Michel Layaz
La Joyeuse Complainte de l'idiot, Editions
Zoé, 2004
Retrouvez également
Michel Layaz
dans nos pages consacrées aux
auteurs de Suisse.
Michel Layaz/
La Joyeuse Complainte de l'idiot |
ISBN 2-88182-501-X
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La Joyeuse Complainte de l'idiot
est le récit d'un internat peu ordinaire où
vivent des adolescents encore moins ordinaires. En
effet, La Demeure accueille de jeunes garçons
dont l'intelligence décalée n'a pu s'accommoder
du monde environnant. Racontée par l'un de
ses membres, cette communauté tire force et
originalité de son impérieuse présidente-directrice
générale, Madame Vivianne.
«Il ne faut pas croire
que les gens qui vivent à La Demeure sont des
demeu- rés, ou des prisonniers, ou des délinquants,
ou des fous, ou des brigands, ou de la mauvaise graine,
ils sont seulement un peu de tout cela, et il serait
vain de les réduire à quelques tours
de passe-formules.
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Il y a en nous des splendeurs
qu'il faut peut-être aller chercher, des splendeurs
enfouies sous des couches de désarroi, de tourments,
de méchancetés, de désespoir,
d'obstination, d'errances, de mauvaises routes, de
mauvais choix, autant de dérives qui ne sauraient
effacer la bonne pâte qui existe derrière
tout cela et qui ne demande qu'à être
pétrie. »
Michel
Layaz vit à Lausanne et à Paris.
Aujourd'hui, il est considéré en Suisse
comme un des romanciers les plus importants de sa
génération. Après le succès
des Lannes de ma mère, ce nouveau roman est
une preuve de la singularité et de la clarté
de sa voix.
La
Joyeuse Complainte de l'idiot, Editions Zoé,
2004
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Article
de Jean-Louis Kuffer / 24 Heures |
L'utopie à demeure
LITTÉRATURE On se régale
à la lecture de La joyeuse complainte de l'idiot,
nouveau livre ludique et foisonnant du Lausannois Michel
Layaz.
C'est toujours un bonheur que de
voir un écrivain s'épanouir, et le sixième
roman du Lausannois Michel Layaz, La joyeuse complainte
de l'idiot, nous vaut ce plaisir autant pour l'originalité
de sa vision - apparemment dégagée de tout
réalisme et renvoyant cependant à notre monde
avec une verve critique réjouissante - que pour l'éclat
et les chatoiements de son écriture, jamais aussi
libre et inventive qu'en ces pages. Rappelant la douce dinguerie
hyperlucide d'un Robert Walser, et d'abord parce qu'il se
passe dans un « débarras à enfants »
assez semblable au fameux Institut Benjamenta du génial
Alémanique, ce roman évoque également
la figure tutélaire de Cendrars par ses dérives
épiques, le goût du conte qui s'y déploie
et sa faconde verbale.
Si le pensionnat pour jeunes gens
fait partie d'une certaine mythologie littéraire
helvétique (songeons à celui des Années
bienheureuses du châtiment de Fleur Jaeggy, ou au
Waldfried de L'Eté des Sept-Dormants nourrissant
les rêveries pédérastiques de Jacques
Mercanton), c'est plutôt en une abbaye de Thélème
à la Rabelais que nous introduit le narrateur candide
de La joyeuse complainte de l'idiot, qui se fera le chroniqueur
de l'institution dirigée par Madame Vivianne (avec
deux n, comme ses deux opulents nénés), mélange
de déesse originelle et de mère adoptive aux
méthodes éducatives peu conventionnelles.
En ce lieu est réunie une
quarantaine de garçons qui sont tous « fondamentalement
des êtres de bonne pâte », que Madame
Vivianne et ses collaborateurs pétrissent à
leur façon pour les délivrer, notamment, du
« bât de la sottise » et du « piquet
de la fadeur » autant que du « râtelier
de l'insignifiance ». Sans s'attarder sur ses condisciples,
à l'exception d'un David impatient de refaire le
monde et d'un doux Raphaël goûtant aux choses
et aux gens en les léchant avec une très innocente
volupté, notre chroniqueur détaille en revanche
les employés nombreux de la maison, tous liés
entre eux par une sorte de complicité tribale. Il
y a là Josette, la réceptionniste à
« croupe vivace », vissée à sa
chaise sur laquelle elle « toupillonne » à
l'occasion en la saillante compagnie de Monsieur Hadrien,
le jardinier ; le professeur Karl aux préceptes humanistes
aussi peu maculés d'inculture que ses blanches chemises
; un Monsieur Guillaume qui a roulé sa bosse et n'en
finit pas de le raconter ; deux jumelles cuisinières
bien en chair et dont la chère prouve aux garçons
qu'on peut « toucher l'éternité »
dès ici-bas ; enfin l'étonnant docteur Félix
grâce auquel le complexe d'dipe devrait se solutionner,
puisqu'en la ville idéale qu'il rêve de fonder
la procréation sera interdite aux mâles de
moins de 85 ans et qu'on préservera l'enfant en bas
âge de l'amour étouffant de sa mère.
Poétique et libertaire
De même que le nom de La Demeure
est une antiphrase, puisque nul n'y reste, son statut «
inversé » fait figure de fiction libertaire,
alors que les murs de ses salles d'eau conservent encore
le souvenir des clameurs des anciens « détraqués
profonds » qu'on y bouclait jadis. Quand il se rend
en ville avec Raphaël, le narrateur y est moqué
par les jeunes gens « normaux » dont l'obsession
consiste essentiellement à surveiller le «
cours du Nasdaq » en sorte de faire fortune avant
la trentaine ; mais l'utopie est allègrement vécue
par la joyeuse bande, qui trouvera finalement la manière
la plus poétique de sauver La Demeure au moment où
le fils vénal du proprio défunté menacera
de la vendre au plus offrant.
Ainsi, sous couvert d'enjouement
et de fantaisie plus ou moins extravagante (parfois un peu
appuyée à notre goût), le narrateur
module-t-il tout un discours critique, voire satirique (notamment
contre un journaliste fat à souhait, bien fait pour
lui), moins innocent qu'il n'y paraît, qui marque
les arêtes de cette espèce de fable hirsute.
Pour la bonne bouche, signalons enfin
que Michel Layaz publie, simultanément, trois brefs
textes étincelants sous le titre du Nom des pères,
dont le titre du premier, Le Ciel à la marelle, annonce
la couleur ...
Michel Layaz: La joyeuse complainte
de l'idiot, Zoé, 155 pp.
Le nom des pères, Mini-Zoé, 47 pp.
Jean-Louis Kuffer
23.03.2004
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Extrait
de presse |
Michel Layaz entre décalage
et dérapages verbaux
Comme les mets, les mots sont ici
à la fête, dans une célébration
de tout ce qui échappe à l'ennui de la ligne
droite, au trop de clarté, à l'absence de
divagation, au temps gagné qu'on ferait mieux de
perdre... Avec «fougue et faste verbal», sans
craindre les répétitions et surtout les allitérations,
[...]. Ni les jeux de mots: «nu, nul, nummulite»
ou «se dédier des odes, se délier des
codes».
Offerts généreusement
en partage par un romancier plein de vitalité, ces
clins d'oeil langagiers sont plus qu'un effet de style:
une manière, comme le souligne Guy Ducrey dans son
excellente postface au Nom des pères, de faire jouer
la logique du langage poétique contre celle de la
narration. Cela vaut pour l'oeuvre tout entière,
mais particulièrement pour ces trois récits
énigmatiques. Avec vigueur et concision, ils évoquent
un voyage de cauchemar en train, un assassinat gratuit,
l'histoire mystérieuse d'une lignée familiale
vaudoise de 1810 à nos jours. Cette dernière,
qui donne son titre au recueil, traite du thème cher
à l'auteur de l'incompréhension des pères
envers leurs enfants - à propos de quoi La Joyeuse
complainte... affirme de son côté que la cause
est entendue. Sans que le climat du roman en soit négativement
affecté, au contraire: tout y finit bien dans le
meilleur des mondes fictifs possible!
Michel Layaz, La Joyeuse Complainte
de l'idiot, Zoé, 156 p.
Le Nom des pères et autres récits, Postface
de Guy Ducrey, Minizoé, 48 p.
Isabelle Martin
20 mars 2004
Page créée le: 02.04.04
Dernière mise à jour le 06.04.04
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