Etienne Barilier Etienne Barilier / L'Enigme Au coeur du désert égyptien, au début des années 1970, un étudiant fait une trouvaille qui pourrait bouleverser les fondements de la religion chrétienne, donc de notre civilisation : un manuscrit écrit par un Grec vivant en Palestine, qui a rencontré Jésus, et qui donne enfin la clé de l'énigme de sa résurrection. Une clé à laquelle personne, ni croyants ni athées, n'avait jamais pensé. Cette découverte ira de pair, pour l'étudiant, avec celle de la vie, de ses surprises et de ses pièges, de ses démons et de ses merveilles. Elle lui donnera l'occasion de vivre l'amour et d'affronter les réalités. Ce roman sur la religion est donc aussi un roman d'apprentissage, où la quête du vrai se confond avec le désir du beau : le roman d'une époque aussi, où tant d'idéaux se sont égarés ou dévoyés, mais où chacun, jeunes et moins jeunes. s'acharne à sa manière sur la seule question qui compte : résoudre l'énigme du monde. Etienne Barilier est l'auteur d'une trentaine d'ouvrages, romans et essais. Parmi ses romans, citons Le Dixième Ciel, Le Chien Tristan, La Créature, Musique, Un rêve californien. Parmi ses essais, Albert Camus, La Ressemblance humaine, Contre le nouvel obscurantisme. Etienne Barilier, L'Enigme, Editions Zoé, 2001.
Etienne Barilier
/ Prix Dentan 2002 Jexprime toute ma reconnaissance au jury du prix Dentan. Lhonneur quil me fait me touche vivement, et peut-être aujourdhui plus que jamais : lorsquil débute, un écrivain a besoin dêtre encouragé. Mais plus tard, lorsquil continue de nêtre quun écrivain, il a besoin, parfois, dêtre gardé du découragement. À vingt ans, il vit lécriture comme une aventure tout intérieure, toute personnelle. Mais au fur et à mesure que les années passent, il éprouve plus intensément la nécessité de recevoir de la société des signes dintelligence, et de reconnaissance. Jeune, il sinterroge sur sa vocation. Moins jeune, il sinterroge sur son rôle. Il a besoin que le réel ait besoin de lui. Il se demande avec une anxiété que les années aggravent : pourquoi créer de la fiction ? Et pour qui ? Cest dire si je suis heureux de recevoir un prix littéraire comme celui-ci. Heureux, dabord, que ce genre de prix puisse exister. Car à travers lui, la société, cest-à-dire la réalité, ne rend-elle pas hommage à la fiction ? Ne lui donne-t-elle pas une manière de reconnaissance publique, dadoubement social ? Lespoir de lécrivain serait donc fondé : la fiction emporte quelque chose du réel, elle apporte quelque chose au réel, et le réel lui en donne acte ! Il ny a peut-être pas là de quoi se montrer si stupéfait. Personne na jamais nié que la fiction romanesque apporte quelque chose au réel. La fiction divertit, au sens le plus noble du terme ; disons plutôt quelle nous arrache, sans violence, au divertissement quest la vie quotidienne. Elle peut nous procurer les douleurs aimables et les joies pures dune vie seconde. Elle nous fait le don précieux dun temps qui a les vertus dun espace, et quon peut parcourir en tous sens un temps de liberté. Cest de cela, sans doute, quon est reconnaissant à lécrivain. La fiction romanesque a-t-elle besoin dautre chose pour convaincre et se convaincre quelle enrichit le réel ? Donner du plaisir et parfois du bonheur, nest-ce pas suffisant ? Faut-il espérer davantage ? *** Oui, jespère davantage. Du moins voudrais-je massurer que lécriture dun roman, pour être une activité très particulière, nest pas pour autant une activité marginale, et qui se pratiquerait dans le refuge clos de limaginaire. Ce que je crois, cest que la littérature ne sécrit ni ne se lit hors les murs de la société, ou de ce quon appelle la vie, mais bien au cur de la cité humaine. Tout simplement parce que le réel et limaginaire ne sont pas deux mondes séparés comme prétendent lêtre le travail et les vacances, mais que toute activité humaine digne de ce nom a partie liée avec limaginaire. Comment oublier en effet que lêtre humain tout entier est un être dimaginaire, et même, sans jouer sur les mots, sans forcer sur la métaphore, un être de fiction ? La seule spécificité de la littérature, nest-ce pas de jouer, sur une scène intérieure, ce mystère de limaginaire, comme au Moyen-Age on jouait sur le parvis des églises des Mystères qui tramaient et orientaient toute la vie de la communauté ? Oui, la fiction romanesque nest quun cas particulier de la fiction humaine : la fiction, cest-à-dire lentreprise de faire exister un monde qui nexiste pas entreprise que tente, à sa manière, et par les moyens du langage, le romancier est la chose du monde la mieux partagée. Lhomme, dans toutes les activités qui le définissent en tant quhomme, a-t-il jamais fait autre chose que sinventer lui-même, et se projeter hors de lui-même en concevant ce qui nest pas, ce qui nest pas encore ? Nest-il pas lêtre capable de songe ? Limagination nest-elle pas la reine des facultés ? Ce quon appelle la réalité humaine, et quon prétend opposer à la fiction, est-ce autre chose que le fruit de limaginaire individuel et social, conscient et inconscient ? Est-il un seul acte, une seule pensée qui ne soit « fiction », cest-à-dire invention et création de soi, au sens où Erasme disait, résumant dun mot tout lhumanisme : homines non nascuntur sed effinguntur les hommes ne naissent pas, ils se façonnent, ou si josais risquer le mot, ils se fictionnent ? Lêtre humain nest rien dautre quune puissance dimaginer, et de simaginer, donc dinventer ce qui nest pas, et de sinventer au travers de ce qui nest pas. Coleridge disait que la fiction littéraire demande au lecteur une « suspension volontaire de la méfiance ». On peut en dire autant de toutes les institutions humaines. Ce qui ne revient pas à les réduire à du vent, mais à en souligner la part de création, la nature créée. La fiction ne fait pas seulement les discours romanesques, elle fait aussi les discours politiques, religieux, sociaux, économiques, techniques. Dans ce quils ont de créateur, mais bien sûr aussi dans ce quils peuvent avoir dillusoire. Le pouvoir de fiction, ce nest pas seulement le pouvoir de façonner, de donner forme ; cest aussi, comme le veut létymologie, le pouvoir de feindre. Cest la faculté, si mystérieusement humaine, elle aussi, de présenter le factice pour le réel, de donner lombre pour la proie. Lhomme est tout entier pouvoir de fiction, oui. Pour le meilleur ou pour le pire. *** Il semble que je me sois terriblement éloigné de la fiction littéraire, celle des romanciers. Que vient-elle faire dans une définition si vaste et si générale ? Nest-elle pas devenue une goutte deau dans locéan créateur ou simulateur de lesprit humain ? Si tout est création, si la fiction est le propre de lhomme, en quoi lart des mots se distingue-t-il des autres activités de lesprit et des autres activités sociales ? Je lai déjà suggéré, et jy reviens : le roman na dautre singularité que de vivre à létat pur, ou à létat de jeu, si lon préfère, ce mystère de limaginaire humain ce mystère puissant, universel, ambigu et bifide. Si je recourais à la vieille image du roman comme miroir, je devrais dire que la fiction littéraire réfléchit tous les discours humains, et les révèle inventeurs ou menteurs, créateurs ou affabulateurs souvent les deux à la fois, dans des dosages variables. Je préférerais peut-être dire que le roman naît en ce lieu dincandescence où le langage humain, avant quil ne refroidisse et ne se fige en figures convenues, peut encore revêtir toutes les formes possibles, et se faire créateur ou simulateur de mondes. Cest pour cela que le roman me paraît être au cur de la vie sociale, et non pas à ses marges. De cette vie, la littérature est un témoin, à la fois vigilant et passionné. Vigilant dabord. Pourquoi vigilant ? Parce que le roman comporte en toute innocence, et comme par nature une dimension critique. Il ne peut pas ne pas discerner une voix derrière toute parole, et découvrir, derrière toute voix, un corps vulnérable ; un corps qui cherche, qui affirme, qui croit, qui aime, qui erre. La fiction littéraire laisse discerner, ou pressentir, en tout discours humain, la part dillusion, ou, pour le moins, la fragilité. Cest pourquoi elle a quelque chose à voir, sur un mode négatif, apophatique je dirais presque sur un mode muet avec la recherche de la vérité. Cela ne signifie nullement que lécrivain se tienne à distance du monde, encore moins « au-dessus » de lui, au-dessus de ces corps et de ces voix quil anime et quil écoute. Car ce contour humain que sa fiction repère et dessine autour de tout discours, lécrivain le reconnaît aussi, et dabord, dans son propre texte. Il tire parfois des flèches, mais cest un archer blessé. Il dit parfois que le roi est nu, mais il ne se prétend pas vêtu. *** Après la vigilance, ou plutôt avec elle, en elle, la passion. Car si la fiction est une conscience critique du langage, une attention souvent douloureuse à ses dissonances, et plus encore, à ses consonances factices, elle est aussi, et dans le même mouvement, un élan vers lharmonie, un élan lyrique ; un hommage à la puissance authentiquement créatrice, à la plénitude de limaginaire humain. Cette dimension lyrique, ce bonheur de créer, cet élan vers les mots vivants, voilà lessentiel. Sans cet élan, il ny aurait tout simplement pas décriture. On crée parce quon se sent irrépressiblement participer de la création humaine. On marche de compagnie avec ceux qui marchent. Et ce que lécrivain semble avoir retiré dune main, il le restitue alors de lautre. Il tend peut-être à dépouiller les discours et les gens de leur prétention à la vérité, mais dans le même temps il leur donne un surcroît de vie, dautonomie, dhumanité, de mémoire. Ce quil leur a pris de vérité, il le leur rend en beauté. Il a relativisé leur parole, mais il leur a donné le chant. À cette définition de la littérature, à la fois vigilance et passion, à la fois critique et célébration, jespère ne pas avoir été trop infidèle dans le roman que vous voulez bien récompenser aujourdhui. LÉnigme est dune certaine façon la recherche éperdue de la vérité du discours ; cest le récit dune quête, et, plus encore, dune soif. À tâtons, ce livre essaie de rejoindre le lieu impossible où la fiction, précisément, devient création ; où les vérités forgées parviennent à émettre, au feu même qui les forge, la lumière la plus vive et la plus révélatrice. Et je voudrais que ce roman réponde, de son mieux, à lidée ou, disons-le, à lidéal que je me fais de la littérature : un lieu dimaginaire singulier et révélateur, au cur dun imaginaire social si souvent inconscient de lui-même ; un lieu où le lecteur renoue avec sa propre puissance imaginative et puisse, en pleine conscience, mais en pleine innocence, se retrouver pour ce quil est, je veux dire un être créateur, et créateur de soi. Etienne Barilier
Extraits de presse Etienne Barilier : "La fiction peut en dire plus sur la réalité" L'écrivain reçoit le Prix Michel-Dentan 2002 pour "L'Enigme", roman d'apprentissage, polar archéologique et enquête métaphysique qui entraîne le lecteur jusqu'au Caire et à Jérusalem. C'est Etienne Barilier, pour son roman L'Enigme
(Zoé) qui a été choisi au quatrième
tour de scrutin, par six voix contre trois à Sylvie Neeman Romascano
pour Rien n'est arrivé (Denoël),
comme lauréat 2002 du Prix Michel-Dentan. Jean Kaempfer, président
du jury, lui remettra ce prix soutenu par Le
Temps et l'hebdomadaire Construire,
jeudi 23 mai à 18h, dans les Salons du Cercle littéraire
de Lausanne (7, pl. Saint-François) : la cérémonie
est ouverte à tous et sera suivie d'une réception offerte
par le Cercle. Etienne Barilier, L'Enigme, Editions Zoé, 2001. Marion Graf Le Prix Dentan à Etienne Barilier Etienne Barilier, auteur de "L'Enigme", remporte l'une des principales récompenses littéraires de Suisse romande, soutenue par "Construire" et "Le Temps" [...] Au centre de ce roman de 430 pages digne d'un Umberto
Eco, une énigme à déchiffrer, quelques phrases en
grec dont il s'agit de trouver le sens et qui, comme dans les romans de
notre jeunesse, vont amener le jeune héros à recherche puis
à découvrir... Etienne Barilier, L'Enigme, Editions Zoé, 2001. Jean-François Duval Un chemin de liberté Le Prix Dentan 2002 est remis aujourd'hui à l'écrivain lausannois pour son dernier roman, "L'Enigme", paru chez Zoé. Une reconnaissance très méritée Il y a plus de trente ans qu'Etienne Barilier a
fait son entrée sur la scène littéraire romande,
durant lesquels il a publié une quinzaine de romans et une douzaine
d'essais. Cette fécondité est allée de pair avec
le constant effort, dans le roman, d'inventer de nouvelles formes narratives
en fonction de chaque thème, tout en pratiquant une écriture
assez classique (à l'opposé d'un Chessex ou d'un Lovay,
Barilier n'est pas un styliste), et, dans l'essai, de développer
une réflexion de très haute volée sur les grands
thèmes contemporains de l'unique vérité (l'admirable
Grand inquisiteur) ou de l'incantatoire
différence La ressemblance humaine),
l'antinomie gauche-droite incarnée par Sartre et Aron (Les
petits camarade) ou les dérives du nouvel obscurantisme. Jean-Louis Kuffer
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