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Intervalles
Francis Giauque - Intervalles Revue culturelle du Jura bernois et de Bienne - N° 73 - Automne 2005

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  Intervalles - Table des matières
 

Avant-propos Patrick Amstutz

PAROLES DE POÈTES
L'absolu - l'errance - la mort Jean-Pierre Begot
Une insupportable parole François Boddaert
L'ombre et la nuit Hughes Richard
Quelques notes avant de traduire Giauque Dubravko Pušek

FUREURS EN MIROIR
Tombeaux du poète Arnaud Buchs
Résistances Jean-Jacques Queloz
Images et paysages de la mélancolie Arlette Bouloumié
La scarification cruelle Dominique Kunz Westerhoff


POÈMES
Parlare solo : traduction inédite en italien Dubravko Pušek
Parler seul : dix poèmes Francis Giauque

TÉMOIGNAGES
Un calvaire Georges Haldas
Correcteur de nuit aux Imprimeries Réunies Hughes Richard
Lettre inédite à Hughes Richard Francis Giauque
Lettre inédite à Edmond Laufer Francis Giauque
A la mer déliée addenda Patrick Amstutz

DÉCOUDRE UN CHANT DÉSUNI
Soleil éteint ou la brisure sans le Verbe Doris Jakubec
Orphée déchiré avant le chant André Wyss
Du chant d'Espagne à la chanson défaite Emmanuel Rubio
Le poète, l'ombre et le clown Pierre Vilar

REPÈRES ET RÉFÉRENCES
Chronologie Patrick Amstutz (avec le concours de R. Giauque)
Bibliographie Patrick Amstutz (avec le concours de J.-J. Queloz)
Notices biobibliographiques Patrick Amstutz
Notices iconographiques Patrick Amstutz

 

  Extraits de l'avant-propos, par Patrick Amstutz


Que Pétrone ou le sage Sénèque, Démosthène ou le vieil Isocrate se soient suicidés, c'était dans l'ordre antique des choses. Que Mishima ou Montherlant, Gary ou Deleuze fissent de même, c'était encore suivant une haute et ancienne conception de la liberté de l'homme. Leurs oeuvres s'étaient alors déjà émancipées de leur vie et de nombreux et fervents lecteurs leur étaient acquis. Il en va autrement du désespoir moderne qui pousse des écrivains en pleine vitalité créatrice, d'aujourd'hui (Lamarche-Vadel, Pasquali) comme d'hier (Nerval, London), d'ici (Crisinel, Schlunegger) ou d'ailleurs (Maiakovski, Pavese), à se donner le coup d'arrêt irrémédiable. Et bien plus encore, quand il s'agit d'êtres tombés dans la fleur de leur jeunesse, tels Valère, Vaché, Duprey, Plath, Essenine, Dagerman, Rigaut, Egolf, von Kleist ou encore Crevel. Francis Giauque est de ceux-ci. [...] Les poèmes et les proses qui nous restent de Francis Giauque ne disent que cette chute et cette angoisse dévoratrice.
[...]
Quelle que pût être, dans le malheur, la fascination de Giauque pour le malheur ; quelles que fussent la caresse médusante de l'angoisse et la terreur des braises de la nuit, il importe aujourd'hui de prendre la mesure de ce que nous confie cette oeuvre.

*

C'est à cette tâche que la revue Intervalles souhaite apporter sa contribution, en consacrant un numéro entier à Francis Giauque, à la fin de cette année où l'on commémore les quarante ans de sa disparition.
[...]
Que les articles ici réunis incitent à relire cette oeuvre dont les effets dysphoriques et la fulguration ne nous doivent ni estomper la valeur ni éclipser l'élaboration, et qu'ils permettent de comprendre mieux encore la place qu'elle occupe au sein des littératures francophones.

Patrick Amstutz

 

  Entretien avec Patrick Amstutz, par Francesco Biamonte


Cinq questions à Patrick Amstutz,
directeur et concepteur du numéro 73 de la revue Intervalles consacré à Francis Giauque

L'œuvre de Giauque est essentiellement perçue à travers sa biographie tragique, de sorte que son héritage relève peut-être plus du mythe que de l'œuvre. Est-ce juste, est-ce souhaitable ? Peut-être avons-nous besoin de tels mythes ?

La réception de l'œuvre de Giauque s'est en effet développée autour de l'image du " poète maudit " qui, si elle se réfère à de vrais éléments, n'en finit pas moins par constituer souvent, dans l'usage qu'on en fait, un cliché littéraire de plus. Un lieu commun hérité du XIXe siècle selon lequel le malheur seul donnerait accès au " génie " créateur, et qui, faisant écran, peut éclipser les textes.
Mais c'était surtout inévitable, dans un premier temps, après le suicide de l'auteur, étant donné le destin sombre de ce jeune poète.

Vous relevez dans votre avant-propos le fait qu'un fidèle lectorat des œuvres de Giauque existe en France. La réception de cette œuvre est-elle différente de part et d'autre du Jura ?

En lien avec la réponse précédente, il faut souligner que cette réception, en raison des dates des publications posthumes qui ont élargi son audience, a eu lieu dans un monde intellectuel agité et rénové, où beaucoup de gens souhaitaient réformer le canon littéraire. L'œuvre de Giauque répondait aussi à ce souci-là par son caractère intransigeant.

En quoi la dernière livraison d'Intervalles modifie-t-elle la perception que l'on peut avoir de Francis Giauque et de sa poésie ?

Dans le fait que l'on prend mieux conscience du travail littéraire dont cette œuvre est née. Dans sa présentation sans oripeaux romantiques ni complaisance commémorative, ce numéro ne s'étend pas trop sur le biographique et l'anecdote, mais est tout tendu vers l'écoute des textes.
Et aussi, dans le vaste projet qui s'est réalisé autour de cette commémoration, la revue Intervalles a été accompagnée par un coffret de 3 disques compacts - c'est une superbe réalisation qui donne à entendre une " voix ", et précédée par la sortie, enfin ! des œuvres de Giauque réunies en livre de poche (L'Aire bleue). Je me souviens que Françoise Fornerod et Daniel Maggetti qui signaient " la revue des revues " dans la revue Ecriture n° 47 (printemps 1996), avaient émis ce vœu à la fin de leur compte rendu du n° 2 de la revue Courant d'ombres consacré à Giauque : " L'entreprise donnera-t-elle à quelque éditeur l'idée de republier des textes devenus introuvables ? " Eh bien voilà qui est fait !

Dans votre avant-propos toujours, vous évoquez la " caresse médusante de l'angoisse ", la " fascination de Giauque pour le malheur ". Le seul reproche que j'ai pu lire ou entendre à l'endroit de cette œuvre parfois extrêmement forte va dans le sens d'une complaisance que certains y voient. Quel est votre propre sentiment à ce sujet ?

Si l'on est souvent bien inspiré de ne pas juger de ce que vaut la vie d'un homme avant qu'il n'ait rendu son dernier souffle, il me semble que l'on doit aussi tenir compte de la sanction de mort que l'auteur a lui-même conféré à son œuvre dans le cas d'un suicide. Il importe donc de prendre la mesure d'une douleur psychique (les photographies inédites de sa sœur prouvent la véracité des propos de Richard relatifs à une période antérieure au malheur, celle d'un jeune homme fringant et sportif) telle qu'elle a pu être ressentie par un homme souffrant au plus profond de sa vie intime et enfermé dans le cachot noir de ce qu'il croit être sa lucidité. C'est proprement intolérable. Et de ce point de vue médical, par exemple, où est la complaisance ?

Pourriez-vous nous citer un vers, une strophe ou un poème qui vous reste en mémoire, qui vous a particulièrement frappé ?

Si je reprends votre expression : des vers qui m'ont " frappé ", il en serait de nombreux. Mais je songerais aujourd'hui, dans un moment où j'ai eu à craindre pour ma propre mère, à un poème que Philippe Morand a choisi pour clore une lecture publique, et qui peut résonner de nombreuses façons chez tout le monde :

Mère tu es partie
tu n'as pas eu le temps de nous dire adieu
la mort t'a enveloppée
dans son drap de ronces
mère tu nous laisses seuls
qu'allons-nous devenir sans toi
toi seule qui savais dans quel enfer
je louvoyais depuis tant d'années
je ne reverrai ni ton visage ni ton sourire
toi qui connaissais le chemin secret
qui mène aux abîmes de douleur
tu as tout supporté
tu ne savais pas te plaindre
la dernière semence de vie s'en est allée
je n'ai pas voulu te revoir
dans la blancheur des draps
pourtant chacun disait que tu souriais
que ton corps reposait dans l'apaisement
et la paix
toi qui durant ta vie as si peu connu la paix et la joie
mère muré dans mon désespoir je t'appelle encore
je n'ai pas admis ce départ
je ne l'admettrai jamais
je ne pense qu'à te rejoindre
la vie m'échappe

Propos recueillis par Francesco Biamonte

 

  Revue de presse


Zeitschriften

[…] Ergänzt um eine Reihe seltener Fotos rufen Dichter und Freunde wie Hughes Richard, Georges Haldas und Dubravko Pusek den lyrischen Tragiker in Erinnerung, wobei Pusek unter Präsentation von 10 Beispielen berichtet, wie schwierig es ist, die schmucklosen Verse Giauques ins Italienische zu übersetzen. Dass sich auch Giauque selbst unendlich schwer mit seinen Gedichten tat, zeigt ein Brief an Richard, wo von der Krankheit die Rede ist und von der "mehr oder weniger vollständigen Unfähigkeit, ein Poem zu schreiben, eine Geschichte zu erfinden und die Himmelsleere mit Leben zu erfüllen. Und was das Reisen angeht . . . wegfahren. Dass ich nicht lache! Ich weiss nur zu gut, was mich woanders erwartet. Der gleiche Druck, die gleiche Scheisse. Kurz: Abfall. Ich übertreibe kaum. Und die Schande! Mit 23 Jahren! Zum Totlachen.". Wie sehr Giauque sich über sein eigenes Vermögen geirrt haben muss, zeigt im erwähnten Heft u. a. Doris Jakubec mit der philologischen Analyse seiner Lyrik.

Charles LINSMAYER
Der Bund
Berne, lundi, 21 novembre 2005, p. 11.

Passionnantes perspectives

Le numéro 73 de la revue culturelle du Jura bernois est consacré à l'auteur suisse Francis Giauque (1934-1965), livrant, par les soins de Patrick Amstutz, une série de contributions universitaires, de témoignages d'autres poètes, de documents photographiques, de fac-similés et d'inédits de qualité. Ce volume conséquent marque ainsi le regain d'intérêt pour cet auteur autour des célébrations liées à l'anniversaire de sa mort, notamment par la réédition de ses œuvres chez l'Aire en 2005. Car les écrits de ce " poète maudit " jurassien avaient été délaissés d'un point de vue critique. […]
Les approches thématiques se concentrent notamment sur la mélancolie (Arlette Bouloumié) ou sur le destin comme dépossession poétique (Dominique Kunz Westerhoff). Peu convenues, les études stylistiques offrent des assises pour aborder l'œuvre sous un jour nouveau. […] Les travaux d'André Wyss sur la poésie ou de Jean-Jacques Queloz sur les Journaux ne sont pas moins éclairants. Outre les apports stylistiques, les perspectives critiques s'intéressent également à une mise en relation historique et littéraire de cette œuvre. Pierre Vilar se concentre sur la tradition du poète saltimbanque et les convergences de Giauque avec Henri Michaux. Emmanuel Rubio évoque pour sa part l'importance de l'Espagne, comme passerelle entre des éléments de l'œuvre (musique, imaginaire) et le lieu où l'auteur vécut ses premières grandes crises psychiques. […]
Ces diverses études d'universitaires suisses et français offrent une excellente entrée dans l'œuvre multiple de ce poète. Elles sont soutenues par un travail d'édition remarquable, qui fournit de précieux outils chronologiques et bibliographiques, ainsi que des documents iconographiques variés. […]

Antonio RODRIGUEZ
Europe N° 925
Paris, mai 2006, p. 378-379.

La poésie désenchantée

[…] Sous la direction de Patrick Amstutz, de l'Université de Fribourg, ce volume propose un itinéraire explorant différentes facettes de cette œuvre intense, obscure et profondément dépressive. […]
Outre la reproduction de deux lettres inédites, la revue propose plusieurs études qui replacent l'œuvre de Francis Giauque dans le contexte littéraire de son époque, œuvre qu'on serait tenté de réduire un peu trop facilement au destin tragique de son auteur. […]
Ce numéro d'" Intervalles " est un outil précieux pour comprendre la poésie de Francis Giauque, cette langue rageuse et convulsive, autistique presque et parfois difficile à aimer, tant elle échoue à communiquer autre chose qu'une souffrance sans limites. / SAB

Sophie BOURQUIN

Neuchâtel, mardi 28 février 2006, p. 19.

La poésie plutôt que le mythe

[…] sans délaisser les aspects biographiques, les tourments et les douleurs qu'a connus le poète, les articles réunis ici se penchent surtout sur les textes. Ils vont au-delà de l'image du poète maudit, pour mieux démontrer la richesse et la force de son œuvre. […]
Première monographie critique consacrée à Giauque, ce numéro d'Intervalles vaut aussi par ses illustrations et ses documents inédits. Photos prises par le poète et portraits contribuent à la réussite de cette publication, qui complète parfaitement les Œuvres, réunies ce printemps aux Editions de l'Aire. Elle donne surtout un éclairage indispensable à cette poésie fulgurante et pousse à se replonger dans ces " mots incendiaires / jetés à la face / d'un monde muet ".

Eric BULLIARD
La Gruyère N° 143
Bulle, samedi 10 décembre 2005, p. 28.

Hommage à Francis Giauque

[…] le sommaire d'Intervalles, en ce numéro 73, est riche de diverses analyses de l'œuvre, d'un replacement du poète dans l'époque et sa littérature, d'une biographie bien utile, ainsi que de divers documents photographiques et fac-similés. […] Comme le signale en avant-propos Patrick Amstutz - qui a dirigé cette recherche plurielle -, Giauque aspirait à la lumière mais tendait vers l'abysse du désespoir. Une œuvre noire et puissante, " lacérante " pour citer le poète Jean-Georges Lossier […]

Jacques STERCHI
La Liberté
Fribourg, samedi 19 janvier 2002, p. 35.

Francis Giauque dans la revue Intervalles

Placé sous la responsabilité de Patrick Amstutz, le numéro de l'automne 2005 de la revue Intervalles est consacré au poète Francis Giauque. Après la parution d'Œuvres, dans la collection L'Aire Bleue, livre regroupant l'ensemble des poèmes, des chansons et de la prose de Giauque, ce numéro d'Intervalles représente un complément indispensable pour pénétrer mieux encore le monde et la personnalité du poète.
[…]
Quand on aura souligné que les poètes amis sont Georges Haldas et Hughes Richard, et que figurent dans l'iconographie quelques photos prises par le jeune poète, on comprendra que cet ouvrage, en plus des analyses pénétrantes, apporte aussi les vibrations d'un vécu encore palpable et, plutôt que le parachèvement d'une commémoration - la mort de Giauque en 1965 -, constitue une ouverture propre à éclairer l'œuvre sous un jour nouveau.

Madeleine HIRTZEL
Le LittérAire N° 18
Vevey, printemps 2006, p. 5.

Dossier sur un écrivain

Intervalles, " revue culturelle du Jura bernois et de Bienne " a rassemblé, sous la direction de Patrick Amstutz, un passionnant dossier sur le poète suisse d'expression française Francis Giauque, qui se suicida en 1965 à l'âge de 31 ans. Entièrement posthume, publiée grâce notamment à Georges Haldas - une édition complète a récemment paru aux éditions de l'Aire, à Vevey - cette œuvre, poétique et en prose, est entièrement tissée de désespoir et de lucidité douloureuse.

Patrick KÉCHICHIAN
Le Monde
" Le Monde des livres ", Paris, vendredi 13 janvier 2006, p. 2.

Francis Giauque

Peu après le suicide de Francis Giauque (par noyade dans le lac de Neuchâtel, entre le 11 et le 12 mai 1965, à l'âge de 31 ans), le poète genevois Jean-Georges Lossier rappelait que " ses vers lacèrent comme autant de couteaux, ses vers qu'on doit absolument lire pour suivre le versant le plus terrifiant d'une âme, et qui sont faits à la fois d'une plainte et d'une révolte, brûlants toujours d'une fraternité refusée ". Quarante ans après la disparition de ce " soleil noir ", la revue Intervalles (N° 73, automne 2005) lui est entièrement consacrée, sous la responsabilité de Patrick Amstutz. Témoignages de poètes (Hughes Richard, Dubravko Pusek, Georges Haldas), études et approches de l'œuvre en relation avec l'homme et son drame, voisinent avec dix poèmes et deux lettres inédites de Giauque et des repères chronologiques et bibliographiques utiles. Très remarquable livraison, assortie de photographies émouvantes du poète et de belles illustrations.

Jean-Louis KUFFER
Le Passe-Muraille N° 67
Lausanne, novembre 2005, p. 10.

Francis Giauque vaut le détour

" Etre le chiffre zéro qu'on efface du tableau noir ", Francis Giauque n'aspirait à rien d'autre. Quarante ans après sa mort, l'œuvre du " poète maudit " du Jura bernois heureusement rééditée à L'Aire, a été au cœur de diverses manifestations couronnées par ce dossier dû à Patrick Amstutz. Des photographies inédites, certaines prises par le poète, une bibliographie complète, un cahier de traductions en italien signé par Dubravko Pusek et surtout des témoignages et des études cernent l'actualité de cette œuvre sombre, rebelle, obnubilée par la souffrance et la mort, et relancent sa réception au-delà du drame existentiel. […] Si l'intérêt d'une poésie se mesure à la pluralité des lectures qu'elle suscite, n'en doutons pas : Francis Giauque vaut le détour !

Marion GRAF
Le Temps
" Samedi culturel ", Genève, samedi 12 novembre 2005, p. 44.

En mémoire de Francis Giauque

Poète jurassien aussi talentueux que désespéré, Francis Giauque s'est suicidé en 1965. Il avait 31 ans. Une édition de ses œuvres a été publiée récemment aux éditions de l'Aire. A son tour, Intervalles, la revue culturelle du Jura bernois et de Bienne, présente sous la direction de Patrick Amstutz un dossier complet sur les écrits, en vers et en prose, de Francis Giauque.

Michel IMHOF
Tribune de Genève
Genève, lundi 16 janvier 2006, p. 23.

 

Page créée le: 30.11.05
Dernière mise à jour le: 19.05.06

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