Revue de Belles-Lettres 3-4
2001 Extraits du Liminaire La chance de la poésie de Jean-Georges Lossier est d'avoir pu se réaliser à travers et dans le temps. L'attente de ces poèmes fut longue et profonde comme la mémoire des hommes, et leur décantation, lente et nécessaire, comme le dessaisissement de nos vies. Sur ce chemin de poésie, qui est aussi chemin de vie, Jean-Georges Lossier a pris la peine, dans les déchirures du temps, de construire six lieux de recueillement. Tout le monde est convié à s'y arrêter, de quelque religion que l'on soit, à quelque école que l'on appartienne, car la voix qui s'y élève, toute hantée par la destinée humaine, ne parle pas pour recouvrir d'autres voix; elle ne cherche jamais à se distinguer. Elle se veut assez simple et souple pour pénétrer le coeur d'un grand nombre, assez juste et belle pour accompagner ceux qui la récitent, comme un secret murmure au gré de leur "chemin intérieur". Les six recueils (Saisons de l'espoir, 1939; Haute Cité, 1943; Chansons de misère, 1952; Du plus loin, 1966; Le Long Voyage, 1979; Lieu d'exil, 1990) qui se succèdent au rythme d'un par décennie, scandent la sourde cadence de la vie, dans le consentement comme dans l'angoisse. Ils sont l'espace où les mots des ombres oubliées sont psalmodiés dans une paix ardemment recherchée; ils sont le lieu d'où s'élève une prière parfois douloureuse; ils sont l'appel fervent, au miroir des tombeaux, d'une partie infinie et fraternelle."Que je sois le pèlerin dans l'épaisseur/Celui qui ouvre un matin transparent !" disait le poète, qui aura vécu dans trois siècles. Il a sept ans, en 1918, quand il voit un monde vieux mourir définitivement; il en a trente, quand, abasourdi par les millions d'êtres sacrifiés, il entre au service de la Croix-Rouge. Toute sa vie confronté aux misères faites aux hommes partout où sont les hommes, il nourrira constamment sa méditation par l'action et son action par la méditation. Jean-Georges Lossier, qui vient de fêter ses quatre-vingt-dix automnes, aborde aujourd'hui le XXIe siècle avec un regard lucide et toujours aussi vif. Un groupe de chercheurs, de lecteurs et de critiques a saisi l'occasion de cet heureux anniversaire pour se pencher plus attentivement sur cette oeuvre et en présenter les plus riches aspects. Il s'agit du premier ouvrage collectif de cette sorte, car, à l'exception du livre pionnier d'Alice Rivaz, il n'existait à ce jour encore aucune monographie critique. Divisé en plusieurs parties, le présent volume souhaite donner ainsi des éclairages variés et neufs. Après trois textes liminaires, qui soulignent l'importance de la relation et de la mystique en portant un regard aigu sur l'ensemble de l'oeuvre, quatre études visent à analyser une problématique plus singulière en s'attardant sur certains recueils en particulier. Trois poètes, dont les inédits saluent la vivante présence de leur aîné, introduisent ensuite une partie entièrement dévolue à la question de l'unité. Suivent des lectures, brèves et longues, qui rappellent plusieurs des thèmes essentiels traversant toute l'oeuvre poétique, avant que de passer la parole à des amis de générations différentes, qui se rejoignent dans la fidélité du souvenir pour nous offrir telle anecdote ou tel instant vécu. Enfin, une approche historique précise les liens qui unissent le Genevois à sa République, tandis qu'une contribution sociologique pèse l'effort de Lossier dans la réflexion relative à la notion de "solidarité". Des extraits de sa correspondance avec d'autres écrivains et quelques photographies des éléments qui lui sont si chers finissent de structurer ce numéro spécial, que l'auteur lui-même honore de sa présence par le biais d'un poème inédit, postérieur à la publication de Poésie complète, et d'un entretien publié naguère en France, Une chronologie et une bibliographie détaillées closent l'ensemble. Que les articles ici réunis incitent à relire cette oeuvre si densément cohérente et qu'ils permettent de comprendre mieux encore la place qu'elle occupe au sein des littératures francophones. Patrick Amstutz
Table des matières
Revue de presse Poésie et fraternité C'est un bel hommage, et combien mérité, que la Revue de Belles-Lettres a rendu à Jean-Georges Lossier à l'occasion de son 90e anniversaire. De fait, le poète genevois est l'une des figures les plus discrètes, mais aussi les plus rayonnantes de spiritualité de la littérature romande. [ ] Jean-Louis KUFFER Le temps du poète L'uvre rare, méditative et fraternelle de Jean-Georges Lossier, le magnifique poète et essayiste (né à Genève en 1911) est au centre de la dernière Revue de Belles-Lettres (distribution Zoé). Jean-Dominique HUMBERT Le souci de l'autre La poésie de Jean-Georges Lossier porte
un message d'espérance d'une profondeur rare, d'une grandeur qui
fait de sa quête poétique et spirituelle un véritable
chemin de vie, itinéraire intérieur progressant comme une
" révolution calme " (Pierre Emmanuel), qu'il suit avec
la patience nécessaire au véritable mûrissement. La
" force incantatoire " que Jean-Georges Lossier accorde aux
mots le place parmi les poètes dont les textes accueillent ouvertement
le sacré, et pour qui la poésie est non seulement un moyen
de dire le monde, mais aussi de communier, et cela dans un constant souci
du prochain. Mathilde VISCHER Evénement dans les lettres romandes : une revue de poids Entièrement consacré au Genevois Jean-Georges Lossier, le double numéro 3-4 de la RBL (Revue de Belles-Lettres) contient des contributions de Jean Starobinski, Marcel Raymond, Alice Rivaz, Monique Laederach, entre autres plumes qui nous sont proches et chères. Mais, placée sous la direction de Patrick Amstutz, cette livraison a cherché à aller au-delà des études : ainsi propose-t-elle également des compagnonnages de Jean-Pierre Chevais, François Debluë ou Pierre Voélin ; des lectures, comme " Chanter dans le peu " que signe Doris Jakubec, ainsi que des témoignages. On lit l'amitié de Jean Vuilleumier, Jean Pictet ou Jean-Dominique Humbert. Enfin, un passionnant entretien de l'écrivain avec Patrick Amstutz clôt cet ouvrage de référence, délicatement illustré en noir-blanc (désert) et en couleur (eau). Sonia GRAF L'hommage à Lossier La dernière livraison de la Revue de Belles-Lettres consacre près de 300 pages au poète genevois Jean-Georges Lossier. Né en 1911, professeur de sociologie puis rédacteur en chef de la Revue internationale de la Croix-Rouge jusqu'en 1976, Jean-Georges Lossier aura publié six recueils depuis 1939. Pourtant, mis à part un texte d'Alice Rivaz, aucune monographie critique n'existait. C'est désormais chose faite, avec des signatures prestigieuses comme Jean Starobinski qui estime que la poésie de Lossier est un exercice permanent d'orientation. A savoir comment se situer dans l'existence, à un moment et dans un lieu donnés. Un hommage collectif approfondi, alternant études critiques et textes d'auteurs comme Mercanton ou Bachelard. Jacques STERCHI Lossier le solitaire Une monographie critique vient de sortir de presse
sur l'uvre du Genevois Jean-Georges Lossier, un numéro complet
de la Revue de Belles-Lettres, ouvrage dirigé par
Patrick Amstutz et qui a été présenté dernièrement
dans les salons du Palais Eynard à Genève. Une monographie
réalisée par Alice Rivaz existait déjà sur
les textes de cet auteur mais datait de plusieurs années et l'étendue,
la profondeur et la substance des textes de Lossier méritait une
nouvelle approche de cet auteur de grande qualité. Jean-Marc THEYTAZ Jean-Georges Lossier Vient de paraître, consacré au plus discret, et peut-être au plus riche de spiritualité de nos poètes, Jean-Georges Lossier, une très substantielle livraison de La Revue de Belles-Lettres (N° 3-4, 2001, 282 pages), rassemblant des aperçus (de Jean Starobinski ou Marcel Raymond), des extraits de correspondance (avec Bachelard, Jouve, Alice Rivaz, etc.), des études, des entretiens et un poème inédit qui font honneur au poète. Nous y reviendrons. Jean-Louis KUFFER Poète de la fraternité On dit communément que le paradis a plusieurs
portes. La plus facile d'accès est la porte de la patience. Personne
ne s'y précipite, puisqu'on n'y entre que par la patience. Autant
dire qu'il n'y a pas foule. Or n'est-ce pas celle-là même
que l'on empruntera pour lire le poète Jean-Georges Lossier [
]
? Serge MOLLA Le poète Lossier fêté Jeudi 13 décembre à 17 h 30, dans les salons du Palais Eynard (Croix-Rouge 4), la Ville de Genève offrira un vin d'honneur en hommage au poète Jean-Georges Lossier, pour fêter la sortie d'une monographie sur son uvre. (c) Le Temps Lire Lossier Cette année, Jean-Georges Lossier a fêté
ses 90 ans. C'est donc fort à propos que la Revue de Belles-Lettres
consacre une riche, amicale et judicieuse livraison à l'itinéraire
d'un poète encore peu étudié jusqu'ici, invitant
à relire aujourd'hui cette poésie d'une lumineuse et musicale
spiritualité. Toute uvre d'importance se situe à un
carrefour d'influences, de préoccupations, d'énigmes, et
c'est bien l'intérêt des approches que Patrick Amstutz a
suscitées et rassemblées ici, qu'elles précisent
et enrichissent notre perception de cette croisée. L'essentiel
du propos porte sur l'auteur discret des six recueils réédités
aux éditions Empreintes (collection Poche Poésie), qui s'échelonnent
de Saisons de de l'espoir (1939) à Lieu d'exil (1990)
; par ailleurs, un rigoureux essai du sociologue Marc-Henry Soulet interroge
la pensée sociale de Lossier, ardent défenseur des notions
de service et de solidarité. Extraits de correspondance et hommages
amicaux saluent enfin l'homme de dialogue qui, entre ses ascendances horlogères
et son engagement humanitaire, apparaît à Alfred Berchtold
comme un représentant éminent de l'esprit de Genève. Marion GRAF
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