Patrick Amstutz
Patrick Amstutz, La Langue et le Politique,
Editions de L'Aire, 2001
Patrick Amstutz / La Langue et Le Politique
Les mots sont-ils vos alliés ?
Quel rôle joue l'écrivain face au langage ?
Peut-on rêver d'une langue comme d'un-e amant-e ?
Possède-t-on une langue comme on habite un pays ?
S'il y a attachement à une terre et/ou à une langue partagée
avec d'autre, cela n'exige-t-il pas une participation à la vie
de la cité ? Comment dès lors se concrétise votre
engagement de citoyen-ne ?
Ont répondu à ces questions
Etienne Barilier - Georges Borgeaud - Nicolas Bouvier
- Pierre Chappuis - Sylviane Chatelain - Laurence Chauvy - Gaston Cherpillod
- Bernard Comment - Claude Darbellay - Corinne Desarzens - Marie-Claire
Dewarrat - Sylviane Dupuis - Christophe Gallaz - Vahé Godel - Anne-Lise
Grobéty - Georges Haldas - Elisabeth Horem - Jean-Dominique Humbert
- Roger-Luis Junod - Claire Krähenbühl - Monique Laederach -
Jean-Georges Lossier - Pierrette Micheloud, Jean-Pierre Monnier - Marie-José
Piguet - Amélie Plume - Daniel de Roulet - Catherine Safonoff -
Madeleine Santschi - Jean Starobinski - Pierre-Alain Tâche - José-Flore
Tappy - Anne-Lise Thurler - Eliane Vernay - Pierre Voélin - Alexandre
Voisard - Frédéric Wandelère - Yvette Z'Graggen -
Maurice Zermatten
Patrick Amstutz,
né à Bienne, est chargé de cours à l'Université
de Fribourg, où il enseigne la littérature de langue française.
Il rédige actuellement une thèse sur Pierre Klossowski et
la latinité, et prépare une édition des textes en
prose et des articles critiques de Jean-Georges Lossier.
Patrick Amstutz, La Langue et le Politique, Editions
de L'Aire, 2001
Extrait de l'introduction, par Patrick Amstutz
La longue aventure de cette enquête, qui
aura duré pas moins de quatre ans, puise ses sources aussi bien
dans des hantises et des pratiques singulières que dans l'esprit
d'une époque à laquelle elle appartient sans doute pleinement.
La Suisse a connu, dans la dernière décennie du XXe siècle,
une période de son histoire extraordinairement mouvementée,
qui a suscité de fortes remises en question. Celles-ci, par surcroît,
ont été ressenties avec d'autant plus d'acuité qu'elles
perturbaient et contrariaient les festivités officielles prévues
pour deux anniversaires exceptionnels. Mais ces années-là,
c'est aussi, c'est surtout, c'est d'abord le retour en force et en horreur
de la guerre sur le continent, aux portes de nos démocraties, et
la démonstration de la faiblesses politique de l'Europe vis-à-vis
des Etats-Unis. La gravité d'un tel événement devait
pour le moins troubler les consciences et donner l'occasion à certains
intellectuels de repenser leur rôle ou reconsidérer le sens
de leur responsabilité.
Enfin, au milieu des années 1990, pour différentes
pratiques culturelles qui concernent aussi bien les aspects documentaires
(banques de données, bibliothèques, librairies, etc.) que
ceux de l'écriture (courrier, textes ou extraits littéraires
gratuitement téléchargés, etc.), l'accès de
plus en plus courant des personnes privées à l'internet
radicalise la révolution médiatique censée permettre
à la périphérie d'être au centre et au centre
d'être en périphérie.
La conjonction de tous ces faits a donc également
commandé, en quelque sorte, ce travail : le moment était
opportun pour engager une réflexion qui lie les aspects de la langue
et du politique.
© L'Aire
Patrick Amstutz
Extrait de la Postface, par Daniel Maggetti
... Du fait du grand nombre d'auteurs contactés,
ce n'est pas seulement une manière d'instantané que l'on
observe ; selon les générations, la formation ou encore
les genres pratiqués par les écrivains qui témoignent,
c'est aussi au climat ou aux tendances d'une époque que l'on a
accès.
... Avec une telle enquête, nous voilà
dans la ligne de ce qui a été tenté par des revues
: à des moments historiques charnières, à la faveur
d'un anniversaire, ou en prolongeant des débats liés à
l'actualité, nombreux sont les périodiques qui ont placé
des écrivains face à des questions de nature politique,
en leur laissant parfois choisir leur propre forme de réponse.
... En compagnie d'Yves Velan et de quelques auteurs
de la génération de Rencontre, Ramuz était du reste
à ce jour un des rares écrivains romands consacrés
dont on puisse assez aisément retracer, à partir de textes
bien connus, les positions vis-à-vis de l'une et de l'autre des
problématiques abordées ici. C'est dire que ce livre fait
oeuvre de pionnier ; cela mérite d'être salué, et
nous savons gré à Patrick Amstutz non seulement d'avoir
voulu nous faire entendre des voix singulières, mais encore d'avoir
conçu une véritable partition.
Daniel Maggetti
Revue de presse
Les écrivains
romands, la langue et la politique
[
] le résultat s'avère passionnant.
[
] Les réponses nous fournissent un bon panorama du rapport
de l'écrivain romand avec l'engagement civique et la politique.
Le résultat ne surprendra pas. La politique est tenue à
distance, en lisière, bridée, dans la presque totalité
des cas. [
]
En fait, ce sont les écrivains les plus âgés, ceux
qui ont accompli la traversée du 20e siècle qui accordent
le plus d'importance à l'engagement politique. Yvette Z'Graggen
parle de sa jeunesse nourrie de Sartre et de Camus et de l'importance
d'utiliser sa " petite notoriété d'écrivain
" pour signer des pétitions. [
]
Jacques GUYAZ
Domaine public N° 1473
Lausanne, 18 mai 2001, p. 7.
Des écrivains
face à eux-mêmes
[
] Cette enquête est un excellent instrument
de travail, grâce en particulier à l'étendue du champ
qui a été sondé. [
]
Les réponses sont très diverses, et pour tout dire hétérogènes
: au laconisme de certains répond heureusement le développement
nuancé et réfléchi de beaucoup d'autres qui, à
l'image de José-Flore Tappy, évoquent une " relation
laborieuse avec les mots, tâtonnante, obstinée, vitale mais
souvent frustrée, qui ne saurait faire l'économie des conflits
ni de moments d'incommunicabilité : impasses, dialogues de sourds,
parfois véritables traversées du désert... A d'autres
moments, il arrive qu'on s'amuse, avec insouciance ".
Parmi les nombreux enseignements que l'on peut tirer de cette enquête,
relevons seulement que ce sont les femmes qui, le plus souvent, parviennent
à lier la langue et le politique, et donc à traverser le
questionnaire sans trop d'accrocs [
].
Arnaud BUCHS
Ecriture N° 58
Lausanne, automne 2001, p. 201-202.
Un imaginaire de
la langue
C'est à l'exposition d'un imaginaire
de la langue qu'invite l'enquête de Patrick Amstutz, menée
auprès d'une quarantaine d'auteurs suisses de langue française.
Le critique leur a adressé six questions qui les incitaient d'emblée
à une approche métaphorique de la langue [
]. Il s'agissait
donc, tout à la fois de rêver son rapport à la langue
et de se situer, notamment dans la francophonie. Tous ont répondu
à cette double invite, parfois avec un peu d'humeur ou d'ironie,
en développant leur position en de brefs essais souvent remarquables.
[...]
D'une manière générale, la langue est perçue
comme précaire, mouvante : l'image du fleuve pour décrire
l'écoulement des mots est récurrente. Face à ce statut
" transitoire " de leur outil de travail, c'est une posture
d'effacement et de réceptivité que privilégient les
auteurs romands. [
]
Cet état poreux de la langue correspond peut-être au sentiment
" transitoire " du territoire chez les auteurs romands. Car
bien loin de l'idée reçue d'une poésie du terroir
dans laquelle on tend à les enfermer, ils témoignent d'une
conscience de leur situation limitrophe et frontalière. [
]
Les auteurs romands se montrent donc logiquement méfiants devant
les mythes, les utopies ou autres idéaux de la langue. [
]
Dominique KUNZ WESTERHOFF
Europe N° 875
Paris, mars 2002, p. 327-329.
L'écriture,
cet engagement
[
] Comme le souligne Daniel Maggetti dans
sa postface, cette passionnante enquête se lit d'abord comme une
suite de témoignages. Les réponses sont si diverses qu'elles
relativisent une fois de plus l'éternelle étiquette "
littérature romande ". Et qu'elles ne permettent pas d'en
tirer des conclusions simples.
Tout au plus peut-on constater que les auteurs interrogés rechignent
à lier attachement à une langue et engagement politique.
[
] Souvent, cette attitude se fonde sur un raisonnement que résume
Anne-Lise Thurler : " Au fond, la question de l'engagement ne devrait
même pas être posée, puisque la prise de parole, d'autant
plus si elle est publiée et donc publique, est déjà
un engagement. "
Autre surprise : peu d'écrivains abordent le sujet de la Suisse
comme carrefour des langues. Vivre dans un pays multilingue et écrire
dans une langue qui est minoritaire semblent être admis comme des
évidences. [
]
Au final, La langue et le politique semble constituer des fondations
: il pourrait être une étape précieuse pour un vaste
travail, qui tracerait un portrait d'ensemble du sujet à la fois
en vogue et en mutation qu'est la francophonie.
Eric BULLIARD
La Gruyère N° 72
Bulle, samedi 23 juin 2001, p. 24.
L'écrivain,
capable de s'impliquer politiquement ?
Patrick Amstutz a mené l'enquête :
oui, nos auteurs romands s'investissent dans la vie publique, même
s'ils réservent leur révolte à leurs écrits.
Frileux, désengagés, nombrilistes : il colle aux basques
des écrivains romands certains lieux communs cruels. Chargé
de cours à l'Université de Fribourg, Patrick Amstutz, 34
ans, a pris cinq ans pour enquêter et nuancer ce constat. "
La langue et le politique " sonde un panel de quarante écrivains
" suisses de langue française " - hommes et femmes nés
entre 1910 et 1960, poètes, romanciers ou essayistes. [
]
Leurs réponses invitent d'une part à une relecture avertie
de leur uvre. D'autre part, sur la question du politique, ils démontrent
très bien que l'engagement ne survient pas forcément là
où on l'attend.
[
] Ainsi Sylviane Dupuis : " L'écriture est une langue
à l'intérieur du langage, susceptible d'exercer une action
sur le réel lui-même (...) : on sort métamorphosé
de la lecture de Proust, de celle de Beckett. "
Ce que le jugement populaire prend pour du silence couard s'avère
être un symbole de résistance aux tics de l'époque
[
]
" Les écrivains nés après 1960 sont obligés
d'envisager autrement le rapport au politique, constate Patrick Amstutz
: les frontières n'ont plus le même sens, la pertinence du
projet Suisse est à réinventer à l'heure où
l'Europe s'unit... Mais en même temps, la surabondance d'images,
de paroles provoque l'écurement. " Et l'écrivain
solitaire pourrait redevenir furieusement moderne.
Isabelle FALCONNIER
L'Hebdo N° 31
Lausanne, 2 août 2001, p. 74-75.
Les auteurs suisses
romands ne hurlent pas avec les loups
Que le pouvoir de l'économie ait pris le
pas sur celui du politique, nul ne l'ignore plus depuis longtemps. Plus
d'idéologies à promouvoir par conséquent, d'autant
moins que l'image submerge la parole. Rien de très étonnant,
dans ce contexte d'immédiateté repoussant la réflexion
aux marges de ses préoccupations, que les écrivains se soient
détournés des manifestes engagés et faiseurs d'opinions.
[
]
Autour d'une autre des six questions posées, " Peut-on habiter
une langue comme on habite un pays ? ", les auteurs romands en présence
font ressortir une évidence : la spécificité helvétique
écarte la tentation de se définir par une seule langue.
Elle n'est pas ici un pays politique [
]. On est dès lors
à des années-lumière de ce qui se passe ailleurs
et pas très loin, en Ukraine occidentale par exemple, où
une immense statue du poète Tarass Chevtchenko siège dans
le parc qui fait face à l'Université de Lviv. La langue-nation
prend alors toute son importance. [
] dans ce bref survol de quelques
éléments d'une enquête non seulement utile, mais nécessaire
[
] et dont les diverses contributions se lisent avec plaisir et
intérêt - on y revient même pour comparer certaines
réponses - il convient de souligner, sous la plume de Bernard Comment,
le souci de la défense de la richesse de la langue française,
" dans une société dominée par l'écran
(...) où l'abrutissement (...) passe par l'appauvrissement des
moyens d'expression ". / SOG
Sonia GRAF
L'Impartial
La Chaux-de-Fonds, samedi 14 juillet 2001, p.
14.
L'écriture,
un engagement de citoyen
La langue et le politique, qui vient de
paraître aux Editions de L'Aire, est le fruit d'une longue enquête
menée auprès d'une quarantaine d'écrivain(e)s de
Suisse romande. [
] Il en résulte une palette de réponse
riches et contrastées. [
] Pourquoi le politique ? Patrick
Amstutz, l'auteur biennois de cet ouvrage, l'explique dans son introduction
: " Il fallait éviter que l'on infléchît le sens
de mes questions du côté de la politique partisane, alors
qu'il s'agit ici d'abord et avant tout de l'engagement de l'écrivain
citoyen dans la vie de sa cité, quelle que soit la forme que peut
revêtir cet engagement, dans son acception la plus large. "
[
]
Dans La langue et le politique, certains écrivains prennent
position de manière tranchée sur des sujets qui ont marqué
la vie politique suisse ces dernières années, comme l'affaire
des fiches de la police fédérale ou l'exposition nationale.
Jean-Philippe RUTZ
Le Journal du Jura
Bienne, mercredi 16 mai 2001, p. 40
L'engagement politique
dans les lettres romandes : tiède souci
Chargé de cours à l'Université
de Fribourg, Patrick Amstutz a interrogé 39 écrivains romands
sur leurs rapports à la langue et notamment à l'engagement
citoyen. A lire entre les lignes : le modèle confédéral
suisse et la " littérature romande " ne passionnent pas
les écrivains. Le débat se porte plutôt sur la francophonie
et sur la langue française. [
]
Jacques STERCHI
La Liberté
Fribourg, samedi 14 juillet 2001, p. 33.
Quand les écrivains
romands parlent de la langue
[
] Patrick Amstutz a mené une vaste
enquête effectuée au milieu de la dernière décennie.
Trente-neuf plumes ont tracé des réponses oscillant entre
linguistique et politique. [
] Attendait-il une analyse ? De par
la nature de ses questions faussement bateau, il n'a eu que des voix,
somptueuses, merveilleuses, tranchantes, des pensées vives sur
la nature de la langue et du langage, des voix vastes et intimes, profondes,
questionnantes, certaines venant de l'envers du décor, celles des
disparus, Nicolas Bouvier, Georges Borgeaud, Jean-Pierre Monnier, Maurice
Zermatten.
[
]
Plusieurs écrivains abordent la mise en forme des mots comme nécessaire,
pour saisir la langue comme matière mouvante. " Une condition
de sa permanence et de son redéploiement dans l'esprit du lecteur
" souligne Pierre Chappuis.
Pierre Voélin, comme Haldas, privilégie la voix spirituelle,
les mots sont une figuration provisoire, mais ils éclairent notre
destin, " ils dessinent les contours d'une vraie rencontre avec le
monde... "
[
]
Et le politique ? Alexandre Voisard qui a fortifié son art poétique
à l'épreuve du grand public nous renvoie à la mémoire
: " J'ai appris alors que la poésie n'a rien à voir
avec l'abstraction où certains la confinent et la séquestrent,
mais avec la mémoire et, cela fut donc démontré,
avec la mémoire collective. "
Yves-André DONZÉ
Le Quotidien Jurassien
Delémont, samedi 21juillet 2001, p. 27.
Ecrivaines plus
enclines à la métaphorisation
[
] Ces contributions constituent [
]
une introduction précieuse à la littérature romande
contemporaine, dans sa diversité mais aussi dans quelques-unes
de ses constantes, et ouvrent aux uvres singulières, en particulier
pour les nombreuses auteures féminines.
En introduction, Patrick Amstutz fait référence à
l'édification imaginaire qu'entraîne l'exil ou l'extra-territorialité,
chez Jabès, chez Stétié, face à la langue,
et annonce le prolongement de l'enquête auprès d'écrivains
d'autres régions francophones ou de France. Son questionnaire "
suggère l'altérité [de la langue] à la place
d'une identité de filiation ", et les Suisses semblent de
fait assez détachés de toute idéalisation de la langue
maternelle (la langue, " ça tombe dessus ", écrit
Corinne Desarzens) - à l'exception de Maurice Zermatten, regrettant
" le doux langage franco-provençal, appris sur les lèvres
de notre mère ", c'est-à-dire le patois du Valais aujourd'hui
quasiment disparu. Mais ils se montrent tout aussi réticents face
aux tentatives de personnification : " de l'amant, elle n'est que
la trace, l'empreinte légère, la promesse " (Sylviane
Chatelain). C'est donc bien plutôt à une démythification
de la langue que travaillent leurs réponses, souvent avec une certaine
drôlerie : la langue, plutôt qu'une instance érotique,
serait la partenaire d'un mariage arrangé depuis toujours (Daniel
de Roulet), ou une fille de joie chez qui " le mac est mieux accueilli
que le moraliste " (Gaston Cherpillod).
[
] Les auteures sont les plus clairement enclines à la métaphorisation.
Les mots leur apparaissent comme des " boules de feu " ou des
" projectiles " (José-Flore Tappy), comme des "
clous " ou des " balles " (Marie-José Piguet) ou
encore comme des pointes susceptibles de briser " l'écran
de verre " des expressions convenues (Sylviane Chatelain) : les écrivaines
sont aussi les plus activement dynamiques dans leur rapport à la
langue.
[
]
Si une conscience politique a marqué régulièrement
la vie littéraire de la Suisse française, à travers
des revues fameuses comme les Cahiers vaudois ou à l'occasion
de circonstances historiques exceptionnelles, les auteurs eux-mêmes
paraissent assez désabusés quant à la place de l'homme
(ou de la femme) de lettres dans la Cité : [
] l'auteur paraît
soit retiré, soit dissocié du citoyen actif. Et s'il se
pose en membre de la collectivité, ce sera celle de l'universel,
à l'image de Jean-Georges Lossier, intercesseur pour le CICR d'une
" Genève étendue à l'humanité ".
Dès lors, la politique s'éloigne et fait place au
politique tel qu'il opère dans la langue même. Henri
Meschonnic avait récemment effectué le rapprochement, dans
Politique du rythme, politique du sujet (Verdier, 1995), de toute
pensée poétique avec une invention de l'éthique.
Sur ce plan, les auteurs romands se montrent virulents : que ce soit par
la représentation du réel (" prêter ma voix à
un requérant d'asile, à une ouvrière ou à
une petite prostituée colombienne est une manière de résister
et de m'opposer à l'oppression et à l'injustice ",
Anne-Lise Thurler), ou par un travail d'action sur la langue, notamment
sur les accords au masculin chez Pierrette Micheloud, ils sont unanimes
à voir dans la parole de l'écrivain le lieu d'une discordance,
d'une désobéissance et d'une incertitude face aux conventions.
C'est ainsi que le mot de Rimbaud, " trouver une langue ", rencontre
son écho chez Ramuz, choisi à maintes reprises comme référence
par ces auteurs de toutes générations : faire " rendre
gorge " à la langue...
Dominique KUNZ WESTERHOFF
La Revue de Belles-Lettres N° 1-2
Genève, 2002, p. 114-117.
La langue et le
politique vus par 39 écrivains
Chargé de cours en littérature de
langue française dans notre université, Patrick Amstutz
vient de publier une enquête sur La Langue et le politique
aux éditions de L'Aire. Il a posé six questions à
trent-neuf écrivains suisses francophones. [
] Déclinées
sur le ton affectif, les questions ont trouvé des réponses
souvent très riches et développées, parfois laconiques,
très contrastées les unes par rapport aux autres, et toujours
inédites. [
]
Stéphanie ROULIN
Spectrum
Fribourg, octobre 2001, p. 18.
Les écrivains
et la langue, une histoire d'amour ?
Un questionnaire révèle comment trente-neuf
auteurs romands définissent leur rapport aux mots, au pays et à
l'engagement dans la cité. Pas si passionnel que ça, mais
complexe.
Les auteurs romands ont la réputation d'être moins engagés
politiquement et socialement que leurs confrères alémaniques.
C'est un débat ancien qui date des années où Frisch,
Dürrenmatt puis quelques-uns de leurs héritiers tels Peter
Bichsel, Nicolas Meienberg ou, tout récemment, Adolf Muschg et
Hugo Loetscher prenaient publiquement position dans le débat public.
[
]
Les six questions peuvent s'adresser à tout écrivain, quel
que soit son environnement, mais peut-être de manière plus
sensible quand il se situe " dans les marges ", Antillais, Africain,
Maghrébin, Québécois, Wallon ou Suisse francophone.
[
]
Isabelle RÜF
Le Temps
" Samedi culturel ", Genève,
samedi 28 avril 2001, p. 10.
|