Bernard Comment
Bernard Comment, Le colloque des bustes,
138 pp. Ed. Christian Bourgois
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Bernard Comment
dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Bernard
Comment / Le colloque des bustes |
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Dans
une société où chacun est prêt
à faire des pieds et des mains pour apparaître
sur la scène du grand Spectacle, quel destin
peut-on réserver aux individus dépourvus
de bras et de jambes ? Les publicitaires sont à
laffût. Les collectionneurs dart
aussi. Il ne resterait quà applaudir,
si autre chose, brusquement, ne venait enrayer la
machine
Ce court roman mêle le
sarcasme et la tendresse, la tristesse et la drôlerie,
pour livrer une fable cinglante des errements de notre
époque. Le miroir est ici déformant.
Limage quil renvoie en est dautant
plus troublante
Bernard Comment, Le colloque
des bustes, 138 pp. Ed. Christian Bourgois
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Article / La
Liberté |
Le sordide colloque de Bernard
Comment
L'écrivain jurassien se lance
dans la mêlée avec un roman dérangeant.
un petit quelque chose de glaçant...
Le dernier roman de Bernard Comment
ne passe pas inaperçu dans la mêlée
de la rentrée. Parce que le Jurassien a su faire
son trou à Paris (à France Culture notamment)
et parce que son Colloque des bustes a ce petit quelque
chose de glaçant très à la mode. Voulait-il
être le provocateur de la rentrée littéraire
comme l'ont été ces dernières années
des Marie Darieussecq, Michel Houellebecq ou Christine Angot
? On n'en est pas là. Mais l'écrivain - son
récit plutôt - dérange.
dans la peau d'un handicapé...
Il se met dans la peau d'un handicapé,
un homme-tronc. Un miracle qu'il s'en soit sorti. Si, si,
ce sont les médecins qui le disent. Plutôt
que d'encombrer sa famille de sa nouvelle silhouette, ou
de végéter dans un foyer, notre homme a accepté
le noble statut d'oeuvre d'art. Vendu. Dorénavant,
un riche homme d'affaires exhibe ce buste, cette sculpture
vivante, devant ses invités. mais ce qu'il préfère,
c'est encore lui presser les points noirs, tard le soir,
lorsqu'ils ne sont plus que les deux.
un colloque...
On vient aussi de lui trouver une
activité pour le divertir de ses longues journées
: participer à un colloque international sur le thème
: "Et pourtant ils écrivent", destiné
au lancement d'un ordinateur dernier cri. C'est là
qu'il rencontre Lucille, fort bien portante, elle.
Bernard comment s'en donne à
coeur joie. Il glisse sur les jeux de mots, surfe sur les
situations cocasses, ajoute des perles de sueur aux imprévus,
des détails sordides au quotidien. mais Le colloque
des bustes lui permet surtout de fustiger le milieu de l'art,
les progrès technologiques, les médias...
Alors qu'est-ce qui est ignoble ? Qu'est-ce qui est dérangeant
? Que Bernard Comment mette en scène un homme-tronc
ou qu'il caricature une époque, la nôtre, celle
de demain, avec ces collectionneurs (les hommes-troncs,
c'est une mode comme une autre), ces gens de marketing (qu'est-ce
qu'on ne ferait pas pour vendre ?), ces journalistes (ils
accourent du monde entier pour couvrir l'événement)
? Si Bernard Comment n'adoptait pas une attitude si distante,
si glaciale par rapport à son sujet, on aurait penché
sans hésiter pour la seconde option.
Bernard Comment, Le colloque des bustes,
138 pp. Ed. Christian Bourgois
MAG
09.09.00
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Article / Le
Temps |
Bernard Comment prend pour
cible le marché de l'art et la publicité
Promu au statut d'objet d'art, l'homme-tronc
qu'est le héros du "Colloque des bustes"
participe au lancement fracassant d'un logiciel de traduction
une satire sociale à la
lisière du fantastique...
En septembre 1996, le comédien
genevois Marcel Robert incarnait avec force au Musée
de l'Ariana, dans le cadre du Festival de la Bâtie,
le directeur paranoïaque d'un grand Institut culturel
français à l'étranger, excédé
par l'exposition d'art conceptuel qui occupait trop longuement
ses locaux: les ongles de dix chômeurs en fin de droits,
transformés en sculptures vivantes grâce à
un coup de marteau asséné sur chacun de leurs
orteils, tardaient en effet à tomber. Avec ce texte
théâtral provocant (édité l'année
suivante par Mille et une Nuits), Bernard Comment inventait
une fable à la fois burlesque et cruelle. Cet automne,
il pousse plus au noir encore son propos dans Le Colloque
des bustes, une satire sociale à la lisière
du fantastique.
les hommes-troncs en colloque....
Imaginez : une mode nouvelle s'est
répandue depuis peu chez les collectionneurs d'art,
celle de posséder un buste vivant. Les narrateur,
Louis, est l'un des quatre-vingt-trois hommes-troncs répertoriés
à travers le monde dans des collections privées
car les institutions publiques n'ont pas encore pris ce
risque. Il est vrai qu'elles n'ont pas comme les collectionneurs
le souci d'acheter au bon moment, quand les prix sont encore
abordables" et de revendre "si la plus-value peut
se révéler intéressante". Monsieur,
qui ne songe pas pour l'instant à se défaire
de Louis, est cependant persuadé que sa participation
au colloque où il vient d'être convié
avec quatre des ses semblables lui vaudra une cotation en
hausse.
et pourtant ils écrivent...
Ce colloque est destiné à
lancer, lors d'une soirée à l'Opéra-Bastille,
une nouveau logiciel de conversion de l'oral à l'écrit
assorti d'une traduction simultanée en un grand nombre
de langues, cela sous d'énormes pancartes publicitaires
qui proclament ET POURTANT ILS ECRIVENT. Beau slogan pour
qui ne dispose même pas de moignons... En fait, ils
liront un texte du Livre des Juges, de l'Evangile selon
saint Matthieu, de Homère, Dante ou Rimbaud qui s'affichera
aussitôt en traduction simultanée en toute
les langues possibles, manière d'abolir la vieille
rivalité entre le parler et l'écrit.
fustiger le milieu des arts, le
monde des médias et du marketing...
En point de mire, on trouve donc
non seulement le monde des arts plastiques familier à
l'écrivain (il vient de faire paraître aux
Editions Adam Biro, dans un volume collectif, un entretien
avec son père, le peintre jurassien Jean-François
Comment), mais aussi le monde des médias et du marketing
qu'il fréquente de plus loin, sans doute, à
des titres divers : en dehors de son oeuvre propre de romancier,
d'essayiste et de nouvelliste, Comment écrit en effet
pour les journaux, la radio, le théâtre, la
télévision, le cinéma et il est, depuis
un an, directeur de la fiction sur France-Culture.
Parce qu'il s'agit d'une fiction,
justement, le romancier ménage ses effets et met
en scène avec habileté ses quelques personnages
(dont la jeune et charmante Lucille, l'hôtesse chargée
de veiller sur Louis), pour mieux nous faire admettre l'énormité
de son invention de départ. Tout commence par un
dialogue entre Louis et un journaliste qui cherche ses mots
et s'enferre, comment faut-il donc dire : figurants, pièces,
hommes-troncs, infirmes, potiches, sculptures vivantes,
bustes ? C'est cela, bustes ! Avec une belle virtuosité
qu'on retrouvera plus loin, toujours à propos de
la presse, l'écrivain file une phrase de près
de deux pages où il se fait l'écho des tâtonnements
et des dénonciations journalistiques.
On reproche aux organisateurs du
colloque de donner dans la provocation parce que tout est
bon pour faire vendre (le lecteur pense bien sûr aux
campagnes de Benetton). Et l'on s'interroge déjà
sur ces pauvres diables du tiers-monde qui se font amputer
bras et jambes pour accéder au statut, enviable à
leurs yeux, d'oeuvres d'art "sans prendre en compte
la nécessité des réseaux, des processus
de cooptation ou de reconnaissance ou d'authentification,
le marché était dans tous les cas submergé
de nouveaux bustes, des potiches de fraîche date et
de confection douteuse". Sans parler du trafic d'organes...
La polémique enfle mais le scandale n'éclatera
qu'après le colloque, à la conférence
de presse où Louis avoue que le sexe ne lui manque
pas mais qu'il donnerait tout pour respirer une fois encore
l'odor di femina. Un voeu que Lucille s'emploiera à
exaucer.
Si un écrivain se reconnaît
aussi à ses obsessions, on peut dire de Bernard Comment
qu'il est fidèle à lui-même dans le
mauvais ménage que font avec leur corps nombre de
ses personnages, plus ou moins hypocondriaques et souffrant
de mauvaise digestion : avant d'imaginer ces individus réduits
à leur seul buste (ce qui n'empêche pas Louis
de souffrir de points noirs, que sont maître extrait
rituellement), il avait déjà, dans une des
nouvelles d'Allées et venues, évoqué
un écrivain qui s'autodévorait. Un frère
du héros du Colloque des bustes, lequel songe à
l'avenir "qui finira bien par accoucher d'une machine
pour les sourds, aveugles et muets, non ?"
Bernard Comment, Le Colloque des bustes,
Christian Bourgois, 140p.
Isabelle Martin
samedi, 26.08.2000
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Les
fourmis de la Gare / Postface d' Isabelle Rüf |
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Une
tristesse qui se rit de tout
Les fourmis évadées
du plus gros billet de banque du monde ont entraîné
Bernard Comment jusqu'à leur maître,
l'Auguste Forel, Le jeune écrivain a
interrogé les écrits du vieux
savant pour y découvrir un curieux mélange
d'eugénisme féroce et de socialisme
utopique. Des vertueux hyménoptères,
symboles de la continence helvétique,
il est remonté à ces insectes
humains, "maussades le matin, renfrognés
le soir", qui traversent nos gares par
colonnes pour rejoindre bureaux et magasins.
Il leur oppose un cloporte clochardisé,
un de ceux qui, de plus en plus nombreux, glissent
sans bien comprendre comment, hors des mailles
de la normalité. Une démarche
bien dans la manière de Bernard Comment,
qui interroge le passé pour comprendre
le présent, qui lit le quotidien à
travers le filtre de l'ironie et qui saisit
ces instants où le fil se rompt. Il en
restitue la cruauté comique pour "lutter
contre l'oubli, contre l'ignorance" tout
en se demandant ce qu'il faut conserver de l'héritage
qui ne soit répétition affadie.
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Les cinq livres que le jeune auteur a publiés
depuis 1990 témoignent tous de cette préoccupations.
Après une enfance à Porrentruy au temps
des luttes pour l'indépendance, il a découvert
Roland Barthes, la stimulation intellectuelle et l'exigence
éthique du séminaire que l'adolescent
fréquentait entre deux trains. Plus tard, à
Genève, l'enseignement de Jean Starobinski lui
a apporté le goût de la rigueur et du savoir
encyclopédique. Puis, tout jeune universitaire,
il a enseigné à l'Université de
Pise, découvrant l'Italie, les peintres maniéristes
et la passion du football.
A trente ans, Bernard Comment
publie L'Ombre de mémoire, conte cruel sur
l'acquisition du savoir, le rapport au maître,
l'amnésie et le vieillissement. Un roman ambitieux
qui joue sur la tension entre le désir de jouir
du présent et l'obsession de sauvegarder les
leçons du passé sans trop savoir qu'en
faire.
Roland Barthes, vers le Neutre
(1991) est un parcours affectueux de l'oeuvre de Barthes
qui lui a transmis le ferment de l'inquiétude.
Puis vient un recueil de douze récits, "Allées
et venues", rythmés par l'oscillation
entre norme et déchéance, teintés
par l'ironie et la mélancolie, moments de vies
saisies au point de rupture. Entre ces nouvelles et
Florence, retours (1994), prend place un essai sur
les panoramas chers à Balzac, ces représentations
circulaires que les villes et les Etats aimaient à
se donner d'eux-mêmes au XIXe siècle.
Une interrogation qui s'inscrit dans le fil d'une
réflexion savante et curieuse du passé.
Après l'Italie, viennent
quelques années parisiennes consacrées
à l'écriture et à la recherche
puis un séjour à la Villa Médicis
à Rome. Dans ce temple quelque peu mortifère
de la culture, Bernard Comment traduit Pereira prétend,
un livre de son ami Antonio Tabucchi, maître
en décalages inquiets.
Florence, retours reprend et
approfondit les interrogations qui traversent tous
les travaux de l'écrivain. Un jeune architecte
quelque peu hypocondre, revient dans la ville où
il déposa, naguère, un plan de rénovation
des anciennes prisons, les Murate. Oublié par
le temps, lui qui est né un 29 février,
obsédé par la transmission jusqu'à
déposer son sperme exténué dans
une banque de procréation assistée,
excédé par la dictature des vieux qu'ils
croit détecter partout, il cherche à
noyer ses souvenirs dans un environnement qui est
le tombeau même de la culture occidentale. L'ironie
joue sur la douceur funèbre de la morbidezza
italienne tout en s'exerçant aussi sur les
illusions glacées de la post-modernité.
Mais ce sarcasme érudit et élégant
n'est pas qu'habileté gratuite, il est le signe
de l'inquiétude vive et profonde qui caractérise
le travail de Bernard Comment.
Isabelle Rüf
postface de Les fourmis de
la Gare de Berne (Zoé)
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Bibliographie
partielle |
L'Ombre de mémoire, roman,
Christian Bourgois, Paris, 1990
Roland Barthes, vers le Neutre, essai, Christian Bourgois,
Paris, 1991
Allées et venues, récits, Christian Bourgois,
Paris, 1992
Le XIXe siècle des panoramas, essai avec illustrations
noir-blanc, Adam Biro, Paris, 1993
Florence, retours, roman, Christian Bourgeois, Paris, 1994
Les Fourmis de la Gare de Berne, Editions Zoé, Genève,
1996
Même les oiseaux, Editions J'ai Lu, Christian Bourgois,
Paris, 1998
Page créée le: 09.10.01
Dernière mise à jour le 09.10.01
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