Oscar Peer
Eva, traduit du romanche par Marie Christine Gateau-Brachard et Caty Koenz Dentan, Editions Zoé, 2004

Oscar Peer/ Eva

Le village de Falun est un monde sans fêtes ni péchés depuis que la rigueur du pasteur Anton Perl y sévit. Mais Eva, une jeune femme venue on ne
sait d'où, va le révolutionner. Une seule des quatre auberges est restée ouverte, et c'est là que va éclore, grâce aux talents fabuleux d'Eva, le nouveau centre du village. Mais comme renaît la nature sous les rayons d'un soleil printanier, les pulsions refoulées des Falunais vont s'éveiller à une vie nou- velle. Les fêtes reprennent et le désordre s'installe. Fou de rage, le pasteur décide alors d'exorciser Eva et lui ordonne de s'installer chez lui.

Oscar Peer, fils de paysans romanches, est né en 1928 à Lavin, en basse Engadine, et vit aujourd'hui à Coire. Écrivain, romaniste, auteur d'un dictionnaire romanche-allemand, il a reçu en 2003 le Grand Prix culturel du Canton des Grisons.

Oscar Peer, Eva, traduit du romanche par Marie Christine Gateau-Brachard et Caty Koenz Dentan, Editions Zoé, 2004

 

Extraits de presse

Eva ou l'universalité romanche

Troisième traduction française pour l'écrivain grison Oscar Peer. Et là, le Romanche atteint définitivement à l'universelle tragédie humaine dans un roman qui, pourtant, se distingue avant tout par une grande économie de moyens. [...] Eternel questionnement de l'homme écartelé entre mystique et sensualité, le texte d'Oscar Peer rampe et se développe jusqu'au sublime dépouillement du drame final. Parce qu'il sait exploiter avant tout les étreintes, les gestes, les visages, les tons de voix, bref, tout ce qui décrit la condition humaine.

Oscar Peer, Eva, traduit du romanche par Marie Christine Gateau-Brachard et Caty Koenz Dentan, Editions Zoé, 2004

Jacques Sterchi
http://www.laliberte.ch

Un jardin des tentations dans les Grisons

Le doyen des auteurs engadinois, Oscar Peer, conte la venue d'une fée tentatrice dans un village austère.

FABLE C'est en lisant une critique élogieuse du Vieil homme et la mer d'Hemingway, qu'Oscar Peer dit avoir eu l'idée de mettre en scène un individu seul en proie aux forces élémentaires. Ainsi naquit Coupe sombre (Prix 2000 des auditeurs de la Radio Suisse romande), premier livre traduit en français du doyen des auteurs engadinois, né en 1928. Ce drame réaliste au parfum de conte retraçait le difficile combat contre la forêt d'un vieil homme sorti de prison qui cherchait à être réhabilité devant ses congénères et devant Dieu.
Il s'agit également de lutte - physique et métaphysique - dans Eva, que les éditions Zoé viennent de publier. Oscar Peer a manifestement placé ce titre (écrit en 1980) sous les auspices de Ramuz et de La beauté sur la terre (1927), histoire d'une orpheline américaine qui accepte l'hospitalité de son oncle en pays de Vaud, où elle crée l'émoi. « Car est-ce qu'on sait que faire de la beauté parmi les hommes ?». Cette question ramuzienne se pose également dans les Grisons, depuis qu'Eva y est apparue.

Lorsqu'Eva débarque à Falun, ce village vit à l'écart du monde et de ses tentations grâce à (ou à cause de) son pasteur Perl qui craint les plaisirs, même les petits, comme la peste. Il a interdit fêtes et bals, et intervient également dans les cuisines, où il réprouve les fumets trop agréables. « C'était un fait qu'à Falun, la morale était presque devenue une seconde nature. Presque - c'est-à-dire pas complètement », note Oscar Peer distillant une douce ironie tout au long de sa fable qui débute au printemps, avec l'arrivée d'Eva. Elle vient de « nulle part » et repartira on ne sait où six mois plus tard, abandonnant derrière elle un village endeuillé et enflammé au propre comme au figuré.
La chair est faible, celle d'un saint homme également. Eva la bien nommée ne laisse personne indifférent, surtout pas Perl l'inquisiteur qui la voue au bûcher mais ne sait « plus s'il est la proie du ciel ou de l'enfer » quand il la côtoie. « La nature n'épargne personne, ni la nature autour de nous ni notre propre nature » et « les voies de Dieu sont impénétrables », dit, dans son sermon final, le pasteur qui a gagné en humilité au contact d'Eva. Ni ange ni démon, cette créature d'Oscar Peer a été envoyée parmi les hommes pour y confronter chacun à soi-même, à ses désirs contradictoires, à son hypocrisie. Elle est l'héroïne d'un délicieux récit parabole dont la sérénité de la langue cristalline contraste avec la fièvre de la convoitise. « C'est sur la terre, et on n'a pas assez de voir sur la terre. On y est gourmand, on y a faim, on veut posséder. » (Ramuz)

Oscar Peer, Eva, traduit du romanche par Marie Christine Gateau-Brachard et Caty Koenz Dentan, Editions Zoé, 2004

Elisabeth Vust
http://www.24heures.ch
25.05.2004

Le récit se déroule du printemps à l'automne, il s'ouvre et se ferme sur un enterrement, tandis qu'un train passe sur le viaduc qui surplombe Falun.[...] «Est-ce sa faute si elle plaît à tous? demande un paroissien rebelle. La beauté est tout de même un don du ciel, Monsieur le pasteur. Est-ce que c'est interdit d'être attirant?» Rongé par la hantise du péché, le prédicateur finira, bien sûr, par y succomber. Avec ce correctif sympathique que sa «faute» l'humanise et que désormais ses prêches parlent de grâce autant que de condamnation.

Oscar Peer, Eva, traduit du romanche par Marie Christine Gateau-Brachard et Caty Koenz Dentan, Editions Zoé, 2004

Isabelle Martin
http://www.letemps.ch
Samedi 24 avril 2004