Metin Arditi
Dernière lettre à Théo,
Arles, Actes Sud, 2005, pp. 50
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Metin Arditi dans
nos pages consacrées aux auteurs de Suisse.
Metin Arditi
/ Dernière lettre à
Théo |
ISBN 2742754644
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Metin Arditi imagine qu'avant
de se suicider Vincent écrit à son frère
Théo une dernière lettre d'où
émerge le portrait d'un pauvre peintre quémandant
un regard qui le ferait exister.
"Si on commence à
vivre quand on se suicide, on se fait haïr jusqu'à
la moelle. Comme je le hais le vrai Vincent : il est
toujours là, le vrai Vincent. Je le vois. Là,
au bout du corridor, là, à table, là,
sous l'acacia, immobile, irréprochable. Toujours
là. Et mère qui n'ose pas me regarder,
qui a peur qu'il la surprenne, qu'il lui dise : Pourquoi
lui ? Pourquoi pas moi ? Théo, comment savoir
qu'on est vivant ? Quelle preuve ? ll suffit pas de
dire : je suis vivant, je suis vivant ! Si personne
ne pose ses yeux sur toi. Pas en vitesse, ou avec
des yeux qui mentent, des yeux de salaud ! Les regards
qui glissent".
Né en 1945 à
Ankara, Metin Arditi
vit à Genève. Ingénieur
en génie atomique, il a enseigné à
l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.
Il est le président fondateur de la Fondation
Arditi qui, depuis 1988, accorde des prix et bourses
aux gradués de l'université de Genève
et de l'Ecole polytechnique fédérale
de Lausanne. Il est également président
de l'Orchestre de la Suisse romande. Il est l'auteur
de plusieurs récits et essais, publiés
aux éditions Zoé.
Dernière lettre à
Théo, Arles, Actes Sud, 2005, pp. 50
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5
questions à Metin Arditi |
Déjà dans votre
récit d'enfance La chambre de Vincent (Zoé,
2002), vous faisiez état de votre admiration pour
Van Gogh et sa peinture (le titre et la couverture le citant
ouvertement). Avec Dernière lettre à Théo
vous vous approchez encore plus intensément de cette
passion, osant même prendre la parole à sa
place! Quel a été le déclic qui vous
a amené à cette immersion totale?
Le dernier chapitre de "La
Chambre de Vincent" se déroule au Metropolitan
Museum de New York, dans les deux pièces où
sont exposées les toiles de Van Gogh. Cette visite
du 7 juin 2001 (je me souviens de la date avec précision)
m'avait profondément marqué. Près de
trente mois plus tard, en octobre 2003, je me trouve à
New York avec l'Orchestre de la Suisse Romande. Jean-Philippe
Rapp, producteur de l'émission Zig-Zag Café,
me demande de commenter ces mêmes toiles pour l'une
des séquences de son reportage. Je me prête
au jeu. Au terme de cette interview, je mesure à
quel point Van Gogh ne m'a pas quitté, et me dis
: il faut que je retourne.
Les lettres de Vincent Van Gogh
à son frère Théo ont été
très nombreuses et sont, depuis longtemps, éditées.
Avez-vous tenu compte de ces lettres pour construire la
vôtre?
Pas du tout. Cela aurait été
inintéressant et de plus n'aurait pas fonctionné.
Tout en étant ouvert à
la métaphore et à la réflexion iconologique,
votre récit est saisissant pour son réalisme;
nous avons réellement l'impression de voir, d'entendre,
de respirer avec Van Gogh: quand il mange ses couleurs pour
"devenir un tableau", quand il peint avec frénésie
le champ de blé houleux sous le vent, nous nous trouvons
totalement submergés par son émotion. Jusqu'à
quel point avez-vous puisé dans les épisodes
connus de la vie de l'artiste (le cadre familial, etc.),
dans quels cas avez vous laissé libre cours à
votre imagination?
Certains épisodes sont totalement
fictifs (la bagarre au café, le portrait de Marguerite
au buste nu, la corrida, etc.). D'autres se fondent sur
un événement ponctuel (l'oreille, un dîner
à Noël) à partir duquel j'imagine un
développement.
Votre récit est bref comme
un éclair et gagne beaucoup de sa force de frappe
par cette brièveté. Comment l'avez-vous écrit:
par une longue élaboration ou dans une subite énergie
créative?
J'ai probablement récrit ce
texte trente ou quarante fois, sur une période de
huit mois.
Les couleurs, la technique picturale,
les notations sur le style, sont très présentes,
très précises, dans votre Dernière
lettre à Théo. Pratiquez-vous personnellement
la peinture?
Je n'ai hélas aucune prédisposition.
Pour être franc, j'aime cet état d'inculture
face aux arts. Il offre une candeur qui raccourcit le chemin
au plaisir. Dans le laps de temps qui a séparé
la première version du texte de la dernière,
je me suis documenté, bien sûr. Mais ce travail
est venu après l'émotion.
LeCulturactifSuisse (PL), juin 2005
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questions à Françoise Courvoisier (Théâtre
Le Poche, Genève) |
Dernière lettre à Théo est
programmé en mars 2006, au Théâtre Le
Poche de Genève que vous dirigez, en création
mondiale, dans une mise en scène d'Anne Vouilloz.
Qu'est-ce qui vous a poussé à mettre à
l'affiche ce texte de Metin Arditi, qu'est-ce que vous a
frappé dans ce récit ?
- J'ai eu tout d'abord une réaction
très viscérale, après lecture du manuscrit
- un an avant sa parution chez Actes Sud. Appelons cela
un coup de foudre. J'ai été bouleversée
par la beauté et la puissance de ce texte. C'est
seulement plus tard que j'ai réfléchi à
sa valeur scénique. La langue m'a plu, à la
fois sensuelle mais pure, dépourvue de maniérismes
littéraires, de pathétisme ou de faux-semblants.
Bref, j'y ai cru d'un bout à l'autre. La vraisemblance,
c'est déjà un atout essentiel pour la scène.
De plus, l'auteur parle à la première personne
et nous emmène tout de suite dans son monde. Savoureux
d'un point de vue théâtral également
sont les écarts rapides et vertigineux des états
d'âme du personnage, qui passe de la détresse
la plus profonde à la joie la plus intense. L'émotion
la plus pure, la plus simple, comme l'émerveillement
devant la nature, succède au ressentiment le plus
morbide. Ce texte allie les grands sentiments aux contingences
les plus dérisoires de l'existence : l'extase devant
un paysage sublime côtoie la préoccupation
du prix de la toile et des tubes de peinture ! C'est en
cela que la "Dernière lettre à Théo"
est profondément humaine, donc apte à produire
de la vie sur un plateau de théâtre.
Outre le texte d'Arditi, un autre
ouvrage "non-théâtral" est également
porté à la nouvelle saison du Poche: Éloge
de la faiblesse, du philosophe fribourgeois Alexandre
Jollien. Vous poursuivez là une valorisation des
oeuvres en prose, déjà amorcée par
votre prédécesseur Philippe Morand (La
maladie d'être mouche d'Anne-Lou Steininger, adapté
à la scène par l'auteur elle-même, par
exemple) et renouvelée l'année passée
avec Rapport aux bêtes de Noëlle Revaz
(dans une mise en scène d'Andrea Novicov). Pouvons-nous
déceler en cela une mouvance - de plus en plus affirmée
dans d'autres pays, notamment en Italie - vers un théâtre
de "narration", où la force d'un spectacle
est à nouveaux centrée sur le texte (après
une longue période où la mise en scène
prédominait) ?
Je poursuis au Poche une valorisation
de textes d'auteurs vivants, laissant les classiques - que
par ailleurs j'affectionne, qui m'ont construite - à
d'autres théâtres de la cité. Cette
tradition a d'ailleurs été instaurée
au Poche par son premier directeur, Paul Fabien Perret-Gentil,
en 1948. De Richard Vachoux à Philippe Morand, en
passant par Gérard Carrat, tous mes prédécesseurs
ont eu le même souci de profiter de la petitesse du
lieu pour faire connaître de nouveaux auteurs. Ma
saison prochaine - il faut bien le dire - est particulièrement
audacieuse dans ce sens. Je compte sur la confiance et surtout,
la curiosité des spectateurs !
Pour répondre à votre question sur les textes
en prose et le théâtre de narration, je pense
que ce type de démarche théâtrale a
toujours existé, parallèlement à la
mise en scène de textes dits "dramatiques".
Je n'ai pas de préférence pour l'une ou l'autre
forme, pourvu qu'il se passe quelque chose de fort entre
la scène et la salle. Je viens de voir une des dernières
représentations de "La Symphonie du Hanneton"
de James Thiérée, petit fils de Charlie Chaplin.
L'impact que produit ce spectacle sur tous les spectateurs
- sans exception, ni distinction d'aucune sorte - est époustouflant.
À la fin du spectacle, j'étais en larmes.
Pas parce que c'était triste, simplement parce que
c'était beau. Pourtant, le texte se limitait à
trois mots pour deux heures de spectacle !
Et je vous assure que ce que réalise ce petit génie,
c'est du théâtre, absolument du théâtre.
Il y a peut-être une explication
à cet accroissement de "textes en prose"
portés à la scène. Les auteurs de théâtre
sont rares. Je parle des auteurs qui écrivent spécifiquement
pour le théâtre avec la faculté de faire
exister des personnages, de les faire parler, etc. Des dialogues
solides comme ceux de "La Sourde Oreille" de Torben
Betts, par exemple, que nous présentons au Poche
en fin de saison, c'est exceptionnel ! Les contemporains
anglais, comme les russes d'ailleurs, sont plus doués
pour la construction des dialogues que les auteurs francophones.
Trouver les mots justes, quel miracle ! J'ai envie de citer
le meilleur dramaturge de tous les temps... Au deuxième
acte de "L'Oncle Vania" de Tchekhov, Elena ouvre
une fenêtre et dit simplement à sa belle-fille
"L'orage est passé. Comme l'air est bon ! ".
C'est génial, parce qu'aucuns autres mots n'auraient
été possible, à ce moment-là,
pour exprimer tout ce qu' éprouve intérieurement
le personnage et ce qu'elle cherche à dire à
l'autre (ou à taire). En France il y a Véronique
Olmi et Yasmina Reza qui écrivent à merveille
pour les acteurs. Des textes où l'on peut aller puiser
profond et construire toute une vie intérieure à
son personnage. En Suisse romande, je citerais Michel Viala
("Petit Bois"), comme grand dialoguiste. Il a
écrit des pièces fantastiques qui seront encore
jouées après sa mort. Les spectateurs seraient
très frustrés si nous ne montions plus de
"vraies pièces de théâtre"
! Arnold Wesker aussi nous a permis avec sa pièce
"Racines" un très grand succès public.
De même que Véronique Olmi avec "Nuits
sans lune".
L'affiche de votre prochaine saison,
au Théâtre Le Poche de Genève, réjouit
tout particulièrement le Culturactif, puisqu'on y
compte pas moins de cinq créations d'auteurs romands
(sur sept spectacles!): les nouveaux textes de Pascal Rebetez,
de René Zahnd, de Camille Rebetez (très jeune
auteur, présenté dans le cadre du projet "Textes
en scènes" de la SSA). S'agit-il d'un engagement
tout particulier de votre institution, ou peut-on parler
d'un moment de créativité et de productivité
des dramaturges romands (et si oui, pourquoi)?
On peut vraiment parler d'un moment
de grande créativité chez les auteurs romands.
On m'a fait découvrir de nombreux manuscrits tout
au long de l'année. Beaucoup étaient de qualité
et certains, dont ceux de ces cinq auteurs suisses romands,
m'ont semblé - sur le plan de la forme comme du fond
- exceptionnels. J'ai donc eu envie de les faire partager
au public !
LeCulturactifSuisse
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Revue
de presse |
Metin Arditi revient ici, par le biais d'une poignante lettre
fictive, sur les deux dernières années de
Van Gogh et sur son suicide [
]. Les maladresses de
Vincent, son énergie, sa lucidité, ses appels
au secours, son espoir sans cesse déçu de
vivre de son travail sont présents dans cette lettre.
Elle retrace des épisodes connus de sa vie en Arles,
comme le lobe de son oreille offert à une prostituée
ou sa tentative d'avaler des couleurs, en justifiant ces
actes du point de vue de leur auteur. Metin Arditi évoque
aussi les difficiles relations du peintre avec son père
pasteur ou ce frère mort une année jour pour
jour avant sa naissance, et qui portait le même prénom
que lui: d'où son sentiment d'être de trop.
Isabelle Martin
16 avril 2005
[
] Ciò che rende impressionante
questa confessione immaginaria è la sua costruzione
stratificata: quasi logico è rifersi alla celebre
lettera al padre di Kafka: senza eccessi di psicologismo
si riconduce qui la paura di non esistere di Van Gogh all'esistenza
di un fratello maggiore, morto in fasce, che portò
il suo stesso nome, condannandolo ad esserne il fantasma.
Ma poi Arditi ha il coraggio di arricchire questa prima
ferita infantile con le mille incomprensioni della quotidiana
alterità, con uno sguardo senza rancore sulla rude
gente ottusa, sulle donne amate con troppo furore. E poi,
soprattutto, di costruire - attraverso sapienti riferimenti
alla sua pittura, alla tecnica e all'uso del colore - una
salda corrispondenza tra la tragica vita e la grande creazione.
Forse con qualche concessione agli effetti spettacolari:
come quando immagina un'ultima masturbazione nei campi di
grano, in cui Van Gogh vorrebbe spargere la terra di sangue
e seme, nell'atto suicida. Ma senza aver paura dell'immersione
totale in qualcosa d'indicibile e furibondo: indimenticabile
è allora l'episodio in cui il pittore, sotto gli
sguardi brutali dell'osteria, spreme i tubetti e mangia
i colori, per diventare lui stesso un quadro. Per non scomparire.
Pierre Lepori
RSI, Rete2
[
] Autant que sa peinture,
les êtres obsèdent Vincent. Le regard implacable
de son père, celui du "juge quand il a décidé
d'une sentence", guette ses accès de désespoir
pour mieux les ignorer. En se dénudant à demi
devant lui, Marguerite, son modèle, le bouleverse.
Le contact qui reste platonique érotise d'autant
plus ses sentiments. Rongé par la soif de reconnaissance
et l'urgence d'absorber la vie qui l'entoure, Van Gogh lance
ici un cri déchirant. Cette lettre fictive, reflet
de la correspondance réelle entre le peintre et son
frère cadet, jette une lumière crue sur les
derniers épisodes d'une vie qui prend des airs de
corrida. Vincent se coupe l'oreille et se la décerne.
A la fois taureau et matador.
Aline Petermann
25 mai 2005
Page créée le: 08.06.05
Dernière mise à jour le: 08.06.05
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