Beat Christen Beat Christen / Leer réel "Traduttore, traditore" : habituellement, le traducteur passe pour celui qui trahit l'original, l'expression authentique. Beat Christen écrit en allemand et en français, il est traducteur de l'auteur et auteur de la traduction. Invitées à un dialogue, les deux langues cherchent un terrain d'entente. Le cheminement d'une langue peut amener l'autre dans une impasse. Cela suscite détours et égarements. Pourtant, l'impossible impose un autre possible : ainsi le traducteur a parfois forcé l'auteur à revoir son original, parce que le traducteur avait trop bien revu sa copie. Beat Christen, Leer réel, Editions d'en bas, 2003.
Poèmes extrait de "Leer réel"
Extrait de la Postface de Martin Zingg Un auteur qui fait équipe avec lui-même [...] La question est tout autre. Elle est unique en son genre et embrouillée à plaisir, de telle manière que l'on ne sait pas toujours très bien quel est "l'original". Les deux poèmes, tantôt en français, tantôt en allemand, sont le texte original, tous deux ensemble. Et c'est ensemble qu'ils créent un tiers poème, ce que ne peut faire aucune traduction : un poème bilingue, un poème qui entretient la même proximité avec les deux langues et qui résiste, en fin de compte. Tout en ne cessant de faire référence à son bilinguisme, tout en gardant à l'oeil (et donc au mot) les différences entre les deux langues, cela va sans dire. Comment cela peut-il fonctionner ? Comment une
acrobatie reliant deux langues entre elles peut-elle nous en dire plus
que la distance naturelle qui sépare ces deux langues ? Nous savons
depuis toujours que la même chose se dit en mots différents
dans chaque langue. Mais lorsque deux poèmes sont imprimés
côte à côte et s'efforcent tout ensemble de dire quelque
chose qu'ils ne peuvent dire qu'en commun, cela surprend. Lire un seul
des deux poèmes - quel qu'il soit, dans quelque langue qu'il soit
- c'est ne lire qu'à moitié. Peu importe laquelle on lit,
il y manquera toujours une moitié. Car l'autre moitié relativise.
Elle élargit et rétrécit, elle coupe la parole et
corrige, elle déniche dans son lexique ce qui ne se trouve pas
ailleurs ou autrement mais qui est constitutif du poème. Il faut
l'autre pour dire vraiment la même chose. Martin Zingg
Extrait de la Postface de Daniel Maggetti Entre les langues [...] Ce qui domine chez lui, c'est la certitude de la
relativité des langues; en pratiquant la double expression, il
s'installe entre les langues, dans
un espace précaire et fécond, extensible mais aussi contraignant,
immense tantôt, tantôt exigu. De par sa trajectoire particulière,
c'est là, dans cette fêlure qui est à
la fois rupture exhibée et intime mis en contact, que ce
poète se livre à la quête primordiale, celle à
laquelle tout écrivain doit se confronter : la quête de sa
langue. Daniel Maggetti
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