Michel Layaz
Deux sœurs, Genève, Zoé, 2011, 144 pages.
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Michel Layaz / Deux sœurs |
Leur père est hospitalisé dans un hôpital psychiatrique, les phrases sortent de plus en plus difficilement de sa bouche, leur mère, elle, est partie à New York vivre avec un politicien, les deux sœurs aiment père et mère ainsi.
Non, les événements douloureux n'ont pas prise sur les deux soeurs, puisque des rubans de lumière tournent autour d'elles. Les deux soeurs ? des agitatrices sauvages, justicières rebelles et dotées d'une grâce presque magique. Elles vivent seules dans une maison avec un grand arbre, des coquilles d'escargots, une corneille qui s'apprête à mourir, un amoureux qu'elles autorisent à venir jouer avec elles et une assistante sociale dont le rôle est de plus en plus mince.
Elles vivent sur un rythme rapide, léger, malicieux, parfois même endiablé, dans une sorte d'allégresse musicale. Si l'ironie est légère, Deux sœurs épingle un monde « plein d'hyènes aux dents longues et opiniâtres qui se répartissent la horde de lièvres ». Plus que jamais, les mots sont chez Michel Layaz matière à tous les jeux, de sons, de sens, de mots.
Deux sœurs, Genève, Zoé, 2011, 144 pages.
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Critique, par Marion Rosselet |
In breve in italiano
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Kurz und deutschLe dixième roman de Michel Layaz débute sur une scène saisissante : « Un cri qui a duré presque trois minutes, un cri magnifique qui a stoppé la marche de toutes les machines ». Ce cri est celui du père des deux sœurs. Hurlé à l'oreille de son chef, il lui a crevé le tympan et a envoyé son auteur tout droit à l'hôpital psychiatrique. La mère, quant à elle, est partie en Amérique vivre une histoire d'amour avec un politicien. Par décision du juge, les deux sœurs vivront seules dans la grande maison, entourées du jardin sauvage où trône un tilleul.
Dans ce lieu idyllique, elles jouent aux marionnettes avec des squelettes de chat et de chien, hurlent des jurons les seins à l'air en sautant sur des fauteuils et donnent l'ordre à leur amoureux de briser un miroir. Leurs sens aiguisés sont comme des vases communicants : l'air a un goût, les odeurs évoquent des images, les voix rappellent une texture. Ainsi, de l'assistance sociale qui vient les visiter, les deux sœurs écoutent les modulations sonores : « sa voix a d'abord la douceur des fougères, le velouté d'une jeune pousse, puis sa voix change de registre, elle casse les roseaux, tronçonne les arbres, puis sa voix redevient tendre, ailes de papillon, coussinets sous les pattes du chat. »
Un livre, offert aux jeunes filles par un écrivain – personnage du roman – qui souhaite les prendre pour sujet, est lui aussi appréhendé d'une façon insolite : « Les deux sœurs tournent le livre sens dessus dessous, elles plantent leur nez entre les pages, elles le lancent huit fois en l'air, elles le font tenir entre leurs tempes, elles lèchent la couverture, elles le maintiennent en équilibre sur le bout de leurs doigts, elles écoutent le bruit des pages feuilletées à toute allure, elles le frappent du poing, elles le griffent, elles le caressent, elles le chatouillent. » L'ironie est piquante. En résistant à l'écrivain dans le livre, les personnages font par la même occasion la nique à leur auteur : « Les deux sœurs remercient l'écrivain et répondent qu'elles ne veulent pas être transformées : ni en mots ni en princesses, ni en phrases ni en grenouilles ».
Michel Layaz semble chercher ici une relation au monde dans sa globalité, qui embrasserait tout dans un même mouvement, qui ne connaîtrait pas de catégories préétablies, pas de hiérarchie ni de cloisons, rien pour arrondir les angles : « Ce qui tranche n'a jamais effrayé les deux sœurs. Ce qui tranche les attire tout autant que ce qui caresse, ou râpe, ou brise, ou écrase, ou étreint. » Tout le contraire de ces gens qui, à la déchetterie, séparent religieusement : « le caoutchouc de la ferraille, les piles des huiles, le végétal de l'aluminium, le pur de l'impur, le profane du sacré, le juste de l'injuste, la vérité du mensonge, le bien du mal. […] Recyclage et recueillement. ». Quand les deux sœurs se rendent à la déchetterie, c'est pour découvrir des trésors et faire des trouvailles. Elles ne trient pas, elles goûtent à tout. Elles sont pur désir. Leurs joies sont toujours renouvelées et toujours différentes, leur monde est un condensé d'infinies possibilités .
Cette vitalité habite la langue de Michel Layaz qui évolue librement au gré des sons et du sens. Comme les deux sœurs, l'auteur s'amuse à « napper les voyelles, à goûter les consonnes, à regarder comment le monde se reflète dans les mots qui le disent. » L'esprit ludique des deux adolescentes anime sa plume : le livre regorge de listes abracadabrantes, faites d'associations libres. Cette fraîcheur est une aubaine contagieuse. Le lecteur est soudain saisi de l'envie de déambuler dans les rues en faisant des pirouettes.
Toutefois, à force de chercher la singularité, Michel Layaz n'échappe pas à l'artifice. S'il est évident que la légèreté est un moyen de conjurer la douleur et que les listes repoussent l'angoisse, les personnages manquent quelque peu de profondeur. Et le fantasme de ces deux adolescentes, à la fois matures sexuellement et petites filles, n'emporte pas toujours l'adhésion du lecteur. Les sœurs sont toujours prises comme un tout, le récit étant écrit à la troisième personne du pluriel. Même lorsqu'une divergence apparaît, elles n'ont jamais d'individualité. Elles représentent la vie indifférenciée, le partage complet, et demeurent étrangères à la solitude existentielle. Il n'empêche que Michel Layaz a bel et bien réussi à faire vivre une communauté et un îlot de liberté , et qu'il a pris le risque d'une réelle aventure stylistique dont nous n'oublierons pas de sitôt la senteur printanière.
Marion Rosselet
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En bref |
In breve in italiano
Michel Layaz, nato nel 1963, pubblica con Deux sœurs il decimo romanzo impregnato di una lingua selvatica e giocosa. Le due sorelle del titolo, nate lo stesso giorno a distanza di un anno, sono due adolescenti che vivono sole in una vecchia casa circondata da un giardino incolto dominato da un tiglio. Il padre è internato in una clinica psichiatrica, la madre se n'è andata, inseguendo l'amore, in America. Ingegnose, traboccanti di desiderio, giocano alle marionette con degli scheletri di gatti e di cane e strillano bestemmie saltando sulle poltrone, seminude. Michel Layaz si compiace a “spalmare le vocali, a gustarsi le consonanti, a guardare come il mondo si riflette nelle parole che lo esprimono”. Questa ricerca di originalità, del piacere ludico, è a volte troppo palese: alcuni passaggi si tingono d'artificio e acquistano una luce d'infanzia contraffatta. Non si vuole però con ciò condannare lo sgorgare della lingua dell'autore, poiché egli tenta realmente l'impresa letteraria e offre ai lettori una sana boccata d'aria primaverile. (rd)
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Kurz und deutsch
Michel Layaz (1963) veröffentlicht mit Deux sœurs (Zwei Schwestern) den zehnten Roman, der in einer wilden und fröhlichen Sprache gehalten ist. Die mit einem Jahr Abstand geborenen beiden Schwestern sind zwei Teenager, die alleine in einem alten Haus leben, das von einem grossen, wilden Garten umgeben ist, in welchem eine mächtige Linde thront. Der Vater wurde in die Psychiatrie interniert und die Mutter ist nach Amerika abgehauen, um dort eine Liebe auszuleben. Sie sind erfinderisch, sie sind "von Lust erfüllt", spielen Puppentheater mir Skeletten von Katzen und Hunde, schreien und fluchen, springen nackt auf den Fauteuils herum. Michel Layaz findet wie die zwei Schwestern Gefallen daran, "die Vokale zu übergiessen, die Konsonanten zu geniessen, der Welt zuzusehen, wie sie sich im Widerschein der Worte reflektiert". Diese Suche nach Originalität, nach spielerischem Genuss, ist manchmal etwas krampfhaft : gewisse Passagen erscheinen zu artifiziell und haben den Geschmack einer abgekupferten Kindheit. Es wäre dennoch falsch, die sprudelnde Sprache des Autors zu verurteilen, denn er bemüht sich um ein echtes literarisches Unterfangen und schenkt uns damit eine gute Frühlingsbrise. (ja)
Page créée le: 14.04.11
Dernière mise à jour le: 14.04.11
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