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L'invité du mois

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  Claude Hauser : quelques données biographiques

 

Né en 1965 à Porrentruy, dans le Jura, j’ai accompli mes études de Lettres (histoire et géographie) à l’Université de Fribourg, où je travaille actuellement comme maître-assistant auprès de la Chaire d’histoire contemporaine. Mes centres d’intérêt en histoire me portent en premier lieu vers l’histoire culturelle dans l’aire francophone, mais aussi vers l’histoire politique et sociale de la Suisse, en particulier durant la Seconde Guerre mondiale.

 

  Les intellectuels et la politique

 

C’est à partir de mon mémoire de licence consacré à l’étude socio-historique des étudiants jurassiens à l’Université de Fribourg entre 1889 et 1974 que j’ai commencé à prendre goût à l’histoire des intellectuels, au moment où de nombreux travaux représentant autant d’incitations à la recherche étaient publiés en France (Jean-François Sirinelli, Christophe Charle, etc.). Cette démarche scientifique représentait aussi pour moi une façon de mieux comprendre d’où je venais et dans quel milieu j’évoluais. Dans cette optique, ma thèse consacrée Aux origines intellectuelles de la Question jurassienne (1910-1950) représentait une continuité, puisqu’elle tentait de répondre à quelques questions touchant l’origine d’événements vécus pour nombre d’entre eux lors de mes années de jeunesse à Porrentruy

Les intellectuels que j’avais pu entendre déclamer des poèmes patriotiques à la tribune des Fêtes du peuple jurassien avaient-ils également joué un rôle dans l’émergence de la Question jurassienne ? Du maître secondaire au poète, en passant par le journaliste ou le professeur d’Université, j’ai essayé de comprendre comment et pourquoi ceux-ci se sont engagés d’une manière ou d’une autre au cœur du problème jurassien. Je tenais aussi à replacer celui-ci dans une « question romande » plus vaste, en élargissant le questionnement à l’explication de la montée des nationalismes entre les deux guerres, et en mettant en évidence les nombreux réseaux politico-culturels souvent très marqués à droite qui traversaient la frontière franco-suisse durant cette période. Par la suite et en collaboration avec d’autres collègues suisses et français, j’ai pu prolonger certains aspects de ces réflexions dans des recherches comparatives qui ont notamment abouti à la publication d’un volume consacré à L’Action française et l’étranger. Usages, réseaux et représentations de la droite nationaliste française, paru l’an dernier chez L’Harmattan

 

  Pour une histoire culturelle comparée et décloisonnée

 

J’ai eu la chance d’être rapidement intégré dans un milieu de recherche durant mes études doctorales, tant à Fribourg que lors d’un séjour parisien d’une année où j’ai participé au Groupe de recherche en histoire des intellectuels animé alors, au sein de l’Institut d’histoire du temps présent, par Michel Trebitsch et Nicole Racine. Une occasion unique de rencontrer d’autres chercheurs intéressés par ces problématiques et de pouvoir bénéficier du travail en commun et des réflexions en équipe. En France — et au Québec également, j’ai pu le constater récemment — le domaine de la recherche en histoire culturelle est très dynamique et ne s’embarasse que peu de questions de chapelles ou de chasses gardées : priorité est donnée à la confrontation d’idées, aux échanges d’information et à la recherche comparative, en toute liberté. C'est un peu à cet idéal que tend le Groupe de recherche en histoire intellectuelle contemporaine (GRHIC), que plusieurs chercheurs et enseignants de toute la Suisse ont récemment constitué sous l'impulsion initiale d'Alain Clavien et de moi-même. Les adhérents du GRHIC sont motivés par une réelle volonté de faire avancer les connaissances dans ce domaine, de montrer que les intellectuels suisses existent et ont une histoire, ouverte sur les contacts avec l’extérieur (il n’y a pas de cultures nationales fermées), et enfin de décloisonner autant que faire se peut ce secteur de la recherche en progression.

 

  Le Groupe de recherche en histoire intellectuelle contemporaine (GRHIC) et ses projets

 

Qu'est-ce que le GRHIC?

Derrière cet acronyme incisif se dissimule le Groupe de recherche en histoire intellectuelle contemporaine. Actif depuis novembre 2000 grâce à l’engagement de quelques jeunes historiennes et historiens, ce groupe institué depuis deux mois aimerait favoriser la formation d'un milieu scientifique en mettant en contact les chercheurs rattachés aux diverses universités suisses qui, cantonalisme et cloisonnement disciplinaire obligent, travaillent dans le domaine de l’histoire culturelle en Suisse. Il estime que l'échange d'information, les rencontres et les discussions ne peuvent qu'être bénéfiques à l'avancement de recherches entreprises dans le cadre de mémoires de licence, de thèses de doctorat ou d'autres types de travaux.

Histoire intellectuelle, histoire culturelle, histoire des intellectuels: le GRHIC n'entend pas privilégier l'une de ces approches plutôt qu'une autre. Il ne s'agit pas de créer des chapelles, mais de fédérer un milieu déjà restreint. On peut dire de manière œcuménique que l'histoire de la production, de la diffusion et de la réception de biens culturels au sens large intéresse les adhérents du GRHIC. Ses recherches se concentrent toutefois sur les productions intellectuelles suisses et les relations culturelles de la Suisse avec l'étranger.

Pour répondre pratiquement à son ambition, le GRHIC envisage plusieurs actions. Il publie deux à trois fois l'an un bulletin de liaison qui voudrait centraliser des informations souvent dispersées pour les faire circuler dans les milieux intéressés. Le GRHIC organise des rencontres réunissant des chercheurs invités à présenter des travaux en cours ou à débattre de questions plus largement méthodologiques : ont ainsi pu s’exprimer et échanger lors de ces réunions Patrick Leuzinger à propos de Denis de Rougemont, Denis Rolland sur les tournées de Louis Jouvet en Suisse, Maike Buss autour des engagements politiques du critique littéraire Max Rychner, etc. Enfin, il lance des projets de recherche de plus grande envergure, qu’il s’agisse de colloques (sur les revues culturelles helvétiques ou les intellectuels antifascistes en Suisse entre les deux guerres — un appel à contributions est actuellement lancé dans le 4ème Bulletin du GRHIC ! ) ou la mise en chantier d’un Dictionnaire des revues culturelles suisses publié et tenu à jour sur le site internet du GRHIC : http://www.unifr.ch/grhic/66.html

Pourquoi un dictionnaire des revues culturelles suisses ?

L'importance des revues pour l'histoire intellectuelle n'est plus à dire. Les historiens suisses ne se sont pourtant jamais beaucoup intéressés à celles de leur pays, même si depuis une dizaine d'années quelques recherches ont été engagées, centrées essentiellement sur les revues de la Belle Epoque, tant romandes — la Bibliothèque Universelle, Les Feuillets, La Voile Latine, Au Foyer Romand, les Cahiers Vaudois, etc. — qu'alémaniques — Die Alpen, Wissen und Leben, Der Samstag.

Alors même qu'il reste beaucoup à faire sur ce chantier, le GRHIC propose la mise en œuvre d'un dictionnaire des revues culturelles suisses. Un peu vague, le concept de «revue culturelle» est pourtant opératoire; il permet notamment d'éliminer du champ d'enquête les revues spécialisées destinées à un public restreint d'experts et de professionnels et de privilégier le périodique généraliste, au champ d'intervention large et qui s'adresse à «l'honnête homme»…

Œuvre collective qui se construira peu à peu sur une page du site internet du GRHIC, ce dictionnaire ne prétend pas s'en tenir à un bilan des connaissances actuelles; au contraire, il aimerait être un instrument de travail «in progress», offrant un panorama de ce qui est fait et de ce qui reste à faire. Les indications disponibles sur le site offrent un modèle et donnent le ton: il ne s'agit pas de réunir ici de simples «fiches techniques» de revues, mais de rédiger un texte de synthèse qui, dans la mesure du possible, prenne en compte les aspects sociologiques, idéologiques et financiers d'une aventure revuiste. Nous comptons sur la participation de chacune et chacun à cette entreprise qui ne peut être que collective. Les personnes intéressées par ce projet peuvent prendre contact à l’adresse du GRHIC : grhic@hotmail.com

Appel à toutes et tous les intéressé(e)s

Le GRHIC ne pourra vivre et se développer que si son programme rencontre suffisamment d'échos auprès des personnes intéressées. Nous lançons ainsi un appel à toutes celles et à tous ceux qui souhaiteraient y collaborer, sous une forme ou sous une autre: adhérez au GRHIC (la cotisation annuelle est fixée à frs. 30.-, frs. 20.- pour les étudiant-e-s, et les colonnes du Bulletin du GRHIC sont ouvertes à tous les adhérent-e-s. Toute participation concrète aux activités futures du groupe sera bienvenue.

Formulaire d'adhésion

Je m'intéresse aux activités du GRHIC, souhaite recevoir son bulletin et participer à ses rencontres et colloques. J'accepte donc de remplir le formulaire suivant qui fait office de bulletin d'adhésion.

Pour s'inscrire: http://www.unifr.ch/grhic/77.html

 

  Le champ intellectuel francophone et ses richesses

 

Elargir les perspectives, comparer les expériences en histoire culturelle, tels sont quelques-uns des enrichissements que l’on peut espérer dans ce métier d’historien qui comme le disait Henri-Irénée Marrou, un auteur que j’aime bien, représente un « aspect, une partie, et un moyen de notre connaissance de l’homme. L’histoire est donc d’abord rencontre avec des hommes, rencontre d’autrui ». J’ai pu vivre concrètement cette expérience dans les dernières recherches que j’ai consacré d’une part à la personnalité et à l’œuvre d’Auguste Viatte, pionnier de la francophonie littéraire et intellectuel engagé dans son temps (1901-1993) et d’autre part, aux échanges culturels entre le Jura, la Suisse romande et le Québec au XXe siècle. Rencontre d’autrui, de mon sujet de recherche tout d’abord, à travers l’étude critique souvent pointue, mais très enrichissante, du Journal intime laissé par le professeur Auguste Viatte durant ses années d’enseignement à Québec (1932-1949) et plus particulièrement pendant la guerre. Cet homme, chrétien de conviction, s’est en effet engagé depuis le Nouveau monde dans une Résistance spirituelle aux totalitarismes nazi et fasciste aux côtés de la France libre

 

Livre : Auguste Viatte

D'un monde à l’autre… Journal d’un intellectuel jurassien au Québec (1939-1949)

Volume 1
(mars 1939-novembre 1942)
Edité et présenté par Claude Hauser

"Maître et pionnier du monde des littératures francophones"… Cet aspect de la vie d’Auguste Viatte est certainement le plus connu. Mais qui est véritablement cet intellectuel jurassien né à Porrentruy en 1901, mort à Paris en 1993, dont la carrière académique se déroule entre Paris, Québec, New York, Nancy et Zurich ? L’édition d’une partie importante de son journal intime permet pour la première fois de saisir l’étendue de son œuvre et la variété de ses activités, qui dépassèrent les cercles universitaires pour se déployer au service de la Cité.

Printemps 1933 : Hitler accède au pouvoir ; Auguste Viatte devient professeur de littérature française à l’Université Laval de Québec. Eté 1939 : la Seconde Guerre mondiale éclate ; Auguste Viatte perd son épouse Marie-Louise et entame pour sa famille la rédaction continue de ce qui devient rapidement son «journal de guerre». Comment voit-il l’évolution du conflit en Europe depuis le continent américain ? Quelles sont les motivations qui le poussent à se lancer bientôt sur la voie d’une Résistance spirituelle aux totalitarismes ? Pourquoi l’arrivée d’Elisabeth de Miribel, envoyée à Québec par le général de Gaulle pour y retourner l’opinion, accélère-t-elle l’engagement d’Auguste Viatte aux côtés de la France Libre ? Enfin, comment ce professeur concilie-t-il sa vie familiale et professionnelle avec ses choix d’homme public et de chrétien engagé ?

Telles sont quelques-unes des questions auxquelles répond, au fil des jours, le premier volume de ce journal. Penché par-dessus l’épaule de celui qui prend quotidiennement sa plume pour noter actions, rencontres et impressions, le lecteur découvrira les multiples facettes d’une personnalité qui, D’un monde à l’autre, n’a jamais perdu de vue ses origines jurassiennes.

Auguste Viatte et ses deux enfants

Le livre

- Une préface d’Yvan Lamonde, spécialiste de l’histoire des idées au Québec

- Une introduction de Claude Hauser mettant en perspective le contenu du Journal et le parcours d’Auguste Viatte jusqu’à la guerre

- Environ 550 pages de texte incluant des notes critiques basées essentiellement sur les correspondances et publications de l’auteur du Journal

- Un riche cahier d’illustrations inédites

- L’éditeur :
Communication jurassienne et européenne,
Case postale 140, 2830 Courrendlin (Jura-Suisse)

 

Rencontre d’autres hommes ensuite, chercheuses et chercheurs du Québec toujours prêts à engager le débat et à croiser leurs regards de scientifiques et de citoyens pour explorer les sociétés contemporaines de part et d’autre de l’Atlantique. Ainsi, à partir de la personnalité à multiples facettes que fut le rayonnant Auguste Viatte, Yvan Lamonde — spécialiste de l’histoire culturelle au Québec — et moi-même avons eu la chance de pouvoir réunir une vingtaine d’intellectuels intéressés à proposer des études comparatives québéco-suisses dans des domaines aussi variés que la littérature, les expériences nationalistes et religieuses, la réception de philosophes contemporains ou l’émergence des intellectuels. Regards croisés entre le Jura, la Suisse romande et le Québec, dont vous pouvez découvrir le sommaire ci-dessous, est le livre paru tout récemment, qui marque cette rencontre tenue à Porrentruy en juin 2001, et qui vise avant tout à susciter d’autres échanges scientifiques et culturels entre ces différentes régions francophones.

 

Livre : Regards croisés entre le Jura, la Suisse romande et le Québec

Sous la direction de Claude Hauser et Yvan Lamonde
Les Presses de l’Université Laval
et Office du patrimoine et de la culture
de la République et Canton du Jura
Québec et Porrentruy, 2002. 344 p.

Table des matières

Introduction,
par Claude Hauser et Yvan Lamonde

Première partie
Auguste Viatte (1901-1993), un intellectuel en son temps

Auguste Viatte et le Jura,
par François Noirjean

Les archives Viatte,
par François Noirjean

L’instrument de recherche du fonds d’archives Auguste Viatte :
une porte d’entrée sur son univers,
par Martin Lavoie

Le fonds Auguste Viatte : une source d’informations de choix sur la francophonie et la littérature,
par David Tremblay

Auguste Viatte au miroir de sa bibliothèque,
par Benoît Girard

Auguste Viatte et la littérature romantique,
par Daniel Sangsue

L’«empire cerféen» : jeux d’utopie et réorganisations fictives du réel,
par Bernadette Viatte

De la littérature coloniale à la naissance de la francophonie littéraire,
par Michel Beniamino

La contribution d’Auguste Viatte au domaine de l’histoire des littératures de langue française,
par Marie-Andrée Beaudet

Auguste Viatte et le mouvement France Libre au Québec et aux Etats-Unis durant la Seconde Guerre mondiale,
par Jean-Christian Aubry

Auguste Viatte intime? L’apport de ses «Cahiers» et de sa correspondance,
par Claude Hauser

Deuxième partie
Aspects des relations culturelles entre le Jura, la Suisse et le Québec

Littérature romande et littérature canadienne au XIXe siècle : les dessous d’une convergence,
par Daniel Maggetti

Littérature suisse romande et littérature québécoise : récits et discours fondateurs,
par Micheline Cambron

Catholicisme et société en Suisse et au Québec : deux situations historiques, deux regards d’historiens,
par Lucia Ferretti

Le catholicisme au Québec et en Suisse : parallèles étonnants,
par Urs Altermatt

Maritain, Mounier et le Québec : une tutelle éditoriale,
par Yvan Cloutier

Néo-thomistes et personnalistes d’Esprit en Suisse roomande,
par Francis Python

Regards croisés sur l’identité nationale et les mouvements indépendantistes,
par Bernard Voutat

La revendication nationale québécoise en perspective,
par François Pierre Gingras

Histoire d’intellectuels en Suisse et au Québec : convergences et divergences,
par Alain Clavien

L’Alpe et la vallée laurentienne : les intellectuels et le nationalisme en Suisse romande et au Québec au tournant du XXe siècle,
par Yvan Lamonde

Cet ouvrage peut être obtenu au prix de frs. 30.- à l’adresse suivante :
Office du patrimoine historique
Hôtel des Halles
Case postale 64
2900 Porrentruy 2
Tél. [+41 32] 465 84 00
Fax [+41 32] 465 84 99
michel.hauser@jura.ch


Page créée le 14.08.02
Dernière mise à jour le 14.08.02

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