Mary Anna Barbey

Biographie

Mary Anna Barbey, écrivain de langue française, est née aux Etats-Unis en 1936. Après des études de philosophie, elle a épousé un pasteur vaudois et vit en Suisse depuis quarante ans. Elle est aujourd'hui veuve, mère de trois enfants et grand-mère.

Mary Anna Barbey a travaillé dans le journalisme (radio, presse écrite) tout en s'occupant de formation dans le domaine du planning familial. Actuellement, elle consacre son temps principalement aux Ateliers d'écriture qu'elle a créés il y a bientôt vingt ans. De nombreux ateliers ont lieu chaque année sous sa direction, à Lausanne et en France. Les ateliers sont ouverts à tous.

Mary Anna Barbey dirige, également aux Editions Zoé. une nouvelle collection intitulée "Vies humaines".
Elle travaille actuellement sur un roman.

 

Bibliographie

Eros en Helvétie, éditions B. Galland, 1981
Nous étions deux coureurs de fond, éditions Zoé, 1985
Ma voix ou celle d'Echo, éditions Zoé, 1992

Témoignages:

1939-45: les femmes et la Mob, éditions Zoé, 1989
Femmes, corps et âmes, avec Lucie Allaman, éditions Zoé, 1997.

 

Réflexion

FEMMES ET ECRITURE .
DE PETITES CHOSES... PAS TOUJOURS PETITES

A propos d'une jeune femme qui vient de publier son premier roman, Virginia Woolf écrit (en 1929) que celle-ci "projette sa lumière sur les petites choses et permet ainsi de voir qu'après tout elles ne sont peut-être pas si petites".

Bien entendu, les femmes n'ont pas attendu le feu vert de Virginia Woolf pour prendre la plume. Cependant, l'arrivée sur la scène littéraire des "petites choses" du monde féminin est, sans conteste, une affaire de ce siècle... à écrire.

Ecritures réalistes

En atelier d'écriture, où les femmes sont majoritaires, ce penchant pour les "petites choses" se confirme: elles choisissent presque toujours (du moins au début) de raconter ce qui, traditionnellement, se rapporte au domaine féminin, adoptant pour cela les formes "réalistes" que sont la chronique familiale, le souvenir d'enfance, le récit de vie ou le témoignage. Ce choix reflète non seulement les activités concrètes des femmes mais encore les valeurs qui sont les leurs: l'importance du patrimoine et de la mémoire; l'intérêt pour la transmission des expériences personnelles; la solidarité dans l'épreuve.

Les récits qui naissent ainsi, truffés de réminiscences et de sensibilité, sont, la plupart du temps, très appréciés du petit public réuni en atelier. N'empêche... il m'arrive parfois de regretter que les femmes ne se lancent pas plus souvent, plus hardiment, dans des entreprises imaginaires à l'instar de leurs collègues masculins (voir encadré)!

Y aurait-il donc vraiment une écriture féminine? Une spécificité - ou une résistance - liée au sexe? Je veux croire que non, rejoignant énergiquement en cela notre Virginia lorsqu'elle déclare, dans le même texte, qu'il est "néfaste pour celui qui veut écrire de penser à son sexe."

Cela dit, il est vrai que la réalisation d'une oeuvre de fiction exige des conditions qui ne sont pas toujours compatibles avec une vie de femme telle qu'elle s'inscrit, notamment, dans le temps. I1 en faut, de longues plages de vide et de rêverie pour que naissent personnages, ambiances, intrigue! D'autres plages encore pour la recherche de documents, pour les vérifications méticuleuses qui s'imposent à mesure que le récit évolue, pour la correction, pour la relecture. Du temps et encore du temps, jusqu'à ce que l'oeuvre se façonne et se polisse et se livre enfin au regard d'autrui.

Or, ce temps-là, cette disponibilité non seulement quantitative mais en continuité, n'est pas ce qui caractérise, au premier chef, la vie des femmes.

L 'abandon de soi

De plus, il n'est pas rare que les femmes connaissent des entraves à la création qui soient d'ordre psychologique, ou psycho-familial, obstacles que rencontrent moins, beaucoup moins, les hommes.

Par exemple... Dans son journal intime, Giono avoue ceci: "je ne suis pas rasé depuis cinq jours, ni lavé, ni habillé (training) mais depuis il y a vingt pages de plus..." Je crois que peu de femmes parviendront, avec autant de sang-froid, à consentir un tel abandon de soi -et d'autrui. Sans compter qu'elles n'ont pas souvent, à leurs côtés, une "Madame Giono" vouée à l'intendance...

Plus fondamentalement encore, je soupçonne les femmes de considérer qu'un temps consacré à "inventer" sera du temps perdu. Lire des romans, c'est une évasion "utile", qui rend la vie plus légère et le monde plus vaste. Mais en écrire...

Les femmes le savent: c'est, alors, un travail immense, et solitaire, qui les attend. Travail qui, comme tout ce qui s’approche de l"Art", n'aura d'autre justification que lui-même. Giono termine d'ailleurs la phrase citée ci-dessus en affirmant que les vingt pages de la semaine constituent "ce que j'ai écrit de plus pur, de plus utile, de plus beau sûrement". Peut-on imaginer une femme écrivant une phrase pareille? Portant un regard si solennel, si valorisant sur son travail d'artiste? Si oui, elle sera l'exception qui confirme la règle.

Quelques-unes, néanmoins, s'y lancent, en atelier d'écriture comme dans la vie. Elles vont souvent opter pour les formes brèves - nouvelles, fragments - qui, pensent-elles, conviendront mieux à leur vie elle-même fragmentée. D'autres fois, elles tenteront de trouver un compromis entre réalité et fiction, à travers "l'autobiographie déguisée" - entreprise périlleuse, cependant, puisque l'oeuvre imaginaire, par définition, requiert qu'à un moment donné l'auteur(e) accepte de lâcher la réalité. Enfin, un petit nombre s'attaquera, malgré les difficultés, au roman.

Faut-il le rappeler? Que l'auteur-e soit homme ou femme, la finalité de l'écrit est d'être lu. Par des lecteurs des deux sexes et, si possible,... comme un roman!

*Virginia Woolf, Une chambre à soi, Editions Gonthier, 1951 (pour la traduction française).

 

Motivations : L'Atelier d'écriture, hommes et femmes

La plupart des femmes présentes expriment, au début d'un atelier d'écriture, leur désir de trouver, en écrivant, un mode d'expression. Mais pourquoi l'écriture? Beaucoup invoquent un goût développé, une passion même, pour la lecture. D'autre part, l'écriture leur paraît infiniment plus accessible que la musique, la peinture... Et puis, on peut la prendre partout avec soi! Autant de motivations à la fois fortes et pratiques.

En général, les femmes manifestent également une certaine curiosité: elles "viennent voir" sans trop savoir ce qui les attend (démarche plutôt rare chez les hommes). Quelques-unes ont un projet littéraire en tête mais, si tant est qu'elles caressent l'idée d'une publication, elles ne le claironnent pas. De fait, l'écoute et les échanges qu'offre l'atelier d'écriture satisfont en grande partie leur désir d'être entendues.

Les hommes, en revanche, ont souvent un projet d'écriture déjà précis en vue et ne rechignent pas à évoquer la possibilité d'une publication. Ils abordent plus facilement que les femmes le monde de la fiction et montrent même une nette préférence pour ce mode d'écriture. L'écriture personnelle représente souvent, pour eux, un attentat à la pudeur!

Un des buts de l'atelier d'écriture est de faire en sorte que chaque sexe découvre, s'approprie même, les goûts et les compétences de l'autre. Car, comme l'écrivait notre Virginia, encore elle: "L'art de la création demande pour s'accomplir qu'ait lieu dans l'esprit une certaine collaboration entre la femme et l'homme.

L'atelier d'écriture s'emploie à ce que se réalise, en chacun-e, cette rencontre-là.

Ce texte paraîtra dans la revue "Approches", de la Fédération suisse des femmes protestantes,
no 173, juin 1998.

Celles et ceux qui s'intéressent aux Ateliers d'Ecriture peuvent contacter Mary Anna Barbey à l'adresse ci-dessous

Mary Anna Barbey
Chemin de la Dranse 11
1004 Lausanne
tel/fax 021 647 74 79
maryanna.barbey@bluewin.ch