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L'invitée du mois

L'écrivain Pascale Kramer invite la littérature francophone à prendre le chemin d'Hollywood.
Un appel à l'ouverture - qui égratigne en passant un certain nombre d'idées reçues...

  Prochain départ pour l'Amérique : mai 2003


Le 19 décembre dernier, une centaine d'éditeurs et de représentants du monde littéraire francophone, répondant à l'invitation de l'association BookToFilm, se réunissait dans le superbe hôtel particulier de la Société des Gens de Lettres à Paris 14ème. Face à eux, trois représentants du cinéma américain (la productrice indépendante Linda Goldstein, connue pour ses adaptations de livres à l'écran, dont la dernière en date vient de remporter le prix du public au Festival du film de Toronto, le producteur Michael Costigan, ancien vice président de la production chez Columbia Picture, et Richard Green, co-fondateur et dirigeant du département Livres de UTA, quatrième plus importante agence artistique aux Etats Unis) et deux avocates françaises, spécialistes du droit d'auteur : Karine Riahi et Anne-Judith Lévy. L'objet de la rencontre, on l'aura deviné, était de débattre des possibilités d'adaptations cinématographiques de livres francophones aux Etats-Unis. Et cela en vue de préparer la grande manifestation BookToFilm qui se tiendra à Los Angeles les 27 et 28 mai prochains et permettra aux éditeurs de promouvoir leurs ouvrages auprès d'un public de producteurs, de réalisateurs et d'agents.

Pourquoi aller vendre notre littérature à Hollywood ? La question m'a souvent été posée pendant l'année qui a vu naître et se concrétiser l'aventure BookToFilm. Pourquoi écrire ? pourquoi publier ? pourquoi faire la promotion des livres ? ai-je envie de rétorquer. Qu'on soit cynique ou simplement amoureux du cinéma américain, qui, soit dit en passant, en vaut bien d'autres quand il se met à avoir du talent, on n'a à mon sens que de bonnes raisons de vouloir faire entendre sa voix là où elle a le plus de chances de porter. Cela s'appelle s'ouvrir, élargir le cercle, et c'est à la fois nécessaire et urgent.

Hollywood serait commercial quand nous serions culturels. Mouais. Car vu des bancs de UCLA, des pages cinéma du Los Angeles Time, ou des soirées débats organisées par les associations de scénaristes ou réalisateurs américains, l'Europe ne paraît déjà plus si éloignée. Là-bas comme ici (mais est-ce si surprenant ?), c'est l'envie de faire valoir son talent et de défendre un point de vue artistique qui l'emporte. A mon arrivée à Los Angeles, il y a exactement un an, la presse ne parlait que de la Chambre du fils de Nanni Moretti, Monster's Ball, de Marc Forster, film très critique contre la peine de mort, ou In the Bedroom, film sublime et dérangeant de Todd Field sur le thème de se faire justice soi-même. Oui mais ce sont là des exceptions et des intellectuels ? Et alors ? S'il s'agit d'établir un pont, autant le construire là où le fossé est le moins large, la troupe passera, et elle sera bien accueillie. Car curieusement, alors qu'il nous fallait nous battre, Nicolas Couchepin et moi-même, pour entraîner les éditeurs français, suisses et belges à aller coloniser l'Amérique, l'Amérique, elle, nous invitait cordialement à passer à l'attaque.

Mais alors, comment expliquer que les seuls livres français ayant fait carrière à Hollywood que l'on puisse citer de mémoire se limitent à La Planète des Singes et Si c'était vrai de Marc Lévy ? Pour plein de mauvaises raisons serais-je tentée de dire. Parce que la cité des anges est à 12 heures de vol et que rares sont ceux qui ont fait l'effort de se rendre sur place avec des livres sous le bras. Parce qu'il y a un temps pour tout, et que l'intérêt pour l'adaptation cinématographique (Cf. le Forum de l'adaptation audiovisuel de Monaco) est plutôt récent. Enfin, parce que les rares expériences américaines faites par les éditeurs jusqu'à ce jour ont plutôt contribué à tanner la peau des idées reçues, pourtant déjà coriace.

L'objectif premier de la réunion du 19 décembre était donc, dans un premier temps, de faire le tri entre les vrais obstacles et les faux prétextes. La sincérité des trois américains présents, leur professionnalisme et leur désir de convaincre ont largement contribué à nuancer l'image d'arrogance qui colle à Hollywood. Pour ce qui est des pratiques, commerciales notamment, là encore, l'obstacle est plus dans la forme que dans le fond. Il a beaucoup été question de notre "droit moral", garant du respect de l'oeuvre et de l'auteur, qui n'existe pas dans la législation américaine. Ou du proiblème de la durée des cessions de droits (comment récupérer les droits audiovisuels d'un livre si l'acquéreur américain n'en fait rien ?), bref de tout ce qui hante les mauvais souvenirs des éditeurs qui se sont frottés à aux studios américains jusqu'à présent. Si toutes ces questions n'ont pu être résolues en un jour, la réunion du 19 décembre aura au moins posé le principe d'envie réciproque à partir duquel on peut commencer à rêver, et trouver des solutions. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Si Hollywood s'intéresse à notre littérature, c'est que le manque d'idées se fait cruellement sentir, même là où on a de quoi se les offrir. Et si les éditeurs français, suisses et belges ont répondu nombreux à l'invitation BookToFilm, c'est que leurs auteurs sont tentés par la notoriété et l'argent qu'une adaptation suppose.

 

  Appel aux lecteurs

Il aura fallu de l'énergie et de la conviction pour arriver à rapprocher ces deux mondes le 19 décembre dernier à Paris. Il nous en faudra encore pour faire comprendre aux éditeurs que la rencontre qui se tiendra en mai prochain à Los Angeles est une toute première occasion de créer l'événement à Hollywood autour de la littérature francophone et qu'il faut s'y rendre nombreux. Aujourd'hui les liens entre BookToFilm et le milieu de la production américaine existent. La manifestation a été annoncée dans l'incontournable magazine Variety ; il est répertoriée dans les non moins incontournables Hollywood Creative Directories. Reste à réunir les fonds, à convaincre au moins une bonne trentaine d'éditeurs de faire le voyage à Los Angeles, et aussi, à établir la liste des 200 à 300 titres francophones qui convaincront Hollywood de l'intérêt de notre visite. Ce dernier point n'est pas des moindres, et je profite de l'occasion qui m'est donnée (merci culturactif.ch) pour faire appel à votre mémoire. La leçon la plus importante que je retiens de la réunion du 19 décembre est la suivante : un livre adaptable au cinéma n'est ni plus ni moins qu'un bon livre, avec une histoire simple et forte, des personnages qu'on n'oublie pas. Je vous invite aujourd'hui à essayer de vous souvenir des quelques titres lus ces dix dernières années qui vous ont laissé une trace profonde, et de nous en communiquer la liste (pascale.kramer@book-to-film.com ou hayet.ennabli@book-to-film.com). Si culturactif nous le permet, nous reprendrons la parole sur le site pour vous informer du résultat de cette collecte et du prochain départ pour l'Amérique.

Page créée le 06.01.03
Dernière mise à jour le 10.01.03

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