Hans Ulrich Probst
responsable de la littérature auprès de la radio DRS2, membre du jury du Schweizer Buchpreis
Entretien avec Hans Ulrich Probst (par Francesco Biamonte)
Le choix des finalistes de l'édition 2009 présente un mélange intéressant. Comment en êtes-vous arrivés à cette sélection très inhomogène ? Est-ce là le fruit d'une intention ou d'un certain embarras.
Ni l'un ni l'autre. C'est l'expression de la grande diversité de la littérature suisse de langue allemande, et bien sûr aussi un effet du hasard, le prix s'adressant chaque année à ce qui a paru pendant une période de douze mois précisément.
Comment le jury est-il constitué? Qu'est-ce qu'un bon jury selon vous?
Ce sont les organisateurs du prix qui nomment le jury – concrètement, c'est Egon Ammann. Comme le Schweizer Buchpreis se conçoit comme un prix littéraire, on a donné beaucoup d'importance, dans le choix des membres du jury, à l'indépendance, à la compétence professionnelle et à la connaissance de la littérature suisse des dernières années. On a en outre choisi des personnes venant de différents médias et de différentes régions, et on a aussi veillé à ce que les membres du jury aient des personnalités différentes. Il ne m'appartient pas de juger de la qualité de ce jury, mais si je devais en constituer un, je m'y prendrais de la même manière qu'Egon Ammann.
Comment arrive-t-on à la liste des nominés ?
Chaque éditeur peut présenter au maximum deux titres. Le jury peut en outre, s'il le souhaite, ajouter à cette sélection des livres qui remplissent les conditions de participation. On en est arrivé ainsi à plus de 60 livres. Tous ces titres sont lus par un membre du jury au moins. Sur la base de cette lecture, le jury détermine quel livres doivent être lus par tous – environ 20 titres atteignent ce stade la compétition. Ensuite de quoi, e jury tient une séance dont l'objectif est de déterminer quels seront les livres nominés. A cette oiccasion, les 20 ouvrages retenus sont tous débattus, et l'on constitue une « long list » de 10 à 12 titres, qui est discutée à son tour ; ensuite de quoi on passe au vote pour établir la « short list », mais en dernier ressort, ce choix est en fait le fruit d'un consensus.
Le Schweizer Buchpreis a été critiqué dans la Suisse latine: en choisissant de s'en tenir aux livres de langue allemande, ce prix a d'une certaine façon usurpé la dimension nationale que son nom revendique. Les organisateurs du prix discutent-t-ils encore de cet aspect, ou ce choix doit-il être considéré définitif? Comprenez-vous l'agacement des latins, ou vous semble-t-il hors de propos?
C'est évidemment aux organisateurs qu'il faudrait poser la question. De mon point de vue, il serait souhaitable qu'il y ait des initiatives similaires dans les autres régions, un « Prix du livre » et un « Premio del libro », ou alors un tournus sur deux ou trois ans. Incloure les différentes langues dans un même prix me semble irréalisable : cela conduirait à des logiques de quotas, ou à comparer des pommes avec des poires… C'est pourquoi je ne comprends pas bien l'agacement dont vous parlez : ils sont libres de prendre des initiatives.
Le Schweizer Buchpreis est en vérité un prix de prose. Pourquoi la poésie ou d'autres formes n'entrent-elles pas dans la compétition?
Le Prix se déclare ouvertement comme un prix de prose. A la différence du Buchpreis allemand [duquel le Schweizer Buchpreis s'inspire manifestement, ndlr ], qui prime le meilleur roman allemand de l'année, tout les genres de prose sont ici pris en considération. Mehr Meer , qui a remporté le prix, n'est pas un roman. Comparer des ouvrages en prose et des livres de poésie, concrètement, fonctionne mal.
Le Prix est doté de 50'000 francs suisses. N'y a-t-il pas là le risque d'une somme trop élevée pour la production d'une année, ou pour le dire autrement : se trouve-t-il chaque année un livre qui vaille une telle récompense ?
50'000 francs correspondent grosso modo à une bourse de travail pour une année de Pro Helvetia. Ça n'est pas si immense que cela, de nos jours. Je suis persuadé qu'il se trouvera chaque année un livre qui mérite cette somme. Dans les deux années qu'a connues le prix, il s'est trouvé plusieurs livres qui auraient parfaitement mérité le prix – mais un seul pouvait l'emporter !
Certains observateurs estiment que le Schweizer Buchpreis est moins un prix littéraire qu'un instrument promotionnel. Que répondez-vous?
La dimension de publicité et de marketing est souhaitée par la SBVV [association des libraires et éditeurs alémaniques, principale organisatrice du prix, ndlr ], et c'est justement pour cela que l'indépendance et la compétence littéraire du jury sont essentielles. Cela évite que le prix ne soit attribué au livre le plus vendable plutôt qu'au meilleur.
Propos recueillis par Francesco Biamonte
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