saisir et atteindre la réalité d'un moment précis en une fraction de seconde. Voici le champ ordinaire de son action!
Claude Tabarini écrit un premier livre dans les années soixante-dix. Ce recueil de poèmes est publié à compte d'auteur par un voisin imprimeur. Par la suite Georges Haldas éditera deux volumes dans la collection Le Rameau d'Or qu'il dirige aux Éditions de l'Âge d'Homme. Ces livres provoquent de nombreux échos.
Le Centre Culturel Suisse de Paris lui rend hommage en 1993, pour la parution d'Enveloppes, préfacé par Nicolas Bouvier. Cet ouvrage rassemble les chroniques mensuelles que Claude Tabarini tient dans Viva la Musica.
En 1996, le festival de la Bâtie Genève lui donne carte blanche pour Micro-cosmes au Jour le Jour, une semaine de manifestations regroupant musique, écriture et photographie.
Alexandre Friedrich
Trois divagations sur le Mont Arto
Parution : automne 2004
" Il est plus méritoire de découvrir le mystère
dans la lumière que dans l'ombre. "
L'Opérette imaginaire
Valère Novarina citant Arthur Cravan
Les Trois divagations sur le mont Arto ne sont pas le récit d'un voyage. S'il y a bien déplacement, à vélo et dans les Alpes, celui-ci est l'occasion d'une recherche. Le minuscule (un chien, un sapin, un gland, un cri, une rencontre, une minute de sommeil) est confronté aux idées pesantes qui ordonnent nos vies (liberté, responsabilité, violence). Alexandre Friedrich roule, il parle, il se mouille, il jure, il raconte qu'il a roulé, qu'il a plu et qu'il a juré - mais, est-on tenté de dire, là n'est pas la question. Le lecteur est confronté à des divagations (au sens baudelairien).
Premier constat malheureux : le contact est perdu. Avec qui ? avec quoi ? L'auteur cherche, il veut répondre. Il souhaite que le lecteur s'associe à cette recherche. Il écrit dans ce but. Le but n'est pas la prochaine épicerie, gravir un col, ou l'achat d'une maison, le but c'est : savoir. L'auteur espère renouer avec le monde. Il avoue son ignorance et son absence de morale (il pleure ces défauts en cachette), il regarde, il cherche. Voilà ce que raconte ce texte. En général tout, précisément rien. Ce livre n'a pas de sujet. Ce n'est pas " l'histoire de la rencontre d'une jeune ouvrière qui
". Les Trois divagations sur le mont Arto sont conçues comme une mécanique : un moyen pour que la pensée se mette en marche. Apparaît alors cette question fondamentale : quelle différence entre un arbre et une idée, entre un personnage de roman et l'écrivain-cycliste qui accomplit ce voyage ? Entre la fiction et le réel, quelle différence et quel rapport ?
Les trois parties des Trois divagations sur le mont Arto (" Proximités et au-delà ", " Friction chaos ", " Gouverner un arbre ") ont été écrites au cours de l'été 1999. Ce qui fut vécu cet été-là, fut aussitôt consigné dans des carnets, puis le vélo remisé dans la cave, réécrit.
Aujourd'hui Alexandre Friedrich écrit principalement pour le théâtre, ses pièces vont bientôt être publiées en France. Depuis plus de 15 ans il se dédie à l'écriture sous toutes ses formes, et travaille avec la patience et l'obstination du tailleur de pierre. C'est pourquoi nous avons à cur d'éditer ce premier livre.
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