Claire Krähenbühl
- Denise Mützenberg
Le piège du miroir, Editions
de L'Aire, 2002.
Retrouvez également
Claire
Krähenbühl et Denise
Mützenberg dans nos pages consacrées
aux auteurs de Suisse.
Claire Krähenbühl
- Denise Mützenberg / Le piège
du miroir |
ISBN 2-940133-63-8
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N'avoir jamais été
seule. Jamais unique, jamais enclose (silhouette cernée
d'un trait net), jamais fermée sur soi. Mais
si dangereusement ouverte. Le pouce de l'autre dans
ma bouche. Et le mien dans la sienne. Première
effraction. Réciproque.
Ne nous étonnons pas
d'être devenues, à vie, à notre
corps défendant, un peu trop conciliantes,
un peu trop dépendantes, un peu trop lierres,
un peu trop liane, toujours sur le qui-vive de l'autre,
dans son empiétement, dans son ombre portée.
Claire
et Denise Oberli sont nées le 3 septembre
1942 à Yverdon-les-Bains. Dès qu'elles
ont su tenir un crayon elles ont écrit et dessiné.
Avant de chanter ensemble. Claire a fait les Beaux-Arts
à Lausanne, découvert la gravure en
Amérique puis mêlé peu à
peu l'écriture au dessin (eaux-fortes, collages,
etc.). Denise est devenue institutrice dans le Jura
puis rédactrice à Genève où
elle a fondé en 1992 les éditions Samizdat.
L'une et l'autre ont publié des poèmes
et des nouvelles chez Eliane Vernay comme aux éditions
de l'Aire. Aujourd'hui, elles signent leur premier
livre commun, le "Piège du miroir".
Ce miroir dans lequel, il y a longtemps, se regardant
pour la première fois, chacune a cru voir le
visage de sa jumelle
Claire Krähenbühl -
Denise Mützenberg, Le piège du miroir,
Editions de L'Aire, 2002.
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Dialogue
entre Claire Krähenbühl et Denise Mützenberg |
D. Je me demande si je n'ai pas cru, petite fille, que vivre
avec son double était la norme, le sort du commun ?
Cl. Moi j'en suis presque sûre.
Ne pas être jumelle devait me paraître impossible
; ça n'entrait peut-être même pas dans
mon champ de conscience.
D. Et puis nous sommes allées
de par le monde - c'est à dire à l'école
enfantine - et nous avons découvert que nous étions
différentes, pas "comme les autres".
Cl. Eh oui ! Nous étions les
seules de notre espèce. Plus tard à l'école
primaire, nous avons rencontré notre première
paire de jumeaux, si dissemblables qu'ils n'ont altéré
en rien notre sentiment de singularité ; pas toujours
agréable d'ailleurs. J'ai le souvenir aigu d'un moment
où "quelque chose" a éclaté
entre une amie et moi. Une scène ? une dispute ?
Je ne sais plus. Mais je n'ai pas oublié la sensation
qui m'a surprise alors, d'impuissance, de faiblesse absolue
; et comme une évidence : j'étais vulnérable
parce que j'étais jumelle ; c'était lié.
Comme une infirmité, une maladie.
D. Au contraire, jusqu'à la
fin de l'enfance je me suis sentie forte, et confortée,
d'être double, comme doublée. Il aura fallu
que je me retrouve à seize ans, dans les grands corridors
d'une école de chef-lieu, seule, perdue sans toi,
sans repère, pour connaître la faille dont
tu parles.
Cl. Notre commun talon d'Achille...
Pourtant tu m'étonnes quand tu te dis perdue sans
moi... A l'école tu avais tes copines, moi les miennes,
nous n'étions pas de ces jumelles inséparables,
collées l'une à l'autre, ne laissant personne
entrer dans leur étroit domaine.
D. C'est vrai. Mais tu étais
dans les environs. Tu faisais partie du même petit
monde. Absente tu demeurais dans l'esprit des autres : ma
part manquante. C'est lorsque j'ai été jetée
dans un univers où tu n'étais pas, où
ton image ne complétait pas la mienne, que j'ai découvert
à quel point je boitais !
Cl. Et
moi pareil ! Perchée, bancale, sur le haut tabouret
des apprentis peintres. Brusquement diminuée, atterrée
par ma soudaine insuffisance. Comment n'être que moi
?
Chacune
boitant de son côté pour n'avoir développé
qu'une part d'elle-même, puisque l'autre suppléait
aux carences de l'une, puisque chaque moitié du couple
avait en abondance - en excès ? - ce qui manquait
à l'autre. Tu te souviens, quand on me demandait
: joues-tu d'un instrument ? Je répondais sans sourciller
: Non, c'est ma soeur.
D. Heureusement, tout au long de
ce temps d'études, il y a eu le train quotidien des
retours, et, chaque nuit, le sommeil partagé. Jusqu'au
jour où même cela a été rompu.
Tu es partie pour Heidelberg, je faisais mes valises pour
le village du Jura où je deviendrais "la maîtresse"...
La première fois que j'ai dormi seule, j'ai cru que
j'allais tomber dans un abîme. Quel vertige !
Cl. Et ce n'était que les
premières séparations ! premières coupures
qui en préparaient d'autres, plus radicales, mais
voulues, nécessaires.
D. C'est pourquoi nous ne sommes
pas revenues en arrière. Nous avons creusé
sans nous plaindre la distance qui allait désormais
se chiffrer en millions de kilomètres : toi à
New-York, moi à Genève où l'exil me
parut dans sa banalité plus amer que le tien.
Claire Krähenbühl et
Denise Mützenberg
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Extraits
de presse |
Plumes jumelles
C' est une histoire à deux
têtes et à quatre mains. Celle de Claire Krähenbühl
et Denise Mützenberg, jumelles et écrivaines
qui, dans Le piège du
miroir, livrent une autobiographie à deux
voix où elles alternent récit, prose poétique
et réflexion sur la gémellité.
[...]
Claire Krähenbühl - Denise
Mützenberg, Le piège du miroir, Editions de
L'Aire, 2002.
Anne Lavanchy
Edelweiss N°39
mai 2002
Troubles double
Difficile d'écrire "je"
quand on a grandi dans la chaleur étouffante du "nous"
gémellaire
[...]
Les contes, les mythes, les romans, la psychanalyse et l'anthropologie
ont donné mille interprétations du mystère
du couple gémellaire, de ses rites, de ses codes
secrets. Ces deux-là ont eu besoin de tracer leurs
propres chemins l'une vers l'autre. Surmontant leurs réticences,
elles se sont retrouvées à plusieurs reprises,
face à face, dans ces résidences qui s'offrent
aux auteurs, comme la Fondation Ledig-Rowohlt au Château
de Lavigny. En juillet 1999, devant le texte de l'autre,
l'une se dit: "... c'est moi qui aurais dû l'écrire."
Et elle ajoute: "Boucle bouclée."
Claire Krähenbühl - Denise
Mützenberg, Le piège du miroir, Editions de
L'Aire, 2002.
Isabelle Rüf
04.05.02
Un oeuf pour deux
Claire et Denise, nées Oberli
il y a soixante ans à Yverdon, tissent ici un dialogue
poétique autour de tâches (peut-être)
sans fin pour elles qui sont des jumelles: réparer
le tissu poreux de leur corps expulsé trop tôt
du ventre maternel et coudre la lisière de leur identité.
[...]
De fait, écartelées
entre le désir d'être semblables et celui tout
aussi intense d'être dissemblables, elles ont endossé
des rôles à la fois pesants et libérateurs.
[...]
Claire Krähenbühl - Denise
Mützenberg, Le piège du miroir, Editions de
L'Aire, 2002.
Elisabeth Vust
02.06.02
"Deux jumelles, déjà
connues l'une et l'autre dans le milieu littéraire
romand, livrent à quatre mains, en dix ans, des épisodes
de leurs vies et de leurs sentiments autour de la gémellité.
[...]
Pierre-Yves Lador
18.06.02
Page créée le 27.06.02
Dernière mise à jour le 27.06.02
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