Gabriel Bender
Bretelles d'arc-en-ciel, Lausanne, L'Aire, 2003, pp. 198
Gabriel Bender/ Bretelles d'arc-en-ciel
Catherine Parlier, jeune couturière de la Vallée se retrouve, bien malgré elle, à la tête de l'organisation d'un grand rassemblement homosexuel à Sédune. Tout en militant pour la cause, elle accepte de réaliser un costume qui devrait faire la fierté des habitants de Saint-Jean-de-Dieu. A partir de faits avérés, Gabriel Bender peint avec délectation un tableau de murs d'un Valais mystique, agité par des vents contraires. "Tout est faux dans ce roman, affirme pourtant, l'auteur, sauf ce qui est vrai bien sûr, comme l'amitié, la jalousie, les petites lâchetés, les apparitions de la sainte Vierge e la complicité verticale des félins". Au finale, cela donne un roman malicieux, émouvant, sur une narration tout en souplesse, rythmé par la respiration de la nature.
Gabriel Bender est né en 1962, après son diplôme de travailleur social, il obtient une licence en sociologie qu'il complète par un diplôme supérieur en histoire économique et sociale à l'université de Genève. Aujourd'hui il est professeur, chargé de recherche à la Haute école santé-social du Valais. Gabriel Bender vit à Châtaignier, au cur du vignoble de Fully.
Bretelles d'arc-en-ciel, Lausanne, L'Aire, 2003, pp. 198
Article de Fabio Bonavita / 360°
La deuxième pride de Gabriel Bender
Sociologue et historien valaisan, Gabriel Bender surprend son monde en publiant «Bretelles d'arc-en-ciel». L'histoire d'une jeune couturière lesbienne en prise directe avec les clichés liés à sa sexualité.
Le monde de l'édition, Gabriel Bender le connaît bien. Entre études sociologiques sur les tavernes et autres fictions de son canton d'origine, l'auteur valaisan est parvenu en quelques années à se tailler une petite réputation dans les vitrines des libraires romands. En juillet 2002, le projet de «Bretelles d'arc-en-ciel» débute à la suite d'un constat. «Je me suis rendu compte au fil des années que la sociologie n'a pas de discours propre. Il s'agit simplement d'un outil qui peut être mis au service d'autres genres littéraires, voilà pourquoi je me suis lancé dans cette aventure romanesque. J'ai voulu donner naissance à une forme de fantaisie littéraire», se rappelle Gabriel Bender.
La mise en place du projet s'est d'abord articulée autour d'une véritable recherche sociologique basée sur les témoignages des organisateurs de la Gay Pride sédunoise en 2001. «Pour moi, la force de la fiction se retrouve dans le détail, j'ai donc donné un aspect de reportage au livre. Mais dans le même temps j'ai souhaité proposer un roman facile à lire car l'écriture s'apparente à la peinture, explique le sociologue. Elle est donc éminemment visuelle.» Plus complexe qu'il n'y paraît, «Bretelles d'arc-en-ciel» mêle allégrement délires fictionnels et faits réels, un cocktail qui a le mérite d'interpeller et qui permet au monde qui se dévoile d'acquérir sa propre identité.
Quête initiatique
Basé sur la multiplicité identitaire des divers protagonistes, le roman donne à voir le quotidien d'une jeune couturière lesbienne, Catherine, qui voit son existence prendre un nouveau tournant lorsqu'on lui confie l'organisation de la Gay Pride sédunoise. Parallèlement elle se voit également responsable de la confection d'un costume qui doit être la fierté des générations futures. Très rapidement, cependant, la toile d'obstacles se tisse. «Cette jeune femme est très éloignée des préoccupations citadines. C'est la raison pour laquelle ses nouveaux mandats vont considérablement la déstabiliser. En fait, plus elle essaie d'être reconnue comme couturière, plus les gens la perçoivent comme lesbienne. A la fin du roman, on oublie presque qu'elle est homosexuelle, ce n'est pas essentiel dans la narration. J'ai surtout voulu construire un jeu autour du costume et contrairement à certaines idées reçues, l'habit fait le moine!», ajoute Gabriel Bender.
Comme il est fréquent pour un premier roman, le récit autobiographique est sous-jacent à l'intrigue principale. «L'enfance de Catherine, par exemple, est très proche de la mienne, confie l'auteur. Je suis également passionné par le déroulement des saisons. Il est donc normal que l'histoire s'étale sur neuf mois comme pour l'accouchement d'un enfant et que l'on y retrouve l'évocation de la saison agricole.» Prenant une importance croissante tout au long du périple, les deux chattes de Catherine surprennent le lecteur puisqu'elles lui parlent. Confidentes ou conseillères, elles donnent une teinte de surréalisme qui ne se justifie que par elle-même selon l'écrivain valaisan: «En fait, ces deux chattes peuvent être considérées comme les diverses facettes de la personnalité de Catherine, mais aussi du point de vue purement sexuel en tant que "chattes".» On laissera Gabriel Bender libre de ses interprétations freudiennes... Et celui-ci de préciser encore: «J'ai simplement voulu faire de la littérature populaire et les animaux sont omniprésents dans tous les contes pour enfants.»
Au fil de la discussion, Gabriel Bender nous livre les véritables motivations de l'écriture de «Bretelles d'arc-en-ciel». «Je dois avouer que j'ai écrit ce livre pour me faire pardonner. En effet, lors de la Gay Pride de 2001 à Sion, j'ai malheureusement eu tendance à réagir comme beaucoup de Valaisans. Je considérais cette manifestation comme une affaire d'homosexuels exclusivement. Je n'y ai donc pas participé et je m'en suis énormément voulu par la suite. Ce roman combat d'une certaine manière les jugements hâtifs et montre que les idées toutes faites sont dangereuses.»
Pourtant, si les pages s'avalent rapidement et que le récit proposé ne nécessite pas un dictionnaire à portée de main, certaines contradictions internes rendent par moment la lecture pénible. Souhaitant ranger au placard les divers clichés relatifs à la communauté homosexuelle valaisanne, Gabriel Bender tombe pourtant dans le travers d'en reproduire d'autres: les attaques de la communauté religieuse envers la Gay Pride, la prédominance de la politique dans la manifestation ainsi que la connotation de certains lieux. Lorsque la couturière décide de festoyer, elle part à Barcelone. Quand elle étouffe et qu'elle a besoin de recul pour mieux cerner la situation, elle se promène en montagne. Le processus descriptif de ces espaces connotés vient également alourdir le style: dommage. D'autant que l'issue de l'aventure est intelligemment ficelée et que le ton plutôt léger permet de saisir le deuxième degré inhérent à de nombreuses situations.
Toujours à l'affût de nouveaux projets, Gabriel Bender proposera un nouvel épisode de sa recherche liée à l'univers des boissons et des bistrots en faisant paraître au printemps 2004 un livre intitulé «Ivresse, entre plaisir et discipline». «J'ai également un projet romanesque qui va débuter prochainement. Je souhaite réellement m'épanouir dans divers genres littéraires et ne pas me contenter d'études sociologiques», conclut le sociologue et historien de formation. Et s'il reçoit de nombreux retours positifs sur son dernier né «Bretelles d'arc-en-ciel», ce dernier doit être réservé à ceux qui souhaitent découvrir une aventure simple où le Valais se dévoile au gré des saisons ...
Bretelles d'arc-en-ciel, Lausanne, L'Aire, 2003, pp. 198
Fabio Bonavita
360°
http://www.360.ch
février 2004
Bretelles d'arc-en-ciel, par Pierre Lepori
Non dispiaccia all'esordiente romanziere-sociologo, e non spiaccia a La Palisse, questo Bretelles d'arc-en-ciel [Bretelle color arcobaleno] è un romanzo di grande interesse
sociologico.
La Svizzera romanda conosce infatti il romanzo d'impegno e d'attualità, ma tende a trasformarlo in avventura storica (Sonnay) o lo raddoppia stilisticamente dell'esperienza d'avanguardia (Velan, Benoziglio). Per il resto, i romandi preferiscono spesso una letteratura verticale (di rovello spirituale, o di labirinti kafkiani), mentre non sembra temere tramonti la "grande vague" dei romanzi storici (dai didascalici di Jean Romain e Anne Cuneo, agli psicanalitici di Yvette Z'Graggen e Monique Laederach).
Gabriel Bender prende invece la realtà di petto, quasi in un istant-book: nel romanzo si narra di come una donna coraggiosa e per nulla militante sia diventata il simbolo di una nuova libertà, l'organizzatrice della Gay Pride di Sion del 2001.
Un momento socio-politico di grande fermento, di cui i giornali hanno fatto il loro pane quotidiano. Ma Bender, pur sociologo, non è giornalista. E per fortuna. Al primo filo narrativo, ludico, commovente, in cui simpaticamente i nomi e i luoghi sono trasformati, aggiunge una seconda storia. La giovane organizzatrice della Gay Pride di Sion (qui Sédune) è anche una sarta, mandatata dal comune vallesano di Saint-Jean-de-Dieu per festeggiare il gemellaggio con la località marina di Gésier-les-Pins.
La nostra protagonista, alle prese con una commissione culturale che sceglie i colori del costume in base alle percentuali politiche del consiglio comunale (con frasi surrealiste del tipo: "quando fa freddo e si abbottona la giacca, i radicali diventano invisibili"), si trova ad inventare un abito che sogna d'unire tradizione e innovazione, e finisce per ispirarsi agli ideali utopistici di Saint-Simon, che proponeva di allacciare i bottoni del gilè dietro la schiena, per favorire la solidarietà tra le persone. E di dare infine alla signore i pantaloni.
Se la storia della Gay Pride porta al trionfo della tolleranza - inaspettato ma che realmente ebbe luogo - l'acidula vicenda della confezione del costume porta invece allo scacco matto, e a una fuga-delirio della protagonista verso una Barcellona dai ricordi strazianti. Un bel modo per evitare al romanzo il retrogusto del pamphlet militante. Si tenga presente che il grande sommovimento creato dalla Gay Pride vallesana già ha dato origine a un film-documentario, intensamente partecipato, di Lionel Baier; per assumere appieno il valore militante della sua démarche artistica, il cineasta losannese indulgeva però a un certo narcisismo protagonistico. Niente di tutto questo per Bender, che assume le vesti del narratore divertito o commosso, in una cronaca asprigna di semplicità illuministica.
Si aggiunga qualche bella invenzione poetica, per evitare la facilità della cronaca: i ricordi delle stagioni vissute dalla protagonista bambina nella vigna del padre (i capitoli sono ritmati dai lavori viticoli stagionali), delle mele Golden che sostituiscono le fragili Gravenstein, oppure le due gatte Smolt e Sissi Van Poudovkine che discettano di Santa Caterina, Sant'Antonio e Santa Rita.
Espedienti romanzeschi che permettono alla racconto di stratificarsi, intensificarsi, sfumare i colori troppo tersi o bui dell'attualità "cronicizzata". E si legge d'un fiato, divertiti e commossi.
Bretelles d'arc-en-ciel, Lausanne, L'Aire, 2003, pp. 198
Pierre Lepori
Rete2 - RTSI
http://www.rtsi.ch/
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