Jaccottet, première lecture à Paris

Pour la première fois à Paris, Philippe Jaccottet vient lire ses poèmes en public, au Centre culturel suisse, le 2 février. L'événement est d'importance. Cet auteur suisse, traducteur de Rilke et de Leopardi, installé dans le sud de la France depuis l'après-guerre, vit dans une discrétion telle que ses apparitions publiques sont extrêmement rares. Aujourd'hui, l'auteur de Paysages avec figures absentes et de Pensées sous les nuages est un homme souriant de soixante-quinze ans.

Avec pudeur et émotion, il explique combien le temps qui passe a fait évoluer son travail: « C'est assez contradictoire. Je ne peux pas faire état d'une sorte de progression intérieure ou intellectuelle qui m'aurait mené, à l'âge que j'ai, à une sérénité plus forte qu'avant. Je dirais que c'est plutôt le contraire : les textes que je vais publier ce printemps témoignent plutôt d'un désarroi grandissant. Il y a une certaine discordance entre des moments d'émerveillement, qui ont nourri beaucoup de mes livres, et des moments de révolte contre la dureté des deuils qui ont pu me frapper ces dernières années. Je ressens une incompréhension croissante de ce que nous sommes dans le monde. Mais, s'il y a progression, c'est peut-être vers une simplicité plus grande de l'expression, parce que je tiens beaucoup à être honnête avec ce que je ressens. »

Trois nouveaux ouvrages seront disponibles en librairie au printemps : un troisième volume de La Semaison, chez Gallimard, un petit ensemble de textes sur la mort, Notes du ravin chez Fata Morgana, ainsi qu'un recueil de prose et poésie, Et, néanmoins, dans lequel, selon Philippe Jaccottet, on retrouvera l'esprit d'Après beaucoup d'années (Gallimard), dans une tonalité plus sombre. En février, un ouvrage collectif sur le poète paraîtra aux éditions du Temps qu'il fait.

La manifestation du Centre culturel suisse met en relation l'oeuvre des époux Jaccottet en proposant une exposition d'aquarelles et pastels d'Anne-Marie Jaccottet-Haesler, intitulée « Inventaire d'une campagne fruitée ». Le poète, qui parle avec beaucoup d'admiration de l'oeuvre de sa femme, explique « Il s'agit, depuis bientôt un demi-siècle, d'un long compagnonnage entre elle et moi. Il existe, dans notre travail, des affinités profondes. Il y a dans mes livres nombre de pages qui reflètent un peu le même émerveillement, la même surprise devant la nature. »

Dans une première partie, Philippe Jaccottet lira de courts poèmes tirés d'Airs, un recueil publié en 1967. Ensuite, il présentera des textes en prose plus récents, choisis dans Après beaucoup d'années: « Ces derniers textes montrent comment, quand on ne reçoit pas la grâce du poème immédiat comme c'était le cas au moment d'Airs, on essaie de cheminer pour la retrouver à travers la prose. »

Sylvie Tanette

* « Inventaire d'une campagne fruitée », aquarelles, pastels et crayons d'Anne-Marie Jaccottet-Haesler, jusqu'au 18 février. Lecture de Philippe Jaccottet, vendredi 2 février à 20 h 30. Réservation au 01-42-71-38-38. Centre culturel suisse, 38, rue des Francs-bourgeois, 75003 Paris.



26 janvier 2001