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Claude Delarue & Isabelle Martin
Isabelle Martin, Claude Delarue : la grandeur des perdants, Genève, Zoé, 2011, 138 pages.
Claude Delarue : En attendant la guerre, Genève, Zoé, réédition, 2011, 339 pages.

4èmes - Critique, par Elisabeth Vust -
In breve in italiano
- Kurz und deutsch

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Retrouvez également Claude Delarue dans nos pages consacrées aux auteurs de Suisse

  Isabelle Martin / Claude Delarue : la grandeur des perdants

Isabelle Martin / Claude Delarue : la grandeur des perdantsPresque tout entière dédiée à la fiction, l’oeuvre de Claude Delarue compte aujourd’hui une vingtaine de titres qui valent non seulement par la vigueur de leur construction, plastique ou musicale, mais aussi par leur style dense, subtil, lumineux jusque dans la désespérance.
La puissance baroque, la folie et la foi créatrice, l’ampleur de l’ambition, le lyrisme et l’ironie fondent cet univers romanesque très singulier. Hormis trois mémoires de maîtrise portant chacun sur un roman ou une thématique, il n’existe cependant aucune étude d’ensemble de l’oeuvre. S’il espère ainsi combler une lacune, ce livre d’Isabelle Martin se veut moins un essai critique qu’une relecture attentive.
Il entend faire partager au lecteur une admiration de longue date, en donnant le plus souvent possible la parole à l’écrivain.

Isabelle Martin a toujours vécu à Genève.
Lettrée et grande lectrice, elle a travaillé au "Journal de Genève", longtemps à la tête du "Samedi littéraire". Elle a ensuite dirigé les pages livres du "Temps".

Isabelle Martin, Claude Delarue : la grandeur des perdants, Genève, Zoé, 2011, 138 pages.

 

  Claude Delarue / En attendant la guerre

 

Claude Delarue : En attendant la guerreImpérieuse, lucide et séductrice, Olga Grekova-Leber attend la guerre en mémoire de son mari.
Pendant une grande partie de sa vie, ce dernier a construit un abri antiatomique en forme de ville souterraine. Olga vit au-dessus, au sommet d’une montagne escarpée et sauvage, sa demeure ressemble à un château-fort. Entourée de ses serviteurs tamouls, d’une cuisinière colombienne un peu magicienne et de Tanguy, le farouche régisseur du domaine, Olga, rivée à son fauteuil roulant depuis l’accident qui a tué son mari, engage un « secrétaire ».
Ce dernier doit préparer l’édition des milliers de feuillets laissés par l’architecte. Au cours de promenades qui deviennent peu à peu de vraies courses dans la montagne, une passion naît entre le secrétaire et la veuve. L’homme pousse la chaise de l’infirme jusqu’à l’épuisement, puis la porte à même le dos dans une nature violente et somptueuse. Et le lecteur a l’impression de littéralement entrer à l’intérieur de la relation de ces deux magnifiques personnages et de la nature qu’ils arpentent.

Claude Delarue, romancier, dramaturge et essayiste est l'auteur d'une trentaine de romans, d'essais et de pièces de théâtre.
Après une formation de musicologue à l'Académie de Vienne, il a vécu à Hambourg et Berlin, et a travaillé pour le CICR au Proche-Orient, dans la bande de Gaza. Installé à Paris, il est critique littéraire et conseiller éditorial.

Claude Delarue : En attendant la guerre, Genève, Zoé, réédition, 2011, 339 pages.

 


  Critique, par Elisabeth Vust

In breve in italiano - Kurz und deutsch

Claude Delarue est né en 1944 à Genève où il a vécu, avant de s’établir en 1972 à Paris. Son écriture l’a pour ainsi dire suivi dans cette expatriation. En effet, il n’avait plus situé de fiction en Suisse depuis En attendant la guerre, que les Editions Zoé viennent de rééditer. Ce récit publié pour la première fois en 1989 est emblématique du travail de l’auteur, avec pour héroïne une ex-actrice en fauteuil roulant, pour décor une forteresse sise sur un immense abri antiatomique et pour drame une passion amoureuse intense et ravageuse.

En 2005, l’écrivain a fait un retour momentané au pays natal via La Comtesse de Dalmate. Lors de la sortie de ce roman endiablé dans les eaux troubles du déplaisir, Claude Delarue confiait : « De temps en temps, j’éprouve la nécessité de parler de mon pays natal, pour lequel je ressens malgré tout une certaine nostalgie, parce que c’est le pays de mon enfance. Cela fait trente-deux ans que je l’ai quitté, mais si j’y reste un peu longtemps, je ressens le même agacement que jadis. »

Auteur d’une œuvre en construction, déjà riche d’une vingtaine de titres (principalement de fiction), et dont chaque nouvelle parution en renforce la cohérence, Claude Delarue connaît sans nul doute « le sort inconfortable des écrivains reconnus comme tels mais parfois traités par la critique avec une distraction qui frise la désinvolture ». (Livres Hebdo, 2002).

Directrice du supplément littéraire du Journal de Genève,puis des pages livres du Temps, à présent à la retraite mais toujours active dans le monde littéraire, Isabelle Martin comble ainsi une belle lacune. Son livre se veut « moins un essai critique qu’une relecture attentive et plutôt empathique », avec pour but de « faire partager une admiration de longue date, en donnant le plus souvent possible la parole à l’écrivain ».
En sorte que la journaliste propose un itinéraire commenté à travers les textes de Claude Delarue, dont les repères sont une série de critères géographiques, psychologiques, généalogiques, esthétiques, artistiques.

L’avant-propos est suivi d’un « Abécédaire biographique », où le mot fiction mérite un arrêt particulier : « J’estime que la fiction peut servir à exposer certaines idées, et que c’est un tort de dire, comme on a tendance à le faire en France, que les idées ont leur territoire propre et ne doivent pas venir encombrer le roman. Or, le roman est un genre multiple dans lequel on peut mettre ce que l’on veut, pourvu que ça fonctionne », note Claude Delarue.
On le constate vite en le lisant, l’écrivain nourrit effectivement ses nouvelles et romans tout à la fois d’idées, de culture et d’imagination. Réflexives et complexes, foisonnantes et baroques, instructives et jouissives, ses narrations sont construites autour d’une série de couple d’antagonistes (bien-mal, laideur-beauté, excès-carence, vrai-faux, plaisir-déplaisir). Elles sont tissées d’un réseau d’énigmes artistiques, psychiques, sentimentales, métaphysiques, identitaires et/ou politiques, c’est selon.
Par exemple, dans Nâga, dernier volet d’une trilogie archéologique, trois types de récits se nouent autour d’une Malaisienne revenant à la forêt de son enfance pour s’initier à la sorcellerie et d’un colosse écossais de 2m12 malade du cœur dans tous les sens du terme.

Confrontés à leurs propres énigmes et à celles du monde, en manque de père(s) et de repères, les héros delaruiens ont des physiques singuliers et des esprits peu communs. Leurs champs d’orgueil sont tourmentés et soumis à de virulents principes destructeurs et créateurs. Ces personnages hors normes font l’objet d’un chapitre, tout comme le thème des « Lieux », de « La quête », de « La généalogie », de « L’archéologie », de « La folie » et de « La violence ».
Isabelle Martin ajoute à cette géographie littéraire un survol succinct de l’œuvre, une revue de presse et une bibliographie.

Au final, l’essai d’Isabelle Martin parvient à être accessible et digeste, tout en montrant l’ampleur et l’importance du travail de Claude Delarue. Reste pour le lecteur à toucher cette complexité, l’ironie et le lyrisme de son écriture, en se plongeant dans un de ses romans.

Elisabeth Vust

 

  En bref

 

In breve in italiano

Isabelle Martin ha diretto il “Samedi littéraire”, rubrica del Journal de Genève, in seguito le pagine letterarie del quotidiano Le Temps. La giornalista e critica letteraria pubblica oggi un testo su Claude Delarue, inteso più come “una rilettura attenta e empatica che non come un saggio critico”. L’autore nato a Ginevra nel 1944 si è stabilito rapidamente a Parigi ; con ciascuno dei suoi libri egli aggiunge una pietra coerente all’insieme della opera, che conta già una ventina di titoli, principalmente finzioni, e che è già stata premiata con numerosi premi letterari. Intrisi di cultura e immaginario, i romanzi di Delarue sono evocatori e carichi di significati, di universi spesso inquietanti e di un’estetica a volte barocca, strana, dove follia e creatività danzano tenendosi strette.
Isabelle Martin indica, attraverso una scrittura agile, i riferimenti geografici, psichici, genealogici, estetici e artistici di quest’opera singolare. Un invito riuscito a (ri-)tuffarsi in uno dei libri di Delarue, ad esempio En attendant la guerre – un huis-clos di morte e amore in una fortezza alpina trasformata in rifugio antiatomico – che le Edizioni Zoé ristampano per l’occasione. (rd)

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Kurz und deutsch

Isabelle Martin leitete die Literaturbeilage der «Samedi littéraire» des Journal de Genève, danach den Literaturteil der Zeitung Le Temps. Heute publiziert die Journalistin und Literaturkritikerin einen Text über Claude Delarue, einen Text, der weniger ein literaturkritischer Aufsatz sein sollte als vielmehr eine neue und aufmerksame Betrachtung seiner Werke sowie eine empathische Lektüre. Der 1944 in Genf geborene Autor Claude Delarue liess sich bald in Paris nieder. Mit jedem seiner Werke fügt er ein weiteres organisches Stück seinem Oeuvre hinzu, das sich bereits aus mehr als zwanzig Titel zusammensetzt und hauptsächlich aus Romanen besteht, die mit etlichen literarischen Preisen ausgezeichnet wurden. Seine Romane, reich an Kultur und Vorstellungskraft, zeichnen sich durch eine Evokationsfähigkeit aus, die den Leser oft in unheimliche Welten mitnimmt, in welchen eine teils barocke, teils seltsame Ästhetik herrscht und in denen Wahnsinn und schöpferische Kraft dicht nebeneinander liegen. Isabelle Martin skizziert in ihrer leicht zugänglichen Untersuchung die geographischen, physischen, genealogischen, ästhetischen und künstlerischen Eckpunkte dieses beachtlichen Werkes und bietet somit die Gelegenheit, sich (wieder) der Lektüre eines der Titel hinzugeben, zum Beispiel En attendant la guerre – in einem alpinen Bollwerk, das zu einem Atombunker umfunktioniert wurde, spielt sich ein ein huis clos aus Liebe und Tod ab – welche die Editions Zoé gleichzeitig wieder herausgeben. (ja)

 

Page créée le: 11.05.11
Dernière mise à jour le: 11.05.11

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