Pascal Rebetez
Pascal Rebetez, Passions, Editions de
l'Aire.
Retrouvez également
Pascal Rebetez
dans nos pages consacrées aux auteurs
de Suisse.
Pascal
Rebetez / Passions |
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Préface
"Les poèmes d'amour
devaient être remboursés par les caisses
maladie. Ils nous font nous sentir moins seuls. Tes
Passions sont trois suites qui prennent par
la main et qui consolent. Elles rappellent qu'on a
le droit et même l'obligation d'être fou
et lucide à la fois. Naïf et cynique.
Il faut les lire, ne serait-ce que parce que la raison
les condamne. Et finalement, elles prônent bel
et bien la fidélité et le mariage. Mais
la fidélité avec soi-même, et
le mariage avec la race humaine tout entière..."
Claude-Inga Barbey
Pascal
Rebetez, Passions, Editions de l'Aire.
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Poèmes
extraits de Passions |
18e jour
Ton nom de gare pour toute attente
où mènent
les trains de mon enfance.
Ton nom de gare à chaque station au nord
de mes migrations.
Ton nom de gare où je viens poser mon
kiosque à rêves.
Ton nom de gare et de putain et de reine et
de guerre à gagner.
Ton nom de gare crée des horreurs quand
les départs sont à l'horaire.
Ton nom de gare et nos trains qui s'emballent.
Dans la Bauknecht
le linge sale tourne sur lui-même.
Je demeure.
Sainte Rita
pillez pour moi les ressources humaines
moi qui ne sais plus voler, Icare déplumé,
vautour affamé
ex-aigle disgracieux au soleil confondu
- sept années pour refaire une peau!
- Les ailes alourdissent pour qui vécut
la puissance de l'azur
l'orgasme des filles arc-boutées
l'éternité des promesses datées
quand l'amour était une plage
nourrie par les marées
quand l'amour est une image
à renflouer la vérité.
Sainte Rita vue à Barcelone
veillez sur moi
mauvais sujet sans repentance
carne poilue des rémissions
missionnaire autiste de l'absolu
et de ses lâchetés.
Un mouchoir de poussière
couvre les musiques du monde.
Le silence éternue.
46e jour
Le sexe est un lapin domestique qui
passe sa
jeunesse à ronger sa cage,
à creuser son terrain jusqu'au jour où, affamé,
il s'évade, le sexe,
ivre de sauvagerie, il devient lièvre courant
les futaies et les bois.
Le sexe est dans les villes et par-dessus les
lois.
Il gambade, le lièvre,
provoquant les chasseurs et les loups.
Le sexe est un repas qui mijote son fusil.
©Editions de l'Aire 2003
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Passions par
Monique Laederach |
Passions
"Avec les mots, il faut savoir
rester digne. Alors, écrire sur la passion, c'est
avoir forcément recours à la symbolique, à
la poésie: "sang,
entrailles, incendies, arbres brisés, foudre, rouille"
Trop pressés que nous sommes pour les explications,
trop exaltés pour les nuances, trop affamés
pour les politesses. Trop de douleur, trop vite"
Claude-Inga Barbey, qui offre à Passions
sa préface, comprend mieux que l'auteur Pascal Rebetez
ce qu'il a cherché à dire. Il y a juste un
mot erroné dans le passage cité ci-dessus:
ce que fait Rebetez n'est pas "écrire sur
la passion", mais "écrire dans
la passion". Jour après jour, tandis que la
ronde des montagnes russes s'accélère, il
essaie de noter au vol les ailes qui l'emportent, qui l'empêchent
de marcher, ou qui l'entraînent dans l'abîme.
Seulement, il est pris tout entier dans le chaudron de ses
sentiments, et c'est un philtre aussi vénéneux
et hallucinatoire que celui des sorcières de Macbeth,
mêlé d'herbes cependant qui lui font croire
qu'il pourra exprimer sobrement son état.
Mais non.
Le propre de l'écriture à chaud est, précisément,
d'occulter, de reproduire les images dans une logique compréhensible
seulement en liaison avec le tout, c'est-à-dire avec
ce qui est éprouvé et partagé, mais
pas dicible. Et les images de Pascal Rebetez, si elles reflètent
quoi que ce soit, ne reflètent que le chaos de la
convulsion émotionnelle, où la douleur le
dispute à chaque geste à l'amour.
C'est peu dire que le lecteur est largué par un déferlement
d'images qui s'enchaînent selon des lois mystérieuses
et, pour nous, absurdes, ou, du moins, guère cohérentes.
Cependant, les erreurs poétiques mêmes ont,
elles, la capacité de signaler au moins les contours
de l'état dépenaillé où rejoindre
celui qui parle. Et, par exemple, il y a cette manière
de recommencer constamment son escalade, de répéter
sans cesse les mêmes mots pour se sauver de l'engloutissement;
il y a que le chaos verbal lui-même, s'il ne signifie
pas, imite pour le moins le chaos vécu; il y a que
l'absurdité de certains enchaînements reproduit
l'absurdité réelle; il y a enfin ces coupures
des vers ou des poèmes, aléatoires, brutales,
à l'image d'un amant qui ne finit pas sa nuit paisiblement
à côté de celle qu'il aime, mais dans
le brouhaha insensé d'images entre douche, espoirs
et suspension telles que nous les renvoient les textes.
De la poésie? On ne sait pas. De la passion brute,
comme on parle d'art brut; une poésie qui coule dans
les mots selon l'absurde inhérent à toute
passion, et comme la passion ne se partage jamais qu'avec
un seul être, ces "poèmes" ne se
transmettront vraiment qu'à une seule lectrice, sans
doute - et qui a peut-être, qui sait, déjà
rejoint les plateaux froids des petits-déjeuners
de l'hôtel, douchée de frais pour un nouveau
jour d'autre passion?
Monique Laederach
Pascal Rebetez: Passions, préface
de Claude-Inga Barbey, Ed. de l'Aire, 132 p.
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Le poète
galope par Jaques Sterchi |
Le poète galope
Vous pouvez, bien sûr, comme
Claude-Inga Barbey en sa dépressive préface,
réaffirmer que la chair est triste et la passion
morbide. Mais galopez plutôt sur les vers qui suivent,
signés de l'écrivain et éditeur jurassien
Pascal Rebetez sous le titre Passions.
Le sentiment amoureux, quand il versifie, n'a que faire
de la psychologie. Ecoutez et proférez: "J'abonde
à ton sang./ Sur le flanc de ton verbe, les traces
pro-mises/ du sacrifice ... " Et puis: "J'abonde
à ton sang./ Jusqu'à me diluer dans tes éclats
de mère,/ jusqu'à frapper le berger indolent
de mon/ troupeau en règle, ... " Et encore:
"Venir à toi par les airs et les trains,/ une
cor-de dénouée balise le chemin ... "Trois
passions, autant de textes bandés et débondés.
Ça lâche dans le rythme poétique comme
une cavalcade. C'est lyrique? Mais oui, bien sûr,
comme le dé-sir ou le regret. Et c'est mobile, nerveux.
Car écrire à propos de la passion, c'est surécrire,
laisser aller. Et c'est tant mieux. Lâcher. Il faut
lire. A haute voix. En gueulant. En prenant le risque d'un
écho amoureux universel: "et la peur, la peur
sauvage, ha-letante, du nomade". C'est si rare, les
livres d'amour trop forts.
Jacques Sterchi
24 MAI 2003
Page créée le: 02.06.03
Dernière mise à jour le 02.06.03
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