Anne Rivier
Bleu de Perse, Editions de l'Aire, 2003

Anne Rivier/ Bleu de Perse

Amour et désamour dans l'Iran d'avant la Révolution. Jeune femme innocente, Hélène croit aller retrouver son mari Jean, coopérant idéaliste, partisan convaincu de l'Aide internationale. Mais elle rencontre son destin en la personne d'un homme d'affaires turc, séducteur et cosmopolite. Dans un pays et une culture dont elle ignore tout et qui auront sur elle un impact imprévisible, elle vivra entre clichés et illusions perdues, passant de Téhéran la Moderne aux forêts du Mazanderan éternel.

Roman d'apprentissage, roman d'exils croisés, Bleu de Perse décrit le quotidien décalé des Occidentaux expatriés et les inévitables malentendus régissant leurs relations avec les sujets du Shah in Shah, Lumière des Aryens.

Anne Rivier est née à Bienne en 1947. Etudes à Neuchâtel. Mariage puis quatre années en Iran dans un projet de développement. Vit ensuite successivement à Berne, La Chaux-de-Fonds, Genève et Lausanne. Divers travaux d'enseignement, de traduction et d'écriture. Depuis avril 1997 chroniques régulières dans l'hebdomadaire romand Domaine Public.
Bleu de Perse est son premier roman.

Bleu de Perse, Editions de l'Aire, 2003

 

Extraits de presse

[...]
On imagine un fond autobiographique mais élaboré pendant plus de trente ans, par une femme qui, passé la cinquantaine, observe de loin la jeune mariée pleine d'attentes et d'inquiétudes qu'elle a été en 1969. D'ailleurs, la romancière ne se contente pas du portrait de la "bourgeoise excédée" et caustique que semble parfois Hélène Weber. Par un jeu polyphonique, elle fait entendre les principaux acteurs de ce noeud de malentendus.

[...]
Dans l'avion qui l'amène à Téhéran, transie de peur, Hélène fait la connaissance d'un [...] Turc dont les manières l'horripilent et qui la séduit par cela même, car comme dit Edward W. Said, cité en conclusion, "[...] l'orientalisme est une forme de paranoïa".

[...]
Hélène ne reconnaît pas, hors cadre, l'homme qu'elle a épousé, un ingénieur obsédé par son travail, pétri d'idées généreuses et très maladroit. Elle ne sait plus si "son avenir est devant ou derrière elle". Au bout d'une année [...] la jeune femme repartira, on ne sait vers quel destin : la fin est ouverte, mais on n'a pas peur pour Hélène Weber. En dépit de sa fragilité, elle a des armes.

[...]
Autour d'eux gravitent des couples d'expatriés en débâcle, des serviteurs emplis de mépris, d'incompréhension et de rancoeur. [...] Ces voix mêlées, entrecoupées de citations - rapports officiels, guide de voyage, magazines, dérives oniriques comiques dans les fantasmes des uns et des autres - composent un tableau pessimiste mais sensible et tonique des rapports entre les individus et entre les peuples.

Bleu de Perse, Editions de l'Aire, 2003

Isabelle Rüf
Le Temps
http://www.letemps.ch
31.01.04

Pour les lecteurs de Domaine Public, Anne Rivier est la signataire de chroniques fort goûtées dans lesquelles elle évoque des moments de sa vie quotidienne et de son enfance. Voici que paraît Bleu de Perse. Non pas un récit autobiographique. Mais une fiction, dont la matière appartient aussi au passé de la romancière. Anne Rivier a vécu quatre ans en Perse où son mari travaillait à la sauvegarde des forêts au nord de Téhéran. L'expérience de l'exil, la confrontation d'une jeune Européenne avec le monde de l'Autre, elle les a vécues avant d'en tirer un roman. La chroniqueuse et la romancière ont ainsi la même ambition : donner sens à ce qu'elles ont vécu.

«Amour et désamour», annonce la quatrième de couverture. «J'attendais qu'on m'aime à en mourir», écrit Hélène, la jeune héroïne. Quand elle rejoint son mari en Perse (vers la fin des années soixante, ndlr), elle découvre que l'amour juré n'est plus, que l'homme se donne entièrement à la mission humanitaire. Entre l'exigence très égocentrique d'Hélène et la réalité, la relation conjugale ne peut que se dégrader. C'est ce désamour progressif qui détermine le mouvement du récit, de l'arrivée à Téhéran au départ une année plus tard (mais où va-t-elle ?). Entre la déforestation, que le mari d'Hélène cherche à enrayer, et la mésentente entre les deux qui s'aggrave, le rapport analogique donne tout son sens à la donnée romanesque.

Mais plus que cet aspect, ce que je voudrais retenir ici, c'est cette Perse vécue que l'héroïne hérite de l'auteur et qui, hélas, n'est pas une fiction. C'est le statut peu enviable de toutes ces petites gens employées du camp de l'organisation humanitaire ou rêvant de le devenir. «Ici, à Téhéran, la vie, votre vie, c'est le travail sans droits, toujours pour le bénéfice des autres, le patron, le père, les grands-pères, le clan.» C'est le besoin lancinant d'argent, pour se nourrir, pour se marier. Dans les familles, trop, nombreuses, il n'y a en général qu'un salaire. De façon significative, le récit s'ouvre sur la distribution, au camp, du salaire des ouvriers.

C'est surtout «la précarité du sort des femmes dans un univers d'hommes et de propriétaires». Hélène la découvrira dans le destin de sa domestique. Vendue à un gangster, elle élève son fils chéri, quand le mari la répudie et emmène le petit garçon. Car l'homme a la loi pour lui.

Epouses achetées, maltraitées, répudiées sur simple déclaration devant témoins. Le récit du remariage d'un employé, les Européens y sont invités, est accablant sous le cynisme apparent : «On marche avec entrain, on va vendre une femme à un homme. Société de caution mutuelle, en formation ! Une deux, une deux...»

Et le bleu de Perse ? S'il s'agit du «bleu magique des coupoles», les protagonistes n'en ont cure. Le titre fonctionne-t-il comme un avertissement : ce qui nous attend, c'est l'envers de ce décor pour touristes, de cet «orientalisme» ? Mais quand on se cogne, cela laisse un bleu.

Ecoutons Anne Rivier nous raconter les bleus que lui a laissés son séjour en Perse.

Bleu de Perse, Editions de l'Aire, 2003

Seylaz Jean-Luc
Domaine Public No 1589
http://www.domainepublic.ch/
30.01.2004