Voici un texte produit lors
dun atelier qui a eu lieu en automne 2001
Monologue intérieur
Les forsythias, ce printemps, ils me
sortent par les oreilles. Ils mécoeurent. Cest
quoi ? Cest trop jaune, trop dense ? Ils manquent de
transparence. Depuis un temps, je pense
un jardin, ce nest jamais parfait,
cest douloureux
Pas trop mouillée, la terre.
Elle seffrite bien maintenant. Cest plus facile
aujourdhui que lannée passée. Dire
quon a signé le contrat de location pour trois
ans en ayant vu la maison dans le brouillard. Cest bête.
Cétait juste. Jai déjà entendu
les alouettes cette année ?
Je vais avancer de combien ?
Pourquoi un jour on sentend dire
« Je nai envie de plus rien » ? Et puis
encore, jai entendu « Il ny a que moi qui
attend ». Je suis alors une brute. Je suis un forsythia.
Mince, un caillou. Je dois prendre
ma bêche sous un autre angle. Cette journée aussi,
jaimerais bien la prendre autrement. Les bons sauvages
qui courent après les Maures sur les tapisseries, leurs
arcs bandés, les flèches qui sont des fleurs.
Les Maures avaient bien peur.
Pourquoi tout vous échappe,
dun coup ? Echappe ? Jétais propriétaire
de quelque chose. Garant. Je suis garant de quoi ? Cette pierre
! Attends, plus à gauche. Je fatigue. Jai envie
de crier. Un cri que personne nentend, cest exactement
comme cela. Je vais me détendre. Les mains dans la
terre, cest comme les dames du studio Palmolive. Le
jardin méchappe, il pourrait basculer. Jaimerais
un ensemble parfait. Je ne vois que de petits éclairs.
Et nous ? Heureusement, le violon pincé, vif, du trio
de Brahms, quand je descends te voir en voiture. Encore trois
sillons. La terre me file distraitement. Elle est déjà
chaude. Jai chaud, mais jai froid. Ce sont ceux
qui ont la camisole hors du pantalon qui auront des problèmes
de reins. Ma camisole a dû se liquéfier dans
le jardin. Cest vrai quelle est mouillée.
Je men veux, alors. Je men veux de quoi ? Je nai
pas les mots pour savoir de quoi je men veux. Cest
un peu facile je crois de penser quon ne trouve pas
les mots. Ce nest pas une question de mots. Ce nest
pas une forme non plus. Je déteste les gens qui ont
un regard mièvre sur les plantes, les plantes cest
joli. Ils ne comprennent rien. Pourquoi Caïn ne brûlait
que ses légumes les plus laids ? Que des vieux trognons.
Cest pour ça que tu ne mentends pas ? Quand
je sème, quand je repique, je marrête,
jattends. Je sais attendre jusquà ce que
les salades pomment. Et je ne sais pas tattendre, tattendre
ou tentendre.
Je marrête. Il ne me reste
plus qun sillon. Jai étalé mes outils
tout autour de moi. Il ne faudra pas oublier de tous les rassembler.
Le persil repart. Cest un peu timide.
© Xavier Allemann
Page créée le 28.03.02
Dernière mise à jour le 28.03.02
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